Les Victimes Tragiques de Jack l’Éventreur : Histoires Oubliées

par Zoé
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Les Victimes Tragiques de Jack l'Éventreur : Histoires Oubliées
Royaume-Uni

Insolite : Londres victorien et la montée de Jack l’Éventreur

Victimes de Jack l'Éventreur

Pour prolonger la lecture, voici un regard insolite sur l’ère victorienne — souvent idéalisée dans la culture — et sur la façon dont cette image contrastait avec une réalité bien plus sombre.

Si l’on évoque l’époque, on pense spontanément aux avancées scientifiques et à un bouillonnement culturel. Pourtant, à quelques kilomètres seulement des quartiers les plus opulents se trouvaient des zones d’extrême misère où des milliers de personnes vivaient au jour le jour, frappées par la maladie et la pauvreté. Ces mondes parallèles se côtoyaient rarement, et certains observateurs de l’époque décrivaient ces quartiers comme «aussi inexplorés que Tombouctou».

  • West End : richesse, spectacle et pouvoir impérial visible.
  • East End (Whitechapel) : promiscuité, logements insalubres et survie quotidienne.
  • Une frontière sociale nette qui rendait quasiment invisible la détresse des plus démunis aux yeux des plus favorisés.

La découverte du premier cadavre, le 31 août 1888, rompit cette indifférence. La brutalité des actes — et l’état des corps — provoqua une onde de choc dans toute la ville. Les classes aisées durent soudain se tourner vers l’est de Londres et reconnaître l’existence de voisins plongés dans la misère.

Ces meurtres alimentèrent des tensions raciales et de classe, mirent à l’épreuve les enquêteurs les plus réputés de l’époque et laissèrent derrière eux l’un des cold cases les plus célèbres de l’histoire criminelle. Le nom de Jack l’Éventreur est entré dans la mémoire collective, mais les identités et les vies de ses victimes sont souvent tombées dans l’oubli.

Nous allons maintenant nous pencher sur ces vies et ces morts tragiques, pour redonner une place aux femmes qui furent les victimes de Jack l’Éventreur et éclairer, sous un angle humain, ce chapitre noir de Londres.

Mary Ann « Polly » Nichols, première victime canonique de Jack l’Éventreur

Jack the Ripper's victims

Pour poursuivre l’exploration de l’insolite autour de Jack l’Éventreur, il est essentiel de s’arrêter sur la vie et la mort de Mary Ann Nichols, connue sous le surnom de Polly. Agée de 43 ans au moment de sa mort, Polly n’avait jamais connu une existence douce : née fille d’un forgeron, elle avait épousé un imprimeur du nom de William Nichols. Après la naissance de cinq (certains évoquent six) enfants, le couple se sépare et Polly sombre dans la précarité.

Au cours des années 1880, elle glisse vers l’alcoolisme et la marginalité. Elle erre entre maisons de travail et infirmières, parfois hébergée, parfois contrainte de dormir en plein air, y compris sur Trafalgar Square. En 1888, elle se rapproche de l’East End de Londres et, lorsqu’elle le peut, paie un lit dans une pension de quartier.

La nuit de son meurtre, Polly avait gagné assez d’argent pour louer un lit, mais elle le dépense en alcool. Vers 2 h 30 du matin, un connu la voit tituber dans les rues sombres ; elle est si ivre qu’elle peine à marcher. Une heure et quinze minutes plus tard, deux hommes découvrent ce qu’ils prennent d’abord pour un tas de chiffons ensanglantés : c’est Polly.

  • Âge : 43 ans
  • Date du décès : 31 août 1888
  • Lieu : Buck’s Row, East End de Londres
  • Blessures : probable strangulation initiale, coup à la gorge, mutilations génitales et ouverture de l’abdomen

Un suspect fut un temps évoqué — un fabricant de pantoufles surnommé « Leather Apron » — mais il sera finalement mis hors de cause. Malgré cela, les assassinats attribués à Jack l’Éventreur se poursuivront, laissant derrière eux des vies brisées et des mystères non résolus.

Cette tragédie, à la fois routinière et horrifiante, illustre la vulnérabilité des plus démunis dans le Londres victorien et marque le point de départ officiel de la série de meurtres qui hantera la mémoire collective.

Annie Chapman : une vie difficile et une fin tragique

Annie Chapman, victime de Jack l'Éventreur

Wikimedia Commons

Parmi les victimes de Jack l’Éventreur, Annie Chapman — la deuxième en date — porte le récit d’une existence marquée par les pertes et la pauvreté. Fille d’une famille ouvrière mais née dans «les meilleurs quartiers» grâce au métier militaire de son père, elle connut cependant très tôt la tragédie : en 1844, quatre de ses cinq frères et sœurs moururent en l’espace de trois semaines, victimes de la fièvre écarlate et du typhus.

Sa vie conjugale commença sous de meilleurs auspices. Elle épousa John Chapman, cocher de gentilhomme, et leurs revenus permettaient d’offrir un foyer relatif et d’éduquer leurs trois enfants. Cette apparente stabilité fut bientôt minée par de nouveaux drames :

  • En 1882, leur fille Emily Ruth succomba à une méningite à l’âge de 12 ans.
  • Leur fils, John Alfred, naquit avec un handicap nécessitant des soins particuliers et fut placé en école de charité.
  • La seconde fille quitta le foyer pour rejoindre, selon les témoignages, une troupe itinérante de spectacle en France.
  • Les époux sombrèrent progressivement dans l’alcoolisme et John mourut en 1886 d’une cirrhose.

Après ces épreuves, Annie se retrouva seule et précaire. Pour survivre, elle vendait des fleurs et faisait du crochet, enchaînant différents hébergements avant d’obtenir une place régulière grâce à un certain Ted Stanley. Les circonstances précises de ses dernières heures restent discutées : on rapporte une altercation avec un autre pensionnaire, puis Annie serait sortie dans la rue.

Elle fut retrouvée le 8 septembre au No 29 Hanbury Street ; les mutilations étaient telles que les médecins chargés de l’enquête omirent de relater les détails les plus éprouvants lors de l’autopsie. Cette découverte macabre marqua durablement l’enquête sur Jack l’Éventreur et la mémoire des victimes oubliées de Londres.

Elizabeth Stride avait traversé des temps difficiles

Elizabeth Stride, victime de Jack l'Éventreur

En prolongeant le récit des victimes de Jack l’Éventreur, Elizabeth Stride apparaît comme une âme décrite par son entourage comme bienveillante, mais accablée par les épreuves. Malgré cette réputation, sa vie s’était progressivement détériorée au fil des années.

Quelques éléments biographiques essentiels :

  • Née en Suède, elle a commencé comme domestique avant de s’installer à Londres en 1866.
  • Elle a travaillé dans le quartier de Hyde Park, épousé John Stride et, avec lui, tenu un petit commerce de café.
  • Des récits tenaces la voyaient rescapée du naufrage du SS Princess Alice, affirmant y avoir perdu mari et enfants, mais ces affirmations manquent de preuve.
  • John Stride mourut en 1884 ; par la suite, Elizabeth connut des épisodes d’alcoolisme, de bagarres et de comparutions devant les magistrats locaux.

À la fin des années 1880, sa situation matérielle était précaire : elle gagnait un peu d’argent en nettoyant des chambres dans une maison de lodgings de Flower and Dean Street et fréquenta régulièrement un homme nommé Michael Kidney.

Les derniers jours de Stride restent flous. Kidney déclara l’avoir vue pour la dernière fois cinq jours avant la découverte de son corps, et plusieurs témoins affirmèrent l’avoir croisée dans ses dernières heures — des témoignages souvent contradictoires ou peu fiables.

Son corps fut découvert à 1 h du matin le 30 septembre, dans Dutfield’s Yard, par un bijoutier dont le pony refusa d’entrer dans la cour. Cet incident fit penser au découvreur qu’il avait peut‑être surpris le meurtrier encore sur place. La victime avait la gorge tranchée, mais, contrairement aux autres meurtres attribués à Jack l’Éventreur, elle n’avait pas subi de mutilations.

Ce meurtre, par son mode et son contexte incertain, alimenta la confusion et les débats sur l’identité et la méthode de l’assassin, laissant place à de nombreuses hypothèses qui persistent encore aujourd’hui.

Catherine Eddowes perdit la vie… et un organe important

Catherine Eddowes, victime de Jack l'Éventreur

Wikimedia Commons

Poursuivant l’exploration des récits insolites liés aux meurtres de Londres, l’affaire de Catherine Eddowes reste l’une des plus macabres. Connue indifféremment comme Catherine, Kate ou Kate Kelly, elle fut retrouvée le 30 septembre 1888 dans Mitre Square par l’inspecteur Watkins. Sa gorge avait été tranchée, le visage mutilé, elle avait été éventrée et ses intestins disposés autour du corps — un rein avait aussi été prélevé, qui fut plus tard envoyé à George Lusk.

  • Origines et éducation : née à Wolverhampton, elle fréquenta l’école de charité St. John’s puis la Dowgate Charity School.
  • Vie personnelle : liée au militaire Thomas Conway, avec qui elle vécut près de vingt ans ; le couple eut trois enfants sans jamais se marier.
  • Moyens de subsistance : elle vendait des brochures bon marché et des chansons populaires appelées « gallows ballads » et prenait des petits travaux saisonniers, notamment la cueillette des récoltes.
  • Déchéance : séparée de Conway à cause de problèmes d’alcool, elle résida ensuite dans une maison de logement modeste de la rue Flower and Dean et multiplia les emplois occasionnels.

Peu avant sa mort, Catherine et son compagnon John Kelly revenaient de la campagne, où ils n’avaient pas trouvé de travail pour la saison de cueillette du houblon. Ils avaient regagné Londres à pied; Whitechapel était alors en état d’alerte. Kelly la mit en garde, mais ses dernières paroles furent empreintes de défi : « Ne t’inquiète pas pour moi. Je saurai me débrouiller, et je ne tomberai pas entre ses mains. »

Le meurtre d’Eddowes, attribué à Jack l’Éventreur, illustre la violence extrême de ces crimes et la vulnérabilité des plus modestes dans le Londres victorien, rappelant combien les histoires individuelles derrière ces affaires restent poignantes et étrangement insolites.

Mary Kelly : appréciée, mais atrocement assassinée

Mary Kelly, victime de Jack l'Éventreur

En poursuivant le récit des victimes insolites, l’affaire de Mary Kelly saisit par la brutalité du crime et le voile de mystère qui recouvre sa vie.

Le 9 novembre 1888, Thomas Bowyer — employé venu réclamer des loyers — découvrit une chambre aux fenêtres brisées et, sur la table de chevet, ce qui semblait être des morceaux de chair. Ces « morceaux » étaient des parties du corps de Mary Kelly ; son corps ne put être formellement identifié que par sa chevelure blonde et ses yeux.

Beaucoup de détails sur son existence proviennent des récits de son compagnon, Joseph Barnett, et des témoignages d’amis de l’East End. Sa vie, telle qu’on la reconstitue, mêle élans artistiques et tragédies personnelles :

  • Naissance supposée en Irlande, enfance au Pays de Galles.
  • Indications d’une origine familiale relativement aisée et d’une bonne éducation.
  • Mariage à 16 ans ; veuvage trois ans plus tard après la mort du mari dans une explosion de mine.
  • Itinéraire : Cardiff, puis Londres — séjour dans un établissement du West End, un passage à Paris, puis retour et installation dans l’East End.
  • Vie difficile : amendes pour ivresse et désordre, survie principalement par la prostitution, partage fréquent d’une petite chambre avec d’autres jeunes femmes sans ressources.

Une amie proche, Catherine Pickett, la décrivit ainsi : « C’était une bonne fille, calme et agréable, aimée de nous toutes. » Ce portrait contraste cruellement avec la violence de sa mort et rappelle les contradictions de la vie dans le Londres victorien, si souvent évoquées dans les enquêtes sur Jack l’Éventreur.

Wikimedia Commons

Martha Tabram : la première victime présumée ?

Victimes de Jack l'Éventreur

Dans le flot d’incertitudes qui entourent l’affaire Jack l’Éventreur, une question fréquemment posée est la suivante : Martha Tabram a‑t‑elle été la toute première victime ? Cette hypothèse revient souvent parmi les chercheurs et les amateurs d’histoire.

Son meurtre remonte aux premières heures du 7 août 1888, selon les comptes rendus contemporains (Jack the Ripper 1888). Les journaux, bien que réticents à décrire la violence infligée à une femme considérée comme « de la plus basse classe », firent état d’une attaque d’une rare brutalité : elle reçut 39 coups de couteau, tous portés au torse — la zone du corps que l’on associe souvent au modus operandi du tueur.

Sa vie avant la mort reflète une trajectoire marquée par le malheur et la précarité :

  • Mariée en 1869 à Henry Samuel Tabram, contremaître dans le déménagement de meubles.
  • Deux fils vinrent rapidement au monde, mais l’alcoolisme s’installa ensuite dans le foyer.
  • Henry quitta le foyer en raison de son alcoolisme ; il la soutint quelque temps par une allocation hebdomadaire, avant de la couper définitivement lorsqu’elle s’installa chez un autre homme et continua à demander de l’argent.
  • Pour financer sa boisson, Martha Tabram multiplia les petits travaux : prostitution occasionnelle et vente de bibelots, selon les sources (Casebook).

La nuit de sa mort, elle fut vue pour la dernière fois en compagnie de deux hommes rencontrés au pub Two Brewers. Après une tournée des établissements et une escorte dans une ruelle, on la retrouva plus tard « endormie » sur un palier dans les George Yard Buildings — en réalité, elle avait été mortellement agressée.

Cette histoire, souvent reléguée au second plan, éclaire les doutes persistants autour des toutes premières victimes attribuées à Jack l’Éventreur et prépare le terrain pour examiner d’autres cas controversés.

Mais elles étaient toutes des prostituées… n’est-ce pas ?

Les victimes de Jack l'Éventreur

Pour nuancer le portrait communément répandu, l’historienne Hallie Rubenhold a revisité en profondeur les vies des cinq femmes assassinées par Jack l’Éventreur. Son enquête montre que l’étiquette de « prostituée » collée à toutes ces victimes repose souvent sur des idées reçues plutôt que sur des preuves solides.

Au terme de ses recherches, Rubenhold identifie seulement deux des victimes — Stride et Kelly — comme exerçant effectivement la prostitution. Les autres femmes, malgré la précarité et la vie difficile dans les rues de Londres, s’en tiraient surtout grâce à de petits emplois comme domestiques ou en blanchisserie.

  • Mary Jane Kelly — identifiée comme ayant travaillé dans la prostitution.
  • Elizabeth Stride — également signalée comme prostituée active.

La persistance du mythe s’explique en grande partie par la perception sociale : pauvreté, itinérance et marginalité suffisaient pour que la haute société les considère comme des femmes « de mauvaise vie ». Cette stigmatisation a facilité la simplification du récit autour des crimes de Jack l’Éventreur.

Rubenhold souligne enfin un mécanisme psychologique important : en persuadant que ces femmes avaient d’une certaine manière « mérité » leur sort, le public pouvait mieux accepter l’horreur des faits. Cette réévaluation des biographies individuelles invite à replacer chaque victime au centre de son histoire, au-delà des stéréotypes.

Le nombre de femmes semblables aux victimes de Jack l’Éventreur est assez choquant

Victimes de Jack l'Éventreur

Poursuivant l’histoire des victimes de Jack l’Éventreur, il est frappant de mesurer l’ampleur du contexte social qui entourait ses proies. À la fin du XIXe siècle, l’East End de Londres comptait environ 78 000 habitants répartis en catégories sociales très marquées, où la pauvreté et l’insalubrité façonnaient le quotidien.

La population se répartissait grosso modo en trois groupes :

  • les travailleurs pauvres (manœuvres et ouvriers des quais) ;
  • les très démunis, majoritairement des femmes exerçant des petits métiers (lavage, couture, tissage) ;
  • les sans-abri.

La misère sanitaire et alimentaire était telle qu’un nouveau-né n’avait qu’environ une chance sur deux d’atteindre son cinquième anniversaire. Les refuges nocturnes destinés à ceux qui cherchaient un toit étaient nombreux mais déplorables : on en dénombrait près de 200, offrant chaque nuit un abri temporaire à quelque 8 000–8 500 personnes.

Ces logements exiguës offraient des couchages souvent comparés à des « cercueils » pour lesquels il fallait payer quatre pence. Pour deux pence, on obtenait uniquement une place pour s’appuyer contre une corde tendue d’un mur à l’autre, plutôt qu’un lit réel.

Les conditions d’hygiène étaient dramatiques. En 1849, des habitants des taudis de St. Giles décrivaient vivre « dans la boue et la saleté », sans installations sanitaires ni évacuation adéquate, craignant les épidémies et l’insuffisance des soins. Cette réalité sociale explique en grande partie pourquoi tant de femmes se trouvaient vulnérables et exposées aux dangers, dont ceux incarnés par Jack l’Éventreur.

Ces éléments témoignent d’un cadre de vie si précaire qu’il éclaire, sous un angle cru, les circonstances tragiques ayant rendu possibles ces crimes.

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