Le 27 juin 1987, Sabine Dumont, une fillette de 8 ans, a été enlevée à Bièvres (Essonne), violée puis assassinée. Malgré des investigations approfondies, l’auteur de ce crime atroce court toujours. Depuis, la famille de Sabine nourrit l’espoir de voir avancer l’enquête grâce à une technique innovante venue des États-Unis : la généalogie génétique.
Sabine, la benjamine d’une fratrie de six enfants, était partie acheter un tube de gouache blanche à une librairie située à environ 700 mètres de chez elle. Ce jour-là, pour la première fois, sa mère l’avait autorisée à s’y rendre seule. Passionnée de peinture, elle avait entrepris de reproduire « Danse à la ville » de Renoir pour l’offrir à sa sœur aînée Fabienne, jeune maman. Hélas, elle laissa ce tableau inachevé.
Rapidement, sa mère sentit que quelque chose n’allait pas, Sabine avait un retard inhabituel, et au printemps 1987, plusieurs affaires similaires – la disparition et le meurtre de jeunes filles en Île-de-France – semaient la terreur. Le corps de Sabine fut retrouvé le lendemain, nu et partiellement brûlé, dans un village voisin. Elle avait été violée puis étranglée.
Les investigations ont permis d’isoler du sperme et du sang, dont certains ne provenaient pas de la victime, mais malgré les progrès scientifiques et l’analyse de l’ADN dès 1999, l’enquête est restée sans réponse. Le profil génétique ne correspondait à aucune trace dans le fichier national des empreintes génétiques, et la piste du tueur en série François Vérove, dit le « Grêlé », a été écartée.
En décembre 2022, la famille a renoué avec un espoir inédit en découvrant qu’une enquête française sur un autre meurtre, celui du « prédateur des bois », avait été résolue grâce à la généalogie génétique. Cette méthode repose sur la comparaison de l’ADN prélevé sur les scènes de crime avec des bases de données issues de sites de génétique récréative, permettant d’identifier des liens familiaux éloignés jusqu’au sixième degré.
Me Marine Allali, avocate de la famille, précise que cette technique consiste à isoler des profils compatibles à partir des correspondances ADN, et selon une étude canadienne publiée en 2024, environ 650 affaires auraient été résolues grâce à elle. Toutefois, cette méthode reste peu exploitée en France, notamment parce que l’utilisation de ces bases de données à visée récréative est interdite sur le territoire. Pour contourner cette interdiction, la justice doit faire appel à une coopération internationale avec les États-Unis, où ces sites sont légaux, souvent via le FBI.
Une dizaine de jours avant la publication, la direction des affaires criminelles et des grâces a autorisé l’utilisation de la généalogie génétique dans trois dossiers délicats : deux affaires de violeurs en série et l’enquête sur le meurtre de Sabine Dumont. Cette autorisation ouvre de nouvelles perspectives pour la famille, même si le résultat reste incertain. En 2023, une première demande de coopération avec le FBI avait été refusée car les marqueurs ADN n’étaient pas assez nombreux, ce qui a conduit à réaliser de nouvelles analyses.
Me Didier Seban, également avocat de la famille, souligne la dépendance à la coopération internationale dans ces dossiers et appelle à ce que la France développe sa propre base de données ADN avec un nombre accru de marqueurs au FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) pour ne plus être tributaire de ces procédures complexes.
