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Le rectorat de l’académie de Corse envisage de faire de la langue locale un savoir fondamental, à l’égal de la lecture, de l’écriture, du calcul et du respect d’autrui, déjà reconnus comme tels par l’Éducation nationale. Ce projet implique de renforcer et de généraliser l’enseignement de la langue corse.
Pour septembre, 70 nouvelles classes immersives devraient ainsi voir le jour, principalement en maternelle. L’académie précise que cet enseignement bilingue immersif favorise d’abord la langue régionale, avant d’intégrer progressivement et de manière continue l’enseignement en français et en corse.
La FCPE exprime ses réserves
En réponse à ce projet, le président de la FCPE de Corse-du-Sud a adressé début juin un courrier à la ministre de l’Éducation Elisabeth Borne. Si la fédération de parents reconnaît l’intérêt de l’apprentissage bilingue pour de nombreux enfants, elle déplore la transformation de certaines écoles ou collèges en sites bilingues exclusifs.
Déjà, 62,5 % des écoles intègrent une filière bilingue ou le sont entièrement, selon le rectorat. La FCPE s’oppose fermement à toute obligation, soulignant que cela pourrait engendrer des difficultés ou une exclusion, notamment pour des élèves ayant des troubles DYS ou dont les parents ne parlent pas le corse.
La fédération redoute enfin que l’enseignement bilingue devienne à très court terme obligatoire dans toutes les écoles, ce qui entraînerait, selon elle, une coofficialisation implicite de la langue corse avec le français, une mesure exclue dans le projet de réforme constitutionnelle concernant la Corse.
Fuite de la lettre et réactions vives
La lettre de la FCPE a fui sur les réseaux sociaux, déclenchant une série de réactions. Les autonomistes de Femu a Corsica dénoncent une « vision rétrograde » de la FCPE. Le Parti de la nation corse qualifie le courrier d’« attaque ignominieuse ». Le parti nationaliste d’extrême droite Mossa Palatina parle d’« pensée anti-corse d’extrême-gauche ».
Même un député Horizons de Corse-du-Sud, Xavier Lacombe, a regretté le ton et les conclusions du courrier. Les indépendantistes de Core in Fronte ont appelé à l’expulsion de l’île du président de la FCPE, des appels accompagnés de messages injurieux sur les réseaux sociaux et de tags menaçants à Ajaccio. Ces incidents ont conduit le parquet à ouvrir une enquête.
Précisions et réalité sur le terrain
Dans un communiqué bilingue français et corse, le recteur Rémi-François Paolini a regretté les nombreuses inexactitudes contenues dans la lettre de la FCPE, sans les spécifier. Le rectorat n’a pas non plus confirmé les établissements concernés.
Cependant, une source proche du dossier a indiqué qu’une école élémentaire d’Ajaccio, deux écoles à Porto-Vecchio et le collège de Vico sont concernés au minimum. Un parent d’élève de l’école publique Charles-Bonafedi à Ajaccio confirme : « Effectivement, j’ai dû inscrire mon enfant en filière bilingue, je n’avais pas le choix, sinon il fallait changer d’école ». Cette école deviendra bilingue exclusive à partir de septembre.
Le collège public de Vico devient également bilingue dès la rentrée pour une année expérimentale. Tous les élèves de la 6e à la 3e y auront trois heures de langue corse, mais aussi des cours de mathématiques, d’histoire-géographie, de sport et d’arts plastiques enseignés en bilingue français-corse.
