Les faits sont « tellement sordides et traumatisants que les enquêteurs » et la justice « ne se sont jamais résolus à refermer cette information judiciaire », a déclaré le procureur de Grenoble, Etienne Manteaux. Lors d’une conférence de presse mardi, il a requis qu’un procès se tienne pour un cold case vieux de plus de 32 ans : le double meurtre et viol d’une femme et de sa fille adolescente à Sassenage, en Isère.
Etienne Manteaux a demandé le renvoi devant la cour d’assises de l’Isère de l’époux et père des victimes, Marian Marinescu, aujourd’hui âgé de 77 ans, pour répondre de l’assassinat de la mère et de l’homicide volontaire précédé d’un viol de la fille. « Ce n’est qu’une proposition formée par le ministère public qui est soumise au juge d’instruction », a-t-il précisé, sans avancer de calendrier précis.
Traces de sperme et alibi fragile
« Des zones d’ombre demeurent dans ce dossier, très clairement », a ajouté le procureur. Le 7 janvier 1993, Michèle Chabert, épouse Marinescu, 45 ans, et sa fille Christine, 13 ans, ont été retrouvées égorgées à leur domicile de Sassenage, près de Grenoble, dans une mise en scène à connotation sexuelle qualifiée de « sophistiquée » par la justice. À l’époque, le mari se trouvait en vacances en Roumanie, son pays d’origine, avec leur deuxième enfant âgé de sept ans : un alibi longtemps considéré comme solide et ayant protégé Marinescu de poursuites.
L’enquête a cependant basculé en 2021 après de nouvelles expertises rendues possibles par des progrès technologiques. Ces expertises ont mis en évidence de nombreuses traces de sperme de Marian Marinescu sur le pantalon de sa fille. Les enquêteurs ont également relevé des fragilités dans l’alibi du voyage en Roumanie.
Mis en examen et incarcéré peu après, Marian Marinescu a multiplié les demandes de levée de détention. Il a finalement été remis en liberté sous contrôle judiciaire en avril 2024. Lors d’une audience en décembre 2023, il a vigoureusement clamé son « innocence », qualifiant l’accusation d’« infamie ».
Travail « colossal » des enquêteurs
Pour son avocat, Me Éric Andrieu, « le dossier ne tient pas du tout […] : sur la chronologie, sur les mobiles, sur le mode opératoire, sur la personnalité ». Il a souligné l’absence, selon lui, d’un coupable identifié et dénoncé une tendance à « tordre tous les éléments du dossier pour faire apparaître la culpabilité de Marinescu », ajoutant que son client entendait démontrer son innocence.
De son côté, Me Hervé Gerbi, avocat de la famille de l’épouse Marinescu, a déclaré : « Bien évidemment, nous souhaitons ce procès. » Selon lui, il existe « des indices suffisamment graves, précis et concordants pour renvoyer et pour discuter de façon nette, forte la question de la culpabilité pour nous de Marian Marinescu ». Il a en outre salué le travail « colossal » des enquêteurs sur ce dossier, qui reste l’un des cold cases les plus marquants de la région.
