La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un avis consultatif sans précédent, destiné à influencer la jurisprudence mondiale en matière climatique. Cette décision, prise à l’unanimité, affirme que les États qui ne respectent pas leurs obligations climatiques commettent un acte « illicite » et peuvent être tenus de verser des réparations aux pays les plus touchés par les conséquences du changement climatique.
Basée à La Haye, l’institution a répondu à la demande initiale d’étudiants originaires de l’archipel de Vanuatu. Cet avis juridique international peut désormais servir de fondement aux législateurs, avocats et juges du monde entier pour modifier les lois ou poursuivre en justice les États pour leur inertie face à la crise climatique. Selon Ralph Regenvanu, ministre du climat de Vanuatu, cette décision constitue « un jalon historique pour l’action climatique » et devrait inciter « de nouvelles actions judiciaires » à travers le monde.
Une menace urgente et existentielle
Le juge Yuji Iwasawa, président de la Cour, a rappelé lors de la présentation de l’avis que la dégradation du climat, provoquée par les émissions de gaz à effet de serre, représente une « menace urgente et existentielle ». La CIJ a rejeté la position avancée par les grands États pollueurs selon laquelle les traités climatiques existants, notamment les négociations annuelles des COP, seraient suffisants.
Les juges soulignent que les États ont « des obligations strictes de protéger le système climatique ». En accord avec les pays insulaires menacés, la Cour confirme que le climat doit être « protégé pour les générations présentes et futures », alors que les grandes puissances refusaient jusqu’ici de reconnaître légalement les droits des générations à venir.
Une décision majeure pour la justice climatique
La partie la plus significative de l’avis porte sur les compensations financières dues aux nations dévastées par les impacts climatiques. La Cour fixe un seuil exigeant : il doit être démontré un lien de causalité direct et certain « entre le fait illicite et le préjudice », ce qui, bien que difficile à établir juridiquement, reste « possible » selon les quinze juges de la CIJ.
Il s’agit du cinquième avis unanime rendu par la Cour en quatre-vingts ans, ce qui illustre le poids symbolique et juridique de la décision. Des experts et militants saluent unanimement cette avancée, qualifiée de « victoire historique pour la justice climatique ». L’ancien rapporteur spécial de l’ONU pour les droits humains et l’environnement, David Boyd, estime que l’interprétation par la Cour des obligations des États « sera un catalyseur pour accélérer l’action climatique ».
Joana Setzer, juriste spécialiste du climat à la London School of Economics, souligne que « pour la première fois, la plus haute juridiction mondiale établit une obligation légale pour les États de prévenir les dommages climatiques mais aussi de les réparer intégralement ». Selon elle, cet avis renforce considérablement la base juridique de la justice climatique.
Le professeur Pat Parenteau, de l’école de droit du Vermont, anticipe que cette décision sera testée en justice aux États-Unis. Bien que l’actuelle Cour suprême américaine soit peu favorable à une telle évolution, cette situation pourrait évoluer et accélérer l’intégration de la justice climatique dans le droit américain.
La bataille pour le climat investit désormais les tribunaux nationaux et internationaux, ce qui marque une réponse judiciaire à l’inaction politique, notamment dans un contexte où l’Europe et les États-Unis ralentissent ou reculent sur leurs engagements climatiques.
