Parfois, nombreux sont ceux qui rêveraient de pouvoir faire semblant d’être morts et ainsi disparaître des registres officiels. Une sorte de renaissance, un moyen d’oublier un passé encombrant. Pourtant, comme Jeanne Pouchain l’a douloureusement découvert, être déclaré mort légalement n’est pas un simple moyen de repartir à zéro. Cette « mort juridique » se révèle au contraire un véritable cauchemar, compliqué et lourd de conséquences inattendues. Cette situation extrême n’est envisageable sans difficultés qu’en cas de fuite d’une peine pénale sévère — ce qui n’est pas le cas ici.
Jeanne Pouchain est officiellement morte depuis trois ans selon les autorités françaises, comme le relate AP News. Pour elle, la prétendue mort n’est nullement un nouveau départ mais un éternel entre-deux, un pur vide administratif et existentiel qui impacte chaque aspect de sa vie. Être déclaré mort signifie que tout s’arrête : l’avancement, les droits, l’identité même. C’est une ironie tragique d’autant plus marquante que cette fausse mort n’est aucunement due à une décision de sa part, mais à une erreur judiciaire lourde de conséquences. Depuis, cette femme lutte sans relâche pour faire renaître ce qu’un tribunal lui a injustement arraché : la reconnaissance de son existence.
Le 11 janvier 2021, Jeanne Pouchain a de nouveau comparu devant un tribunal afin de prouver qu’elle est bel et bien vivante. Battante, consciente de son propre combat juridique, elle témoigne d’une vitalité et d’une lucidité face à un système qui la prive de ses droits fondamentaux. Cette bataille judiciaire trouve son origine il y a près de vingt ans, lorsque l’ancienne employée de son entreprise de nettoyage la poursuit en justice.
L’ex-salariée réclame des dommages et intérêts après son licenciement, imputé à la perte d’un important contrat par l’entreprise de Pouchain, comme expliqué par The Guardian. En 2004, le tribunal donne raison à cette ancienne employée, condamnant l’entreprise à verser 14 000 euros. Cette somme n’a jamais été réglée, la société ne disposant pas de moyens suffisants, mais les choses se compliquent lorsque, en 2016, une cour d’appel contraint le mari et le fils de Jeanne Pouchain à payer à leur place. Soudainement, ils considèrent Pouchain comme décédée — sans qu’aucune preuve officielle ne confirme ce statut.
Cette erreur se concrétise en 2017 lorsque l’ancienne employée informe la cour que Jeanne Pouchain est morte, expliquant son silence aux courriers de cette manière. De fait, pour la justice, Jeanne Pouchain n’existe plus.
Or, cette situation est loin d’être conforme aux règles de procédure : les tribunaux ont prononcé la mort de Jeanne Pouchain sans la moindre preuve tangible, ni certificat médical ni autre document officiel. Selon son avocat, Sylvain Cormier, relaté par Forbes, le tribunal s’est appuyé sur la simple parole de l’ancienne salariée, sans vérifier ni demander la moindre pièce justificative. Un manquement judiciaire qui a conduit à cette fausse mort légale.
Cette déclaration de décès a effacé Jeanne Pouchain de toutes les bases officielles. Plus aucune carte d’identité, plus de permis de conduire, aucun accès à ses comptes bancaires — elle est une morte administrative. Si, à l’origine, on lui avait promis une rectification rapide, son impossibilité à obtenir les documents nécessaires pour prouver sa réalité a transformé ce combat en une lutte interminable.
Depuis, elle vit dans la peur constante de voir ses biens confisqués. Sa voiture a déjà été saisie à cause de dettes qu’elle ne peut régler faute de moyens d’existence. Elle reste cloîtrée chez elle, redoutant que son mobilier ne soit le prochain pris. « Je n’existe plus. Je ne fais rien, je reste sur la véranda à écrire », confie-t-elle à AP News.
L’équipe juridique de Jeanne Pouchain accuse l’ancienne employée d’avoir sciemment falsifié cette mort pour pousser la famille à s’acquitter des dettes. En revanche, la défense de l’ancienne salariée prétend que c’est Pouchain qui aurait fabriqué cette fausse mort pour échapper à ses obligations. Quoi qu’il en soit, la justice doit prochainement trancher pour ramener Jeanne à la vie légale, rendant ainsi à cette femme un destin qu’on lui avait enlevé injustement.
