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Ils seront 470 à prendre le départ. Quatre cent soixante-dix bateaux et 3 800 marins professionnels et amateurs qui s’élanceront ce samedi 26 juillet de Cowes sur l’île de Wight (Angleterre) pour le centenaire de la Rolex Fastnet Race. Une course au large se disputant tous les deux ans en équipage et sans escale en Manche et en mer Celtique, avec une arrivée à Cherbourg-en-Cotentin (Manche) depuis 2021. Organisée par le Royal Ocean Racing Club, la Fastnet attire depuis 1925 les marins du monde entier.
Mythique, la course a également été le théâtre de la pire tragédie dans l’histoire moderne de la voile. C’était lors de l’édition 1979, entrée tristement dans la légende avec un bilan dramatique de quinze morts parmi les concurrents et plus de vingt bateaux coulés. « Une tragédie où la nature se rappelle à l’homme », souligne l’auteur Stéphane Melchior, qui signe avec le dessinateur Renaud Garreta la bande dessinée Fastnet 1979, sortie fin mai aux éditions Delcourt.
Un départ dans des conditions optimales
Au moment du coup de canon le 11 août, rien ne laissait pourtant présager un tel cauchemar avec plus de 300 bateaux qui avaient pris le départ dans des conditions météo optimales. « Cela fait plusieurs éditions qu’il n’y avait pas eu beaucoup de vent et certains ironisaient même en rebaptisant la course « Slownet », raconte Stéphane Melchior. Cette année-là, on sentait que cela allait être un peu plus musclé mais sans qu’il n’y ait d’alerte particulière. »
Jean-Paul Mouren peut en témoigner. Âgé de 26 ans, le skipper participait alors à sa deuxième Fastnet à bord du bateau malouin Crazy Horse. « Personne n’angoissait, on partait pour une course d’été en plein mois d’août », confie-t-il. Les deux premiers jours de course se passent en effet à merveille avec toute la flotte qui file à son rythme en direction de Plymouth. Mais le 13 août, les conditions changent subitement avec une grosse dépression qui se creuse sur la mer d’Irlande.
« Impossible de se tenir debout avec le vent »
Dans la soirée, un bulletin météo annonce aux marins un avis de grand frais avec un coup de vent annoncé de force 8. « Beaucoup d’équipages étaient d’ailleurs contents car ça allait envoyer », souligne Stéphane Melchior. Mais quelques minutes plus tard, un nouveau bulletin annonce cette fois un coup de vent de force 10 avec des rafales à plus de 100 km/h et une mer démontée avec des vagues scélérates de plus de dix mètres.
Victorieux de la course à bord de Tenacious, le milliardaire américain Ted Turner racontera après coup qu’en plus de 100 000 miles d’expérience sur toutes les mers du monde, il n’avait « jamais rien vu de pareil ». Ce que confirme Bob Bell, propriétaire du Condor, arrivé second : « Le vent était si fort qu’il était impossible de se tenir debout. Il fallait s’allonger et ramper sur le pont lors des manœuvres. » Derrière les leaders qui n’ont vu que la fin de la tempête, une grosse partie de la flotte est, elle, en plein dedans. « Je n’ai jamais connu pire car il faisait froid en plus », poursuit Jean-Paul Mouren.
Avec son équipage, le jeune skipper arrive tout de même à se dérouter vers Kinsale, au sud de l’Irlande, malgré une grand-voile cassée. « On s’en est finalement bien tirés en gérant ça en bons marins », sourit le septuagénaire. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Car en pleine nuit, la tempête décime la flotte de bateaux, chaque marin essayant tant bien que mal de sauver sa peau.
Pour leur venir en aide, la Royal Navy déclenche alors sa plus grande opération de sauvetage avec plus de 4 000 personnes mobilisées, permettant d’éviter un bilan plus lourd encore. Mais il l’est déjà avec quinze décès, 139 personnes secourues et une vingtaine de bateaux coulés ou abandonnés à la dérive. Sur les 303 bateaux engagés, seulement 86 seront ainsi classés dans cette édition 1979 de la Fastnet qui a tourné au cauchemar.
Quelques mois plus tard, un rapport de la commission d’enquête du Royal Ocean Racing Club et de la Royal Yachting Association, les deux clubs organisateurs de la compétition, pointera du doigt les défaillances humaines et les défauts de certains voiliers, peu stables et étanches, pour expliquer une telle catastrophe. « Il y aura eu un avant et un après Fastnet 1979 car après ce drame, la construction des bateaux a été révisée et la solidité du matériel de survie améliorée, assure Stéphane Melchior. Cela a aussi contribué au développement des communications maritimes. »
