Sommaire
L’essentiel
– Dimanche matin, au moins quatre hommes ont participé au cambriolage du Louvre, à Paris.
– Un casse digne d’un scénario de blockbuster au terme duquel neuf bijoux parmi les plus précieux de France ont été dérobés.
– Trois scénaristes de cinéma livrent leur lecture du casse et évoquent comment cette affaire pourrait inspirer la fiction.
La réalité dépasse la fiction
« Comme souvent, la réalité est plus folle que la fiction. Et quand on raconte des trucs fous en fiction, on se dit : « Ça ne peut pas arriver en vrai. » Mais en fait, si. Tout peut arriver, tout est surprenant », remarque Arié Chamouni (IMDB).
Pour ce jeune scénariste, connu notamment pour Duo d’escrocs et Blood River, le cambriolage du musée du Louvre à Paris n’a pas immédiatement déclenché l’imagination romanesque. « Je me suis dit : « Ah c’est marrant, on a l’impression d’être dans Lupin ou dans Cat’s Eyes » », confie-t-il, avant d’ajouter que la vraie force d’une histoire réside souvent dans sa crédibilité dramatique.
Ainsi, selon lui, le casse tel qu’il a été rapporté paraît « trop simple, trop dédramatisé, il n’y a pas de tension ». Pour en faire un scénario, il faudrait se placer à hauteur de personnage : explorer les conséquences morales, le retournement du cadeau empoisonné que représente un butin aussi symbolique.
Un butin empoisonné
Cette idée du « cadeau empoisonné » vient aussi à l’esprit de Claude Scasso (IMDB), réalisateur connu pour Transferts et la série Caïn. « Une des premières choses que je me suis dites, c’est : qu’est-ce qu’ils doivent se faire engueuler par leur commanditaire avec un « Comment avez-vous pu laisser tomber la couronne ! » », s’amuse-t-il, pointant le caractère maladroit de l’opération.
Pour Scasso, le casse a quelque chose d’involontairement comique : « On dirait des Pieds Nickelés engagés par des gens sérieux qui les croyaient plus pros qu’ils ne sont. Ils ont laissé des indices, ont fait tomber la couronne dans leur fuite, prévu d’incendier leur nacelle sans le faire… »
Marc Syrigas (AlloCiné), scénariste de Mécanique de l’ombre et de La nouvelle Ève, résume le sentiment du milieu : « On aurait proposé cette histoire à un producteur, on se la serait fait jeter au visage. On nous aurait dit : « C’est invraisemblable, trop simple ». »
Entre maladresse et brassage d’émotions
Syrigas perçoit dans ce cambriolage un mélange de bravade et d’un vrai défaut de sécurité. Il évoque aussi l’hypothèse fréquente dans ce type d’affaire : la possible complicité interne. « Ce casse, ce n’est pas un thriller, ni un coup à la Arsène Lupin. Lupin n’aurait jamais fait ça d’ailleurs, ni Robin des Bois. Car ce n’est pas piquer du pognon à Bernard Arnault ; là, c’est du patrimoine culturel, civilisationnel. »
Le scénariste proposerait d’introduire une dimension morale : un personnage rattrapé par la culpabilité, saisi par le syndrome de Stendhal, une équipe ayant agi par pari ou par panache. Selon lui, ce contexte donnerait plus d’épaisseur que la simple description du vol.
Une histoire qui parle au public
Tous s’accordent sur un point : malgré sa portée symbolique, le cambriolage du Louvre manque d’obstacles et de tension dramatique pour tenir en l’état comme une fiction sérieuse. « Ce qu’il s’est passé n’aurait pas pu être fait en fiction, à moins d’en faire une comédie », observe Arié Chamouni.
Pour autant, la force visuelle et symbolique de l’événement en fera très probablement une source d’inspiration. « C’est à peu près sûr que ce casse va réapparaître d’une façon ou d’une autre dans une fiction », estime Marc Syrigas. Aujourd’hui, producteurs et diffuseurs recherchent des histoires immédiatement identifiables : ce casse remplit déjà ce critère.
Reste que, pour l’instant, une vitre brisée et quelques minutes d’audace forment une intrigue que peu auraient osé écrire.
