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«De quel côté allez-vous vous asseoir ?» Cette question apparemment simple est le point de départ d’une expérience sociale révélatrice. Le mardi 17 juin à 21h10, France 2 diffuse « Sommes-nous tous racistes ? », un documentaire proposant à cinquante volontaires de participer à diverses mises en situation, sans qu’ils sachent que ces exercices ont pour but de dévoiler leurs biais racistes inconscients.
Les participants, pensant prendre part à une émission sur les mécanismes du cerveau, sont immergés dans des expériences inspirées d’études psychosociologiques reconnues. Leurs réactions sont analysées par le psychosociologue Sylvain Delouvée, avec l’intervention du comédien et réalisateur Lucien Jean-Baptiste, tandis que Marie Drucker et Jamy Gourmaud apportent leurs commentaires.
« Nous avons étudié la documentation scientifique mondiale depuis les années 1950 », explique Arnaud Poivre d’Arvor, producteur du programme. « Nous avons sélectionné les expériences les plus visuelles et frappantes pour un format télévisé. »
Mesurer le racisme : un défi complexe
Comment objectiver un phénomène aussi intime et socialement sensible que le racisme ? L’équipe du documentaire a consacré quatre ans à ce travail, scrutant les recherches internationales pour identifier des expériences prenantes à mettre en image. Parmi elles figurent la destruction d’un antivol de vélo, un test de catégorisation raciale, ou encore une salle d’attente où les volontaires choisissent de s’asseoir entre deux individus physiquement similaires, un blanc et un noir.
Le psychosociologue Sylvain Delouvée décortique les ressorts psychologiques à l’origine de ces biais : stéréotypes, catégorisation sociale et préjugés. Ces mécanismes automatiques, actifs chez tous de manière inconsciente, influencent toutefois concrètement nos comportements.
L’absence de statistiques ethniques en France
Documenter les discriminations raciales en France se heurte à une barrière juridique majeure : la collecte de données reposant sur l’origine ethnique ou raciale est interdite par la loi. Ce principe, fondé sur une conception universaliste de l’égalité et un héritage historique, limite les outils statistiques existants.
Contrairement aux pays anglo-saxons où les données ethniques sont souvent croisées avec des indicateurs de santé ou d’emploi, les chercheurs français doivent utiliser des méthodes indirectes. Dans ce contexte, ce documentaire constitue une approche inédite, offrant un éclairage concret sur des phénomènes difficiles à quantifier.
Comprendre sans juger ni culpabiliser
Les expériences montrent que certains réflexes discriminants sont acquis très tôt dans l’enfance. Toutefois, le documentaire évite de tomber dans la condamnation ou l’excuse facile. « L’objectif n’est pas d’excuser ces comportements, mais de les comprendre pour pouvoir les déconstruire », affirme le producteur.
Cette émission privilégie une prise de conscience ouverte, sans culpabilisation. Elle vise à éclairer les mécanismes invisibles qui sous-tendent les comportements racistes plutôt qu’à porter un jugement moral.
Parmi les expériences marquantes, celle de la salle d’attente a suscité une réflexion personnelle chez le producteur : « Aujourd’hui, je m’interroge sur ma propre attitude lorsque je monte dans un bus ou que j’attends dans une salle. »
Un pari nécessaire et délicat
Aborder le racisme en prime time, avec un ton pédagogique, est un choix rare et audacieux. Conscient des réactions potentielles, le producteur assume ce risque : « Oui, c’est un sujet sensible, et nous avançons prudemment, mais il est indispensable d’en parler. »
La force du programme réside, selon lui, dans sa clarté et son absence de moralisme. « L’émission aide à prendre conscience des dynamiques à l’œuvre dans nos comportements quotidiens, ce qui est un véritable service public. Nous l’avons conçue aussi pour être accessible en famille, car l’éducation joue un rôle fondamental pour faire évoluer les mentalités. »
Une révélation finale impactante
Durant le tournage, les participants croyaient intégrer « Les Mystères de notre cerveau ». Ce n’est qu’en fin d’émission qu’ils apprennent avoir en réalité pris part à une exploration des mécanismes du racisme. Tous ont donné leur accord éclairé pour la diffusion.
Cette révélation ouvre la voie à des échanges profonds où il apparaît que ce qui unit l’humanité est bien plus fort que ce qui la divise.
La soirée se poursuit avec la diffusion de deux documentaires complémentaires : « Noirs en France » à 22h55, suivi à 00h40 de « Je ne suis pas chinetoque, histoire du racisme anti-asiatique », abordant un autre pan méconnu du racisme en France.
