Sommaire
L’essentiel
- Dix anciens élèves du collège-lycée Saint-Stanislas à Nantes accusent cinq prêtres et au moins un membre du personnel éducatif d’agressions physiques et sexuelles entre les années 1950 et 1990.
- Philippe, ancien élève âgé de 77 ans dont le témoignage n’a pas été examiné par l’enseignement catholique de Loire-Atlantique, affirme avoir subi des attouchements en 1960 de la part d’un abbé.
- L’évêque de Nantes a lancé un appel à témoignages « avec l’espoir que se fassent connaître celles et ceux qui auraient été victimes d’agressions physiques ou sexuelles […] dans les établissements scolaires de l’enseignement catholique de Loire-Atlantique ». Cet appel est consultable sur le site de l’établissement : appel à témoignages.
Des témoignages couvrant plusieurs décennies
Vendredi, l’enseignement catholique de Loire-Atlantique a indiqué avoir recueilli plusieurs récits de violences sexuelles au sein du collège-lycée Saint-Stanislas, situés à Nantes, pour des faits survenus entre 1958 et 1995. Les témoignages, émanant de victimes ou de leurs proches, évoquent des viols, des agressions sexuelles et des attouchements commis principalement dans l’internat, et, pour au moins une victime, lors de vacances organisées par l’établissement. Cinq prêtres et au moins un membre du personnel éducatif sont mis en cause.
Après ces annonces, un ancien élève de l’établissement a accepté de raconter son expérience.
Le récit de Philippe
Philippe entre à Saint-Stanislas en classe de 6e en 1958. Malgré des bruits de couloir, ses deux premières années se déroulent « sans aucun problème ». La majorité des enseignants étaient des hommes de foi et leurs chambres se trouvaient juste au-dessus des dortoirs, se souvient-il.
Parmi eux, son professeur de latin*, également abbé du diocèse, le convoque un jour dans sa chambre pour discuter d’un devoir. « Le ton employé était tel que je me suis mis à pleurer. Pour me consoler, il m’a pris sur ses genoux », relate Philippe. Selon lui, l’abbé aurait alors commencé à caresser ses parties génitales. « Il s’est arrêté avant une possible éjaculation et je suis parti », raconte le septuagénaire avec précision. « Quand on est jeune, on se souvient de tout. »
« Baille pas si fort, on voit la marque de ton slip »
Philippe poursuit sa scolarité à Saint-Stanislas jusqu’en terminale. « Je n’appréhendais pas d’aller à l’école, je voulais juste travailler. J’ai toujours été un élève moyen et je le suis resté », confie-t-il.
Il affirme n’avoir pas subi de nouvelle agression de la part du même abbé ni d’un autre enseignant, mais évoque un professeur de mathématiques au comportement problématique. « Il nous disait : “baille pas si fort, on voit la marque de ton slip” ». Un camarade lui confie un jour avoir été emmené de force dans une chambre par cet enseignant ; l’élève aurait réussi à s’échapper en voyant que l’abbé tentait de le toucher.
Génération omerta
Malgré les rumeurs à Saint-Stanislas, Philippe est resté silencieux. « Je n’en ai pas parlé à mes parents ni à mes copains », assure-t-il. Ses parents sont décédés sans avoir eu connaissance des faits. « J’en ai parlé pour la première fois à des amies de bureau quand j’étais adulte », reconnaît-il, ajoutant qu’il se réjouit des récentes prises de parole concernant les viols dans l’Église. « Ça me fait du bien de voir que d’autres prennent la parole, c’est remarquable. Entre élèves, nous n’en parlions pas beaucoup ; surtout, nous ne savions pas ce qu’était une agression sexuelle. »
Ce n’est que plus tard que Philippe apprend qu’il n’était pas la seule victime de son agresseur : « J’ai appris bien plus tard par le biais d’anciens élèves qu’on le surnommait “le Tâteur” ». Après les annonces récentes du diocèse, il se dit « soulagé, mais pas étonné du tout ». Il explique ne pas avoir témoigné auprès du diocèse, notamment par manque d’accès à Internet.
Dans une conférence de presse, l’évêque de Nantes, Laurent Percerou, a lancé un appel à témoignages « avec l’espoir que se fassent connaître celles et ceux qui auraient été victimes d’agressions physiques ou sexuelles à Saint-Stanislas ainsi que dans les établissements scolaires de l’enseignement catholique de Loire-Atlantique ». Le lien vers cet appel est fourni ci-dessus.
*En l’absence de procès, les personnes mentionnées sont présumées innocentes.
