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Interdit en 2018, en même temps que les autres néonicotinoïdes — une famille de pesticides tueurs d’abeilles —, l’acétamipride pourrait faire son retour dans les champs français. Cette possibilité émane d’une proposition de loi portée par le sénateur LR Laurent Duplomb, visant à « lever les contraintes » rencontrées par les agriculteurs. Ce retour est notamment réclamé par des producteurs de noisettes ou de betteraves, qui affirment ne disposer d’aucune autre solution efficace contre les ravageurs.
Jean-Marc Bonmatin, chercheur au CNRS en chimie et toxicologie et spécialiste des néonicotinoïdes, met en garde contre les risques majeurs que représenterait la réintroduction de cet insecticide pour la santé humaine.
Nocivité avérée de l’acétamipride selon les études internationales récentes
Selon les recherches scientifiques révisées par des pairs, l’acétamipride est possiblement le moins toxique des néonicotinoïdes pour les pollinisateurs, notamment les abeilles. Cependant, c’est vraisemblablement le plus toxique pour la santé humaine. Des études robustes font le lien direct entre l’exposition à cet insecticide et des pathologies graves : troubles du neurodéveloppement chez les fœtus et les jeunes enfants (hyperactivité, troubles du spectre autistique), perturbations endocriniennes, cancers du foie, de la thyroïde et des testicules, ainsi que des maladies rénales chroniques. La liste des effets nocifs ne cesse de s’allonger au fil des découvertes.
Persistance prolongée dans l’environnement
L’usage des néonicotinoïdes engendre une pollution durable, pouvant perdurer de 5 jusqu’à 30 ans. Les effets néfastes ne se manifestent donc pas immédiatement après le traitement, mais sur le long terme. Depuis l’interdiction, la situation s’est améliorée, mais la contamination subsiste. Réintroduire l’acétamipride constituerait un sérieux recul écologique et sanitaire. La communauté médicale soutient unanimement cette position, comme en témoigne la lettre ouverte signée par un millier de médecins adressée aux ministres de la Santé, de l’Agriculture, du Travail et de l’Environnement.
La dissémination des néonicotinoïdes touche tous les compartiments naturels : sols, air, eau et estuaires. Il est crucial de soutenir les producteurs confrontés à des ravageurs, sans compromettre la santé publique.
Effets délétères même à faibles doses
Bien que l’acétamipride soit proposé à titre dérogatoire et soumis à un encadrement strict, sa toxicité à très faibles doses est désormais bien établie. Ces insecticides, initialement autorisés à titre temporaire il y a vingt-cinq ans, restent dangereux aux quantités utilisées : des doses infimes suffisent à tuer les abeilles et à impacter négativement la santé humaine. Toute créature possédant un système nerveux central peut être affectée par ces substances.
Une concurrence déloyale dénoncée face aux importations
En Europe, l’acétamipride est autorisé jusqu’en 2033. Certains syndicats agricoles évoquent une « concurrence déloyale » et craignent une ouverture aux importations de noisettes cultivées avec des pesticides interdits en France. Importer des produits soumis à des normes moins strictes représente une erreur majeure. Cependant, reproduire des pratiques néfastes pour la santé au même niveau ne constitue pas une solution viable. L’objectif doit être d’élever les normes sanitaires et environnementales, et non de les abaisser.
Résistance croissante des ravageurs aux pesticides
Les néonicotinoïdes ont été créés pour pallier la résistance des ravageurs aux anciennes molécules. Ce phénomène s’apparente à une course aux armements, comparable à celle observée avec les antibiotiques, où l’usage excessif compromet leur efficacité future.
Or, les néonicotinoïdes deviennent progressivement moins efficaces contre les ravageurs, conduisant à des usages toujours plus importants et diversifiés. Paradoxalement, leur impact nocif sur la santé humaine croît également. Par exemple, sur un million de pucerons, un seul résistant peut entraîner le développement d’une population résistante, créant un cercle vicieux nécessitant davantage d’insecticides, aggravant les risques sanitaires et environnementaux.
Interdiction en France des néonicotinoïdes
Face à ces dangers, la France a pris en 2016 la décision d’interdire tous les néonicotinoïdes. Dès 2018, une loi a été mise en œuvre pour bannir définitivement ces pesticides agissant sur le système nerveux central, les qualifiant de « tueurs d’abeilles ». Cette mesure visait à protéger la biodiversité, la santé des pollinisateurs et à limiter les risques sanitaires pour la population.
