Micronations : histoires d’origine insolites

par Angela
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Micronations : histoires d'origine insolites
États-Unis, Royaume-Uni, Serbie, Croatie, Danemark, France, Autriche, Australie, Suède, Chili, Argentine

En 2025, on dénombrait environ 195 pays reconnus dans le monde, et seul le Vatican et l’État de Palestine ne figuraient pas comme États membres des Nations unies. Le paysage des micronations demeure plus flou encore lorsque l’on parle de ces entités qui s’affirment comme des États indépendants sans reconnaissance internationale. Définies comme des « entités qui réclament être un État indépendant mais dont la souveraineté n’est pas reconnue par la communauté internationale », elles sont à la fois riches et variées selon les personnes qui les créent et les peuplent. L’une des plus anciennes encore en activité, la Principauté de Sealand, a été fondée sur une plate‑forme offshore en 1967. En 2009, une article évoquait même une mutation possible du paysage politique mondial dans la décennie à venir.

L’Empire d’Austenasia

Créé en 2008 au Royaume‑Uni, l’Empire d’Austenasia a démarré avec une famille de quatre personnes et compte en 2025 environ 148 habitants, dont la moitié vivant hors du Royaume‑Uni. Sur sa page Facebook, le pays revendique 38 « morceaux de terre » non contigus dans le monde. En 2017, il s’est déclaré pays chrétien, tout en garantissant, dans sa loi constitutionnelle, le droit de chacun à pratiquer la religion qu’il souhaite. Il a également connu une brève guerre civile entre mars et mai 2010. En déclarant son indépendance du Royaume‑Uni, Austenasia se présente comme le « successeur et continuation de l’Empire romain » et a puisé des références historiques pour asseoir sa position. Cette approche a porté ses fruits: en 2011, l’empereur allemand Sebastien Linden a émis une reconnaissance formelle des empereurs Austenasian. Bien que la vie dans la micronation soit largement pacifique, une tentative de coup d’État a eu lieu en 2025.

Asgardia

Asgardia se distingue par ses ambitions élevées. Lancée en 2016 par le docteur Igor Ashurbeyli, elle vise à protéger la Terre tout en « bâtissant un nouveau foyer pour l’humanité dans l’espace », avec la création d’un État numérique pleinement indépendant et reconnu par des nations terrestres, selon sa mission. La micronation a adopté une Constitution, élu un Parlement et créé une monnaie numérique. Plus important encore pour ses ambitions spatiales, elle a envoyé un satellite en orbite autour de la Terre. En 2025, Asgardia compte plus de 1,1 million de membres répartis dans le monde. En 2024, le Conseil spatial suprême a accepté une Déclaration d’Indépendance et, au début de l’année suivante, le lancement d’un engin spatiale transportant un lander est venu compléter ses objectifs.

La République libre de Liberland

En 2015, Vít Jedlička et Jana Markovicova ont baptisé une zone de près de trois milles carrés « La République libre de Liberland ». Les fondateurs veillent à ce que le territoire n’empiète ni sur les terres croates ni sur celles des Serbes. Liberland dispose d’une monnaie numérique que les résidents peuvent utiliser pour payer leurs impôts s’ils le souhaitent, et se présente comme une démocratie représentative où les voix des quelque 1 000 citoyens passent par des référendums. Sur le plan diplomatique, Liberland a reçu des éloges et des messages de sympathie de personnalités publiques étrangères, notamment le président argentin et un parlementaire américain, mais aucune reconnaissance officielle de la part des États voisins.

La République de Zaquistan

Beaucoup rêvent de mieux diriger que leur gouvernement, et en 2005 Zaq Landsberg a décidé qu’il pouvait faire mieux que la politique étrangère jugée incompétente de l’administration en place. Il achète un petit terrain sur la rive ouest du lac salé, vendu 610 dollars sur eBay, et en novembre de la même année, la République de Zaquistan est déclarée indépendante des États‑Unis. C’est une micronation sans territoire habitable réel: l’eau doit être importée, le pays est désertique et aucune reconnaissance officielle n’a été accordée par d’autres États. Néanmoins, elle possède un drapeau conçu par Landsberg, la devise « Quispiam ex Nusquam » signifiant « quelque chose du néant », un hymne et plusieurs installations artistiques. Les visiteurs et les citoyens peuvent être attirés par les paysages et l’idée de culture locale à découvrir durant l’année du tourisme 2025. On peut même tenter une partie de golf sur le parcours Straits ou se lancer dans une randonnée tranquille avec son chien sans laisse, ou encore admirer le ciel étoilé du désert.

La République Slowjamastan

Certaines micronations naissent avec le sérieux d’un État, d’autres avec une touche d’auto-dérision. C’est le cas de la République de Slowjamastan, créée par Randy Williams en décembre 2021 après avoir épuisé les pays à visiter. Il y exerce désormais le rôle de sultan dans cette nation californienne, libre d’impôts et gérée en grande partie de manière humoristique. Le site officiel affirme que « nous avons des terres, des frontières, des cultures, et un raton laveur comme emblème national », ce qui suffit à proclamer l’existence du pays. Malgré l’allure légère, l’accès nécessite un visa et la citoyenneté est gratuite mais implique un formulaire et l’acceptation des conditions. Le pays dispose d’une monnaie, le duble, et, même si les lois restent peu nombreuses, l’interdiction des crocodiles est l’une des règles les plus strictement appliquées. Williams décrit Slowjamastan comme une « dictature la plupart du temps », mais les référendums ont été utilisés pour choisir le sport national, le fruit et le nom du raton laveur. En 2027, Slowjamastan doit co‑accueillir MicroCon 27, une réunion biannuelle des dirigeants de micronations, avec leurs homologues français de la Principauté d’Aigues‑Mortes.

Le Principauté d’Aigues‑Mortes

Parmi les nombreuses raisons possibles de créer une micronation, celle de la Principauté d’Aigues‑Mortes à Montpellier, en France, prend une tournure originale. Pour célébrer son quarantième anniversaire en 2011, Olivier Martinez s’est costumé en personnage de dynastie et, en talons hauts, a parcouru sa ville en compagnie d’amis. Au cours de cette promenade quelque peu maladroite, une exclamation « Vive la Princesse ! » a résonné dans la Grand Rue, donnant naissance à l’idée de la Principauté. Martinez est proclamé Son Altesse Sérénissime la princesse Olivia‑Eugénie d’Aigues‑Mortes et son ami Jean‑Pierre Pichon est nommé Souverain-Prince Jean‑-Pierre IV. Ce qui a débuté comme une plaisanterie est devenu un moyen innovant de promouvoir des entreprises locales en période de récession. En 2012, le peuple d’Aigues‑Mortes a accepté le couple princier, et depuis, la Principauté a créé une association pour lancer sa propre banque, son cabinet et son parlement, et a imprimé sa propre monnaie, le flamant. Pour devenir citoyen, il faut être âgé d’au moins 21 ans, parler français et avoir résidé à Aigues‑Mortes, au Québec ou dans un pays européen pendant au moins 12 mois. Sur le plan international, la Principauté affirme entretenir plusieurs ambassades et de bonnes relations diplomatiques avec diverses micronations.

Christiania

Quelle est la différence entre un squat, une expérimentation sociale et une micronation ? À Christiania dans le Danemark, il n’y en a pas vraiment. Cette enclave du cœur de Copenhague est née en 1971 d’un petit groupe dirigé par le journaliste Jacob Ludvigsen. Ils ont occupé l’ancienne base militaire Bådsmandsstræde, dans une zone autrefois appelée Christianshavn, et se sont installés comme peuple indépendant du gouvernement danois. Qu’ils aient été motivés par une vision initiale, Christiania s’est transformée en deux réalités proches mais opposées: une société autogérée qui est devenue tristement célèbre pour des violences et la drogue, et une communauté artistique engagée dans une démarche durable pour préserver son mode de vie. L’installation dans la micronation se fait par invitation; il n’y a pas de voitures et les drogues dures y sont interdites; des panneaux multilingues expliquent les règles obligatoires pour les visiteurs afin d’assurer la sécurité de tous.

La République des Glaciers

Au Chili, environ 8 800 miles carrés de territoire couvert de glace furent revendiqués comme un nouvel État par Greenpeace en 2014, via une faille juridique. Matías Asún, directeur de Greenpeace Chile, a expliqué que la création de la République des Glaciers répondait à l’absence de protection des zones glacées qui représentent 82 % des glaciers d’Amérique du Sud. Cette micronation remplit les critères d’État selon la Convention de Montevideo: elle possède une Déclaration d’Indépendance, un drapeau, et elle utilise les bureaux internationaux de Greenpeace comme ambassades, avec une capitale située dans un campement secret des Andes. Pour encourager l’adhésion, des citoyens peuvent signer pour obtenir la citoyenneté et aider à protéger les glaciers face au risque d’exploitation minière. À ce jour, environ 165 000 personnes soutiennent l’initiative, mais elle n’a pas encore reçu de reconnaissance officielle par les États membres de l’ONU. Si des lois protégeant les glaciers étaient adoptées, Greenpeace mettrait fin à toutes les revendications de souveraineté.

Le Grand-Duché de Westarctica

La plupart des micronations ne sont que des biens fonciers minuscules, mais Westarctica, fondée en 2001, couvre environ 620 000 miles carrés de terres antarctiques et est née de l’idée de Travis McHenry après avoir relevé une anomalie dans le traité antarctique de 1959, qui interdit l’usage du continent à des fins autres que scientifiques — mais pas pour les individus. McHenry revendique Marie Byrd Land et renomme la région Westarctica en 2004. Dans un premier temps, il cherche à protéger la région comme une communauté en ligne; lorsque la Marine remet en cause son rôle, il se retire comme Grand-Duc en 2006. Quatre ans plus tard, après avoir quitté le service actif, il organise un coup d’État et relance Westarctica avec une nouvelle mission: sensibiliser au changement climatique et étudier et préserver cette vaste et déserte région. Aujourd’hui, la micronation compte environ 2 500 citoyens.

Le Grand-Duché de Flandrensis

De nombreuses micronations accueillent les touristes et la Grand‑Duché de Flandrensis ne fait pas exception. Créé en 2008 à partir d’un projet étudiant estival, Niels Vermeersch a bâti une micronation qui revendique cinq îles antarctiques et qui vise à devenir une réserve naturelle dédiée à la recherche scientifique. Avec plus de 1 100 citoyens dans 83 pays, Flandrensis aspire à devenir une réserve naturelle uniquement accessible à des fins scientifiques. Vermeersch dirige le gouvernement; la micronation possède plusieurs consulats globaux, une monnaie, des timbres et une équipe de football; elle bénéficie aussi d’un statut d’observateur accrédité auprès du Programme des Nations Unies pour l’Environnement.

L’Empire dAtlantium

Les adolescents peuvent se livrer à toutes sortes de plaisanteries lorsque l’on les laisse faire. Pour le trio australien composé de George Cruickshank, Geoffrey Duggan et Claire Duggan, cela a donné naissance à l’Empire dAtlantium en 1981. Basé en Nouvelle-Galles du Sud, il a évolué en une micronation complexe dotée de tous les éléments d’un État: population permanente, territoire défini, gouvernement et capacité à entretenir des relations avec d’autres États, conformément à la Convention de Montevideo de 1933. Aujourd’hui présidé par l’empereur George II, l’empire a adopté le latin comme l’une de ses deux langues officielles, en lien avec les systèmes qui soutiennent l’Empire dAtlantium. La capitale et le siège du gouvernement se situent dans la Province d’Aurora, territoire sur lequel l’empire exerce son autorité. Sa population est répartie à travers le monde et reflète l’objectif sous-jacent: la souveraineté dans le monde moderne ne dépend pas forcément de la géographie, et chacun doit pouvoir choisir sa citoyenneté, qu’il soit né sur ce territoire ou non.

La République Kugelmugel

Les protestations artistiques ne sont pas nouvelles, et l’Autrichien Edwin Lipburger les a poussées à l’extrême. Amoureux des sphères, lui et son fils Nikolaus construisent en 1970 une balle de 25 pieds, nommée kugel, mais se heurtent à des lois d’urbanisme interdisant les bâtiments sphériques. Devant l’opposition, Lipburger déclare kugel comme une municipalité, la baptise Kugelmugel et crée de faux panneaux et timbres. Il passe huit semaines en prison en 1979 pour les panneaux, mais parvient à empêcher la démolition de la demeure. En 1980, un élu local propose de déplacer Kugelmugel au Prater, parc public de Vienne; l’artiste accepte à condition d’un accès aux utilités, qui ne sont finalement pas fournies, déclenchant un long conflit avec la ville. Lipburger déplace l’adresse de sa sphère à 2, Antifaschismusplatz, où elle demeure aujourd’hui, entourée de barbelés. Nikolaus Lipburger reprend la présidence après le décès de son père en 2015; Kugelmugel compte aujourd’hui environ 600 citoyens qui peuvent visiter sur rendez‑vous ou lors d’expositions.

Ladonia

Lorsque l’artiste suédois Lars Vilks réalisa son œuvre Nimis dans une réserve naturelle du comté de Skåne en 1980, il n’imaginait pas le long conflit juridique qui mènerait jusqu’à la Cour suprême et la création de la micronation Ladonia en 1996. Avec chaque installation de Vilks, se sont multipliés les recours juridiques et deux incendies criminels en 1985 et 2016 ont marqué l’histoire. Vilks mourut dans un accident de voiture en 2021. Malgré ces turbulences, Ladonia a poursuivi son développement: un gouvernement élu, une reine actuelle nommée Carolyn I, et une interdiction des rois. L’humour est restant présent: l’hymne national est le bruit d’une pierre qui tombe dans l’eau; la langue officielle se limite à deux mots: l’exubérante onomatopée et une expression plus sombre. En juin 2025, environ 30 060 citoyens étaient inscrits.

Le Royaume de Talossa

Les micronations peuvent être aussi complexes qu’un État établi et le Royaume de Talossa en constitue un exemple parfait. Il dispose de sa propre langue et de son parlement, ainsi que de timbres, de pièces, d’une association de presse, de sceaux majeurs et mineurs, et il compte Gloria Estefan parmi ses artistes nationaux. Tout cela prend racine dans une histoire singulière: Talossa s’est séparé des États‑Unis en 1979 et a pris de l’ampleur dans les années 1990 grâce à Internet, en devenant la micronation qu’elle est aujourd’hui. Le royaume a connu des tensions autour de l’immigration et du soutien à l’apprentissage du talossan dans les années 2004 et 2005, ce qui a conduit à la démission de Robert Ben Madison. Le talossan est actuellement gouverné par le roi Txec après l’abdication du roi John en 2024. Une citoyenne décrivit Talossa comme une culture, une façon de penser et une nation de peuple: une nation de lois, mais surtout une nation de personnes.

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