La Polynésie française : nouvelle route du trafic de drogue révélée

par Olivier
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La Polynésie française : nouvelle route du trafic de drogue révélée
Polynésie française, Australie

Le 14 juillet dernier, une saisie record de 900 kg de cocaïne et 180 kg de méthamphétamine a été effectuée à bord d’un voilier aux Iles Marquises, un des cinq archipels de la Polynésie française. Ce territoire du Pacifique Sud constitue une « voie incontournable » du trafic de drogue reliant le continent américain à l’Australie.

Les routes classiques de la drogue vers la France sont bien identifiées : le cannabis depuis le Maroc via l’Espagne, la cocaïne venant d’Amérique du Sud transitant par les ports d’Afrique de l’Ouest, ou encore l’héroïne afghane empruntant le corridor des Balkans. Toutefois, une voie moins connue mais très active passe par la Polynésie française, où circulent des tonnes de stupéfiants générant plusieurs centaines de millions d’euros, sur un marché global évalué entre 3 et 6 milliards d’euros annuels selon un rapport parlementaire de 2024.

La Polynésie française, un point de passage stratégique

Selon l’Office antistupéfiants (OFAST) basé à Nanterre, la zone polynésienne, notamment les îles Marquises, est un passage obligé des navires transportant de la cocaïne en direction de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande, venant de pays producteurs comme la Colombie, l’Équateur ou le Pérou.

Ces îles accueillent également des porte-conteneurs, bateaux de croisière, navires de pêche et voiliers chargés de méthamphétamine. Les groupes criminels étrangers cherchent à développer leur présence sur le marché australien du trafic de méthamphétamine.

Une destination finale en pleine croissance : Australie et Nouvelle-Zélande

Originaire d’Amérique centrale et du Sud, la drogue destinataire de ces routes s’adresse en priorité aux consommateurs australiens et, dans une moindre mesure, néo-zélandais. L’Australie affiche l’une des plus fortes consommations mondiales de cocaïne, juste derrière l’Amérique du Nord.

Le trafic y est extrêmement lucratif : un kilogramme de cocaïne peut atteindre 240.000 dollars en Australie, contre 33.000 à 40.000 dollars aux États-Unis. Cette voie de transit via la Polynésie existe depuis une dizaine à quinze ans et les saisies se multiplient grâce à la coopération internationale et au travail rigoureux des services douaniers locaux.

Des saisies de drogue en constante augmentation

Chaque année, des records sont battus. Outre la saisie majeure du 14 juillet aux Iles Marquises, la Marine nationale a intercepté le 25 juin près de la Nouvelle-Calédonie un bateau à moteur transportant 2,5 tonnes de cocaïne, partie du Pérou vers l’Australie, estimée à environ 500 millions d’euros.

Une consommation locale marquée par la méthamphétamine « ice »

Alors que la cocaïne transite principalement, sa consommation locale est marginale en Polynésie. Sur place, le cannabis est largement répandu, mais le produit stupéfiant dominant en termes de consommation demeure la méthamphétamine dite « ice », sous forme cristalline.

Ce phénomène, peu mis en lumière dans le débat public sur le narcotrafic, a été découvert grâce à une commission d’enquête française. Le succès de l’ice s’explique en partie par un marché local relativement limité, où seul le cannabis et la méthamphétamine sont facilement accessibles.

Des doses minimes mais des prix élevés

Introduite il y a une vingtaine d’années via le milieu du surf, la méthamphétamine est produite au Mexique, acheminée aux États-Unis, puis exportée vers le Pacifique. En 2023, 24 kilogrammes d’ice ont été saisis en Polynésie, un volume important pour une population de 280.000 habitants, sachant qu’une dose se vend entre 0,02 et 0,03 gramme.

Cette drogue de synthèse est coûteuse : plutôt que le gramme, c’est l’unité d’achat appelée « ten » (0,01 à 0,05 gramme) qui prévaut, vendue autour de 80 euros, offrant au consommateur environ 3 à 4 prises.

Professionnalisation et adaptation des trafics

Le gramme d’ice, vendu 20 à 30 dollars aux États-Unis, atteint car il y a quelques années les 2 500 dollars en Polynésie avant de redescendre récemment autour de 1 700 dollars. Cette baisse indique une accessibilité accrue du produit.

Les trafiquants polynésiens ont su adapter leurs méthodes : si initialement l’importation se faisait majoritairement par voie aérienne, grâce aux vols quotidiens reliant la Polynésie à Los Angeles, San Francisco ou Honolulu, le contrôle renforcé du fret express et postal les pousse désormais à privilégier le transport maritime.

Le directeur régional des douanes de Polynésie française souligne que les organisations criminelles sont aujourd’hui plus structurées, avec la présence marquée de cartels mexicains. Ce trafic s’est professionnalisé, avec des flux internationaux bien organisés, l’utilisation de technologies sophistiquées pour les communications et le recrutement de mules. Face à ces évolutions rapides, la coopération internationale reste cruciale pour faire face à l’ampleur des trafics dans cet immense espace océanique composé de près de 2 500 îles habitées.

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