Insolite : le Birdman d’Alcatraz

Thomas E. Gaddis décrivait Alcatraz comme « un nom qui sonne comme le fracas d’une trombone… une molaire noire dans la mâchoire du système pénal national ». Cette image saisissante a servi de toile de fond au récit populaire du Birdman d’Alcatraz, rendu célèbre par le livre de 1955 et le film de 1962.

Robert E. Stroud, le personnage au centre de cette histoire insolite, passa 54 des 73 années de sa vie derrière les barreaux. Condamné pour coups mortels à 19 ans puis pour le meurtre d’un gardien à 26 ans — peine de mort commuée en réclusion à perpétuité — son parcours le mena de McNeil Island à Leavenworth, puis à Alcatraz, avant une dernière affectation dans un centre médical fédéral où il mourut en 1963.
Voici les éléments clés qui rendent son histoire particulièrement étrange :
- À Leavenworth, Stroud découvrit des moineaux dans la cour d’exercice et se passionna pour l’ornithologie. Autodidacte, il s’initia aux maladies des oiseaux et éleva des canaris.
- Malgré une instruction formelle limitée (arrêtée au niveau de la troisième année), il rédigea deux ouvrages sur les oiseaux et développa des remèdes destinés à traiter leurs affections.
- Son élevage grandit au point d’occuper une seconde cellule ; la découverte d’un équipement de laboratoire utilisé pour distiller de l’alcool entraîna son transfert à Alcatraz — sans ses oiseaux ni son matériel.
- À Alcatraz, où la légende du Birdman s’ancre, il se consacra à l’écriture d’une histoire du système pénal fédéral et de ses mémoires, œuvres restées inédites de son vivant.
La représentation cinématographique le montra comme un homme en lutte pour préserver sa dignité derrière les barreaux, incarné par Burt Lancaster. Mais, dans la réalité carcérale, les autorités le considéraient comme violent et dangereux sur le plan sexuel, perception qui influença ses transferts et sa fin de vie en institution médicale.
Cette chronique insolite du Birdman d’Alcatraz illustre la collision entre violence, isolement et une passion improbable pour la science – une histoire qui nourrit autant la fascination culturelle que le questionnement historique.
