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Un chantier mémoriel d’envergure a débuté dans l’ouest de l’Irlande, autour du foyer religieux St Mary des sœurs du Bon Secours à Tuam. Cette semaine, les experts ont entamé l’exhumation des dépouilles de 796 enfants, enterrés sans sépultures officielles entre 1925 et 1960. Ces travaux ont été qualifiés de « chambre des horreurs » par l’ancien Premier ministre irlandais, Enda Kenny.
Découverte de la fosse commune
Cette exhumation fait suite à une enquête amorcée en 2014 par Catherine Corless, historienne locale. Elle a révélé que plusieurs centaines d’enfants sont morts au sein du foyer religieux de Tuam, ouvert de 1925 à 1961, leurs restes étant enterrés dans un ancien réservoir d’eaux usées. « Il n’y avait aucun registre d’enterrement, pas de cimetière, pas de statues, pas de croix, absolument rien », a-t-elle raconté.
Le foyer a été démoli en 1972 pour construire un lotissement, mais la fosse septique est restée intacte, devenant le site principal des opérations d’exhumation.
Les circonstances du décès des enfants
L’État irlandais, en collaboration avec l’Église catholique, gérait ces établissements où étaient enfermées les femmes enceintes hors mariage. Après l’accouchement, ces mères célibataires étaient séparées de leurs enfants, souvent placés en adoption. Nombre d’enfants moururent néanmoins dans ces foyers, sans que leurs mères aient accès à leurs dépouilles, ni même en soient informées.
En consultant les registres des naissances et décès, Catherine Corless a découvert des causes de mortalité variées : rougeole, coqueluche, grippe, tuberculose ou bronchite. Le premier décès enregistré concernait un bébé de cinq mois en 1925, la dernière victime avait également cinq mois en 1960.
En 2021, une commission nationale d’enquête sur les maltraitances dans ces foyers a révélé un taux de mortalité infantile « alarmant », estimant à 9 000 le nombre de victimes entre 1922 et 1988. Durant cette période, 56 000 femmes et 57 000 enfants ont transité par 18 foyers similaires.
Pourquoi un délai aussi long ?
Les révélations de Catherine Corless ont provoqué un choc en Irlande et ont déclenché une lente prise de conscience. « Personne ne voulait écouter », a-t-elle affirmé.
Le gouvernement irlandais a commencé une enquête en 2015. Deux ans plus tard, des fouilles préliminaires ont permis de retrouver d’importants restes humains. Mais ce n’est qu’en 2022 qu’une loi a autorisé officiellement les fouilles sur le site de l’ancienne maison de Tuam, et en 2023 qu’une équipe a été nommée pour diriger ces opérations.
Objectifs et défis des fouilles
L’exhumation est menée par une équipe locale renforcée par des experts internationaux, venus de Colombie, d’Espagne et du Canada. Leur mission est de retrouver, analyser et identifier, si possible, les restes des enfants, dans l’espoir de leur offrir une sépulture digne. Cette tâche s’annonce complexe : « Nous avons affaire à un grand nombre de restes de bébés », a expliqué Niamh McCullagh, consultante médico-légale principale. Les ossements, très petits, ont été enterrés de manière aléatoire, compliquant ainsi leur travail.
Des échantillons d’ADN ont été recueillis auprès d’une trentaine de proches des enfants présumés enterrés dans la fosse commune pour faciliter l’identification. Ce processus devrait s’étendre dans les prochains mois afin d’accumuler un maximum de données génétiques. Les fouilles devraient durer environ deux ans.
