C’est une photo d’identité prise il y a près de trente ans : le visage souriant de Tatiana Andujar, une adolescente aux longs cheveux bruns. Tatiana, alors âgée de 17 ans, a disparu à Perpignan le 24 septembre 1995. Sa disparition reste, malgré les années, totalement inexpliquée.
Le dossier a été transféré en mars 2022 au pôle « cold cases » de Nanterre, spécialisé dans les affaires non élucidées. Deux ans et demi plus tard, un nouvel appel à témoins a été diffusé afin d’aider les enquêteurs de la section de recherches de Montpellier à obtenir des informations susceptibles de relancer l’enquête.
« L’espoir de réveiller un souvenir »
La jeune femme avait passé le week‑end à Toulouse et pris le train pour Perpignan à 16h55. Pendant le voyage, elle a sympathisé avec un militaire et un étudiant. À leur arrivée, les trois se sont dirigés vers les cabines téléphoniques devant la gare ; au moins un appel a été passé depuis l’une de ces cabines par le militaire, qui lui aurait proposé — sans succès — de la raccompagner.
Le trio s’est séparé vers 19h45. Tatiana aurait voulu rejoindre la route de Thuir pour tenter de rentrer chez ses parents à Llupia, une commune située au sud‑ouest de Perpignan, en se faisant prendre en stop. Elle n’a plus été revue depuis.
Pour Me Philippe Capsié, avocat de la famille, la diffusion de cet appel à témoins, coïncidant avec l’anniversaire de la disparition, vise à montrer que le dossier est suivi et à susciter la mémoire d’éventuels témoins. « C’est l’espoir de réveiller un souvenir chez quelqu’un », explique-t-il. Il admet néanmoins que cette démarche peut aussi correspondre à une stratégie d’enquête visant à provoquer une réaction si les services privilégient une piste particulière.
Les appels à témoins sur des affaires anciennes ont parfois permis d’obtenir des avancées : des relances publiques menées sur d’autres dossiers ont conduit, après plusieurs mois, à l’interpellation et à la mise en examen d’un suspect.
« Montrer aux proches qu’on n’abandonne pas »
Pour Jacques Dallest, magistrat honoraire ayant travaillé sur l’amélioration du traitement des cold cases, solliciter le public fait partie des actes d’enquête nécessaires lorsque l’on retravaille un dossier ancien. Il souligne cependant la difficulté : plus les faits sont anciens, plus il est délicat d’obtenir des témoignages fiables. « Il y aura des déclarations sans intérêt ou fantaisistes, mais on peut aussi recueillir une information déterminante : un témoin, un proche de l’auteur, un codétenu, etc. »
La situation est d’autant plus préoccupante que le corps de Tatiana n’a jamais été retrouvé. Sans corps, il est impossible de conduire des analyses scientifiques comme la recherche d’ADN, privant les enquêteurs d’éléments cruciaux. « Quand il n’y a pas de corps, la recherche scientifique est rendue impossible », note Jacques Dallest, qui rappelle aussi que certains auteurs peuvent être décédés ou ne se dénonceront jamais.
Malgré la difficulté de l’enquête, l’action du pôle spécialisé vise aussi à montrer aux proches qu’on n’abandonne pas, même trente ans après. Pour la mère de Tatiana, cette relance ravive l’espoir : « Cet espoir se renforce quand on voit des initiatives comme celle‑ci, quand on nous annonce une garde à vue, quand on voit que le pôle se saisit de ce dossier. » Me Philippe Capsié rappelle toutefois le risque de forte déception si les résultats attendus ne viennent pas, une épreuve difficile à vivre pour la famille.
Toute personne disposant d’informations ou ayant croisé la jeune femme est invitée à contacter les enquêteurs par mail ([email protected]).
