Le marché des livres d’occasion menace-t-il les librairies en France ?

par Olivier
0 commentaire
A+A-
Reset
Le marché des livres d'occasion menace-t-il les librairies en France ?
France
Portrait de Christophe Séfrin

Créée en 2020, La Bourse aux Livres s’impose comme le premier vendeur de livres d’occasion en France, enregistrant un chiffre d’affaires de 13,5 millions d’euros en 2024, en progression de 70 %. Aux côtés d’autres acteurs tels que Recyclivre ou Momox, cette plateforme rachète aux particuliers des livres anciens en simplement scannant leur code-barres, puis stocke et revend les ouvrages via son application.

Avec un entrepôt d’1,6 million d’ouvrages situé à Amiens, la start-up répond à une demande croissante, dans un marché du livre d’occasion évalué à 350 millions d’euros, face à près de 3 milliards d’euros pour le marché du livre neuf. Cette dynamique soulève des débats, notamment à propos d’une contribution envisagée par le gouvernement à chaque revente de livre, sujet sur lequel La Bourse aux Livres fait entendre sa voix.

Les origines de La Bourse aux Livres

Fondée fin 2019 par Dorian Lovera et Tom Castano, étudiants à l’École de commerce IESEG de Lille, La Bourse aux Livres est née d’une initiative visant à faciliter la revente des manuels scolaires entre étudiants. Le succès a été immédiat avec 40 000 euros de recettes la première année. Pour écouler le surplus de livres, ils ont développé une plateforme logistique et, en janvier 2020, ont ouvert leur service au grand public. Désormais, chacun peut scanner le code-barres de ses livres d’occasion pour en obtenir une estimation instantanée et confier leur revente à la start-up.

Un modèle différent d’une vente directe entre particuliers

Contrairement à une plateforme type Vinted, qui met en relation acheteurs et vendeurs sans intervention, La Bourse aux Livres achète directement les ouvrages à moindre prix. Cette méthode répond à un besoin réel des utilisateurs, notamment des étudiants souhaitant se défaire rapidement de leurs livres, sans passer par la complexité de petites annonces et d’envois multiples.

Près de 40 % des livres scannés sont acceptés, sur la base d’une vingtaine de critères intégrés dans un algorithme évaluant notamment la pertinence des auteurs, l’intérêt du livre et le stock disponible. Certains livres, comme des versions obsolètes du Code de la route ou des ouvrages à forte actualité périssable, sont exclus, tandis que de vieux polars ont toujours leur place.

Prix de rachat et profils des clients

Les prix varient en fonction de l’offre et de la demande. Un ouvrage très répandu verra rapidement sa valeur baisser à quelques centimes, tandis qu’un livre de poche rare et recherché pourra être racheté plusieurs euros. L’objectif est de privilégier le volume pour garantir des tarifs compétitifs tant aux vendeurs qu’aux acheteurs.

Les clients sont variés : certains cherchent à faire de la place dans leur bibliothèque, d’autres souhaitent faire vivre leur collection en achetant et revendant régulièrement des livres d’occasion via la plateforme.

Les vendeurs ont le choix : être rémunérés une fois le livre vendu, ou immédiatement sous forme de bon d’achat sans décote supplémentaire. Le service séduit ainsi particulièrement les lecteurs réguliers à forte consommation de livres.

Impact sur les librairies et collaboration envisagée

Concernant la concurrence aux librairies, Dorian Lovera souligne que ce sont plutôt les grandes surfaces et enseignes culturelles en périphérie urbaine qui fragilisent les librairies traditionnelles. La Bourse aux Livres vise plutôt à rivaliser avec des géants comme Amazon, en proposant une expérience plus spécifique pour l’achat de livres d’occasion en ligne.

Si la plateforme représente une vraie concurrence pour la revente de livres récents par leurs premiers acheteurs, elle souhaite aussi contribuer au dynamisme global du marché du livre et prône le soutien à la création littéraire. La mise en place d’une chronologie des médias pourrait favoriser l’achat de livres neufs, ce que la start-up encourage à condition qu’une réglementation équitable soit appliquée à tous.

La possibilité de servir de plateforme de commande pour les libraires sur le marché de l’occasion est une idée à l’étude. La start-up avoue ne pas avoir l’ADN de la vente aux professionnels, mais reste ouverte à ce type de développement collaboratif.

Taxation et soutien aux auteurs

Une taxe sur les livres d’occasion a été évoquée pour rassurer les éditeurs, mais La Bourse aux Livres considère qu’une contribution volontaire des acheteurs aux auteurs est une première étape. Depuis le lancement de ce dispositif, 5 % des acheteurs choisissent de reverser une partie du montant de leur achat aux auteurs, ce qui a permis de collecter 20 000 euros en 2024, avec l’ambition d’atteindre 50 000 euros cette année.

Enfin, la question de la TVA est soulevée. Après la TVA réduite à 5 % sur le livre neuf, une TVA sur marge de 3 à 4 % s’applique aux revendeurs spécialisés de livres d’occasion. Cette double imposition signifie que l’État perçoit déjà une TVA à chaque étape, sans redistribution directe aux auteurs. Une révision de ce mécanisme pourrait être envisagée pour mieux soutenir la création littéraire.

Suggestions d'Articles

Laisser un Commentaire