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L’essentiel
- Deux hommes originaires de Seine-Saint-Denis, âgés d’une trentaine d’années, ont été interpellés samedi soir dans le cadre de l’enquête sur le cambriolage au Louvre, survenu une semaine auparavant.
- L’enquête a notamment profité de la montagne d’indices laissés sur place, de quoi venir écorner l’image romanesque du « casse du siècle ».
- Alors, tout ça pour ça ? Éléments de réponses avec deux criminologues.
Sur le papier, le cambriolage de la galerie d’Apollon au Louvre avait tout du « casse du siècle » : un coup orchestré en plein jour, en plein Paris, avec les bijoux de la couronne dérobés et une simplicité déconcertante face à l’audace déployée.
Une semaine après ce braquage qui a fait le tour des médias internationaux, les premiers développements de l’enquête et le profil des deux premiers suspects interpellés viennent écorner ce potentiel romanesque.
Avec toute la prudence requise et alors que l’enquête n’en est qu’à ses débuts, le criminologue Doron Lévy estime qu’il s’agit plutôt « d’un profil de braqueurs que de cambrioleurs. Des polycriminels. Des jeunes, plus habitués à taper des bureaux de tabac de banlieue que des musées parisiens, qui ont eu des infos. Il y a eu des travaux pas longtemps avant et les travaux, ça brasse du monde, donc des informations comme l’absence d’alarmes sous la vitrine », analyse pour 20 Minutes l’auteur de Braquages.
Roissy, « l’erreur de base »
Rien n’indique, pour l’heure, que les deux hommes placés en garde à vue samedi soir — l’un interpellé à l’aéroport de Roissy, l’autre à son domicile en Seine-Saint-Denis — faisaient bien partie de l’équipe de quatre cambrioleurs présents sur place. Ils pourraient notamment être entendus au sujet du vol de la nacelle élévatrice qui a permis d’accéder à l’étage du musée depuis la rue.
Une nacelle que les malfaiteurs n’ont pas réussi à incendier malgré un bidon d’essence abandonné avec deux casques de moto, des gants et des outils. Autant d’éléments susceptibles de fournir des traces d’ADN, incapables de pardonner quand on figure déjà dans les fichiers de la police, comme c’est le cas pour les deux suspects.
« On n’est pas dans le grand banditisme », doute Doron Lévy. « L’exécution était impeccable mais la fuite survient à un moment particulier : dans un espace-temps singulier, c’est la panique. Ils peuvent faire des conneries, tirer sur des flics, laisser des indices. Là, le mec se fait coincer à Roissy, l’erreur de base », décrypte le criminologue.
« Un butin qui colle aux mains comme de la merde »
Thierry Colombié partage en partie cette lecture : « On peut faire un bar-tabac et le Louvre, ce n’est pas incompatible. Mais braquer le Louvre, c’est mettre la barre très haut. Au début, je pensais que c’était très pro, façon Brise de Mer qui a pour devise ‘zéro risque, zéro défaut’. Mais en fait, non. Visiblement, ce n’était pas très pro. »
Cette vision vient à nouveau briser l’idée du « casse du siècle », même si le butin, estimé à 88 millions d’euros, reste introuvable. « Ça le place dans les plus importants braquages de France, avec celui de la Banque de France de Toulon en 1992 », remet en perspective Thierry Colombié.
« Je pense que ceux qui ont fait le coup n’avaient pas mesuré la symbolique et la dimension politique », poursuit Doron Lévy. « La “fierté” de faire le casse du siècle ? Je ne crois pas. Une info arrive, elle vous donne envie et c’est plus fort que vous. C’est l’appât du gain et l’opportunisme. Car au fond, ce n’est guère différent d’un centre commercial : “Tu rentres, tu casses, tu prends et tu te casses”. Sauf qu’à la fin, tu as un butin qui colle aux mains comme de la merde, et la police du monde entier sur le coup. Ce n’était donc pas une bonne idée. »
Rendez-vous dans quarante ans
Pour Doron Lévy, ces cambrioleurs « sont en formation. Un braqueur “fini” a 70 ans. Il a passé la moitié de sa vie en prison et a surtout planqué son magot comme un pirate. Il se promène à présent sur son yacht à Marbella en vivant de son cash ». Une issue qui n’est pas à exclure pour cette équipe « pas très pro ». Car, comme on l’a dit, les bijoux n’ont pas été retrouvés.
« La mauvaise nouvelle, c’est qu’on retrouve rarement les butins », prévient Doron Lévy. « On lance des appels à récompense, ça peut durer des années et finir par inspirer une série sur Netflix. »
Et du temps, le trésor en a. « Les diamants sont inaltérables, ils peuvent très bien avoir été enterrés dans un trou. Et on prend son temps pour les receler », conclut le criminologue.
