Inspection ordonnée après la mort de Souheil à Marseille

par Olivier
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Inspection ordonnée après la mort de Souheil à Marseille
France

Gérald Darmanin a annoncé, mardi à l’Assemblée nationale, la saisine de l’Inspection générale de la justice (IGJ) suite à la plainte déposée par la famille de Souheil contre une procureure de la République, pour détournement de scellés. Souheil, âgé de 19 ans, avait été tué par un policier le 4 août 2021 à Marseille, lors d’un contrôle. Depuis, sa famille dénonce une enquête menée à la hâte, marquée par la disparition à deux reprises des preuves du drame.

La famille et son avocat Arié Alimi dénoncent depuis le décès de Souheil les nombreuses entraves et obstacles rencontrés dans la quête de justice. Une question pèse : faudra-t-il systématiquement une intervention des députés à chaque affaire de violences policières ? Ce questionnement intervient après que la famille a découvert, le 4 juin dernier, via un courrier de la juge d’instruction, la disparition de neuf scellés essentiels à l’enquête.

Lors d’un échange à l’Assemblée, Gérald Darmanin a ainsi répondu aux questions de parlementaires de gauche en confirmant la saisine de l’IGJ et en précisant qu’une plainte avait été déposée contre Dominique Laurens, ancienne procureure de Marseille.

Une enquête entachée de dysfonctionnements

Arié Alimi a qualifié la réaction de l’État de « minimum », pointant une dérive grave dans le déroulement de cette affaire. Souheil a été abattu lors d’un contrôle dans le quartier de la Belle de Mai. Les versions divergent entre la police et la famille quant aux circonstances du tir, notamment le comportement du jeune homme, la position de l’agent et l’angle de tir. La famille dénonce un empilement d’incohérences et d’obstacles à la transparence judiciaire.

L’enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) est jugée bâclée par la famille, notamment à cause d’un travail de voisinage sommaire et la transmission incomplète des vidéos de surveillance. Plusieurs policiers ont été entendus libres et sur plusieurs jours, leur offrant la possibilité de coordonner leurs versions. En décembre 2021, l’IGPN a conclu à un tir légal au titre de l’article L.435-1 du Code de la sécurité intérieure, conduisant le procureur chargé du dossier à classer l’affaire sans suite.

La disparition répétée des preuves

Malgré cette décision, la famille n’a pas renoncé. En février 2022, lors d’une demande de consultation du dossier, elle découvre que les scellés ont disparu, dont une vidéo importante filmant la scène du tir et qui aurait pu éclairer sur la nécessité et la proportionnalité du geste du policier.

Après une enquête menée par l’IGPN, les scellés ont été retrouvés et la famille a porté plainte pour homicide volontaire, ce qui a entraîné la réouverture du dossier en avril 2022. Dominique Laurens a alors pris la tête du parquet, tandis qu’un ancien commandant de sous-marin, reconverti juge d’instruction, a assuré au père de Souheil qu’il n’y aurait pas de protection policière pour l’accusé.

Cependant, cette même année, les scellés ont de nouveau disparu, information révélée seulement trois ans plus tard. Malgré la reconnaissance de leur récupération par Dominique Laurens avant son départ à Reims, les preuves ont été déclarées manquantes après que sa remplaçante les a demandées.

Un combat pour la vérité face à l’indifférence

Issam, le père de Souheil, témoigne de sa souffrance : « Depuis ce jour, ma vie est suspendue à une promesse de vérité et de justice, chaque jour piétinée ». Il s’interroge sur les nombreux blocages, les filtrages systématiques des demandes d’appel, et la partialité des témoignages retenus. La famille subit « une mécanique volontaire » qui inflige une souffrance prolongée et empêche le deuil.

La sœur et tante de Souheil, Samia, souligne la « violence institutionnelle » de la situation : témoignages de riverains contredisant la version policière, délai inhabituel pour appeler les secours alors que Souheil était encore vivant, accueil négligé après l’autopsie, restitution partielle initiale du corps, absence de garde à vue pour le policier mis en cause.

Elle rappelle également la controverse suscitée par la publication sur les réseaux sociaux d’une photo du policier, souriant lors d’une compétition de BMX à Barcelone, quelques jours seulement après le drame, et pire, sa participation déguisée en Napoléon à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, acclamé par la presse locale.

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Un système défaillant face aux violences policières

L’avocat Arié Alimi souligne la fréquence de la disparition des pièces et vidéos dans les affaires de violences policières, rappelant que cette situation s’est reproduite deux fois dans ce dossier. Fabien Jobard, sociologue au CNRS spécialisé en police et justice, corrobore cette analyse.

Malgré tout, la famille continue de croire en la justice, même face à ce qu’ils qualifient d’« organisation structurelle de l’impunité policière », dénoncée par Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l’homme.

Issam reste toutefois méfiant envers Gérald Darmanin, rappelant qu’en 2022, alors ministre de l’Intérieur, ce dernier l’avait reçu pour garantir le bon déroulement de l’enquête sans que rien n’ait réellement avancé. Il place désormais ses espoirs dans l’appui des parlementaires de gauche qui ont soutenu sa famille et posé des questions au gouvernement, espérant que ce drame ne restera pas sans réponse.

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