Connaissez-vous Roblox ? Ce jeu en ligne, qui compte plus de 88 millions d’utilisateurs dans le monde et vise principalement un public jeune, est devenu un véritable phénomène. Cependant, une vidéo TikTok ayant dépassé le million de vues alerte sur un supposé enlèvement d’enfant via cette plateforme. Selon la vidéo, un homme aurait tenté de kidnapper un petit garçon rencontré sur Roblox en lui promettant des jeux PlayStation. Alerté par son fils, le père aurait pris la place de l’enfant pour convier le prédateur à une rencontre. Lors de ce rendez-vous, le père aurait surpris l’homme au moment où celui-ci s’apprêtait à emmener la victime, l’aurait agressé physiquement, puis aurait été placé en garde à vue. La vidéo laisse entendre que le kidnappeur serait reparti libre.
Les commentaires sous la vidéo reflètent un climat de panique et d’indignation, avec des appels à désactiver le chat sur Roblox, des critiques virulentes envers la justice et la police, ainsi que des théories du complot délirantes sur la complicité des autorités face à la pédocriminalité.
Une histoire non vérifiable et peu crédible
Faut-il croire ce récit alarmant ? Il est vrai que les dangers liés à la pédocriminalité sur internet, y compris sur des plateformes de jeux en ligne comme Roblox, sont bien réels. Par exemple, en Californie, une jeune fille a été kidnappée après avoir rencontré son agresseur sur Roblox. Pourtant, dans le cas précis rapporté par cette vidéo TikTok, les informations essentielles manquent. On ne connaît ni le lieu, ni la date des faits, ni même l’identité des protagonistes. Aucune source fiable n’est citée, ni dans la vidéo ni sur internet. La chaîne qui partage ce contenu utilise une intelligence artificielle pour générer ses vidéos et a déjà été pointée pour la diffusion de nombreuses fausses informations.
En l’absence d’éléments vérifiables, cette histoire doit être considérée comme une fiction. Elle ne répond pas aux critères élémentaires du journalisme, notamment la règle dite « QQOQCCP » (Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ?) qui structure toute enquête rigoureuse.
Un récit empreint d’une rhétorique polémique
Deux éléments renforcent le caractère douteux de ce récit. Tout d’abord, le ton clairement partisan employé dans la conclusion qui dénonce un prétendu laxisme judiciaire, une accusation fréquemment utilisée par certains discours politiques extrêmes. Ensuite, la vidéo surfant sur la peur liée à la pédocriminalité en ligne, domaine souvent exploité par des milieux complotistes et d’extrême droite pour nourrir la défiance envers les institutions.
Il est crucial de rappeler que, si la menace des prédateurs en ligne existe, la majorité des abus sexuels sur enfants se produisent dans l’entourage familial ou proche, soit environ 90 % des cas selon les études sur le sujet. Minimiser ou ignorer cette réalité entretient le silence et détourne l’attention des véritables enjeux, au détriment des enfants les plus vulnérables.