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Boualem Sansal, écrivain franco-algérien incarcéré en Algérie depuis six mois, a reçu le 21 mai 2025 le prix mondial Cino del Duca, un prestigieux prix littéraire français récompensant la force d’un écrivain qui persiste à faire entendre une parole libre malgré les censures.
Cette distinction, attribuée pour l’ensemble de son œuvre, place Boualem Sansal aux côtés d’auteurs tels qu’Andreï Sakharov, Léopold Sédar Senghor, Jorge Luis Borges ou Milan Kundera. Le lauréat du Goncourt 2024, Kamel Daoud, avait également reçu ce prix en 2019.
Une parole libre et humaniste
Le prix, doté de 200 000 euros par la Fondation Simone et Cino Del Duca, célèbre « la force d’un écrivain qui, au-delà des frontières et des censures, continue d’exprimer une parole libre, profondément humaniste et résolument nécessaire », selon le jury.
Créé en 1969, ce prix honore la carrière d’un auteur français ou étranger dont l’œuvre, qu’elle soit scientifique ou littéraire, porte un message d’humanisme moderne.
Arrestation et détention
Boualem Sansal, âgé de 80 ans, est en détention depuis son arrestation à l’aéroport d’Alger, mi-novembre 2024. Condamné le 27 mars 2025 à cinq ans de prison notamment pour des propos tenus en octobre 2024 dans un média français d’extrême droite, où il évoquait la question des territoires hérités de la colonisation française en Algérie, considérés comme faisant partie auparavant du Maroc.
Son éditeur, Gallimard, a désigné un avocat français pour assurer sa défense, qui n’a jamais obtenu de visa pour se rendre en Algérie. Le procès en appel de Boualem Sansal est fixé au 24 juin 2025.
Un symbole de tension diplomatique
L’écrivain devient le centre d’une importante tension diplomatique entre l’Algérie et la France. Alger soutient que la justice a suivi son cours, tandis que Paris réclame un « geste d’humanité » en faveur d’un homme atteint d’un cancer.
Depuis l’été 2024, les relations entre les deux pays connaissent une crise majeure, marquée par le gel des coopérations et une série d’expulsions réciproques de fonctionnaires.
Un attachement à la liberté de création
Le jury du prix souligne que Boualem Sansal est « un romancier majeur de la scène francophone, devenu une voix incontournable de la littérature contemporaine ». Son œuvre, portée par une plume élégante et un courage rare, témoigne d’un engagement profond envers la langue française et les valeurs qu’elle véhicule.
Ce prix rappelle notamment l’importance de la liberté de création, de publication, ainsi que la protection de la vie culturelle et du débat intellectuel. Le jury est composé de 14 membres issus des cinq académies de l’Institut de France, présidé par Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l’Académie française.
La remise officielle du prix, qui aura lieu sous la Coupole de l’Institut de France lors de la séance solennelle de remise des Grands Prix des fondations, est programmée pour le 18 juin 2025, dans des modalités encore à définir.
Une œuvre engagée
Boualem Sansal a fait ses débuts littéraires en 1999 avec Le Serment des barbares, roman décrivant la montée des intégrismes dans une société algérienne minée par la violence, la peur et la corruption.
Publiée à Paris chez Gallimard, cette œuvre a été remarquée, bien que l’écrivain reste peu connu en Algérie où la place de la littérature francophone est marginalisée. Son œuvre inclut notamment Le Village de l’Allemand, interdit en Algérie en raison de son parallèle entre islamisme et nazisme, ainsi que Rue Darwin.
En 2013, l’Académie française lui attribue le Grand prix de la francophonie. Deux ans plus tard, en 2015, elle lui décerne le Grand Prix du roman pour 2084, un récit inspiré du chef-d’œuvre de George Orwell, 1984, qui anticipe la prise de pouvoir de l’islamisme dans un pays fictif où la religion doit être pratiquée intensément.
