Faits Divers
En juillet 2018, une vidéo glaçante circulait sur les réseaux sociaux. Deux femmes, l’expression du désespoir sur le visage, guidaient des enfants vers ce qui allait se transformer en un moment tragique. Des hommes en tenue de camouflage, équipés de lunettes de soleil et armés d’armes d’assaut, imposaient leur autorité. L’une des femmes serrait la main d’une petite fille, tandis qu’un soldat la tenait fermement par la nuque, allant jusqu’à lui asséner des gifles. Une autre femme portait un tout-petit sur le dos. Le groupe fut conduit vers un espace aride où, une fois les victimes aveuglées, forcées à s’agenouiller, elles furent abîmées par 22 détonations, comme l’indiquait BBC News Africa.
Face à l’horreur de cet acte, journalistes, amateurs d’investigations et experts se sont mobilisés pour identifier les protagonistes afin qu’ils rendent des comptes. Au départ, plusieurs zones furent suspectées, notamment au Mali et au Cameroun. Toutefois, des autorités camerounaises avaient alors réfuté toute implication en qualifiant la diffusion de la vidéo de « fake news ». Ces investigations n’ont pas du se laisser décourager et se sont renforcées avec l’aide de technologies modernes.
Grâce à Google Earth, les enquêteurs ont minutieusement analysé le paysage qui servit de toile de fond à la marche funeste des victimes. Une chaîne de montagnes caractéristique et un ensemble de bâtiments ont permis de faire le lien avec une ville nommée Zelevet, située au nord du Cameroun près de la frontière nigériane. Les images satellites ont permis d’identifier précisément le contour des reliefs, révélant une zone où les affrontements entre l’armée camerounaise et le groupe jihadiste Boko Haram se poursuivaient depuis des années.
En affinant leur analyse, les enquêteurs ont pu situer l’événement dans le temps. L’observation de bâtiments postérieurs à certains travaux de construction et la détection d’éléments effondrés ont aidé à restreindre l’intervalle temporel. Par ailleurs, l’analyse des traces et des ombres laissées par les soldats indiquait que les meurtres avaient eu lieu durant la saison sèche et chaude. Les investigations ont permis de dater précisément les faits entre le 20 mars et le 5 avril 2015.
Une minutieuse comparaison entre les équipements marqués par les armes et la tenue de camouflage a révélé que ceux visibles dans la vidéo appartenaient à l’armée camerounaise. De surcroît, un prénom a même été prononcé durant l’enregistrement. En août 2015, peu après la diffusion de la vidéo, le Ministère camerounais de la Communication annonçait que sept militaires étaient désormais poursuivis pour leur implication dans ces exécutions. En septembre 2020, Human Rights Watch confirmait que quatre des soldats avaient écopé de 10 ans de prison, tandis qu’un autre recevait une peine de deux ans pour ces meurtres, les deux femmes et leurs enfants n’ayant pas bénéficié de la pitié des accusés.