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Insolite

Poursuivant notre exploration des figures littéraires les plus insolites, Oscar Wilde incarne un paradoxe saisissant : auteur d’œuvres à la fois brillantes et profondément humaines, il demeure étonnamment moderne. Contrairement à certains classiques dont la personnalité s’efface, Wilde a laissé une empreinte vivante grâce à des aphorismes, des observations piquantes et des pièces encore lues aujourd’hui.
Ce qui rend Oscar Wilde particulièrement accessible au lecteur contemporain tient à plusieurs éléments marquants :
- Des œuvres mêlant humour et émotion, capables de toucher différentes générations.
- Un sens de la formule et de la répartie qui donne au personnage une présence immédiate.
- Une trajectoire de vie tragique, faite de pertes et de conséquences imprévues, qui humanise l’auteur.
Malgré son talent pour les mots, Wilde ne put se prémunir contre les épreuves : maladies, trahisons et chagrins ont jalonné son existence. De son enfance douloureuse à des passions amoureuses dévastatrices, son destin rappelle que la brillance intellectuelle ne protège pas des drames personnels. Cette dualité entre esprit scintillant et vie brisée nourrit le caractère insolite et poignantly contemporain de son histoire.
Dans la section suivante, nous approfondirons les épisodes clés de sa vie qui ont façonné son mythe et influencé la réception de son œuvre.
Insolite : un deuil d’enfance qui a marqué Oscar Wilde

Poursuivant l’exploration des aspects les plus insolites de sa vie, on découvre que la première confrontation d’Oscar Wilde avec la tragédie remonte à son enfance. À 12 ans, il perdit sa jeune sœur Isola, morte subitement après une courte maladie ; elle avait presque dix ans.
Ce deuil le marqua profondément. Parmi les gestes intimes qui témoignent de son attachement :
- il se rendait régulièrement sur la tombe d’Isola pendant son enfance ;
- il conserva toute sa vie une mèche de ses cheveux, enfermée dans une enveloppe.
Sept ans plus tard, Wilde publia le poème « Requiescat », dont le premier vers (« Tread lightly, she is near ») et les derniers vers (« All my life’s buried here / Heap earth upon it ») traduisent une douleur contenue et respectueuse. Le texte du poème est consultable ici : Requiescat.
Plus étonnant encore, la découverte en 2014 d’un journal secret attribué à Wilde a révélé une version alternative du poème. Selon la spécialiste Angela Kingston, citée dans The Irish Times, le manuscrit contient des vers tels que « Had we not loved so well / Not loved at all / None would have tolled the bell / None borne the pall ». Kingston suggère que ces formulations, conjuguées aux nombreuses apparitions de jeunes filles aux cheveux d’or dans son œuvre, laissent entendre que Wilde se blâmait pour la perte d’Isola.
Ce chapitre intime et paradoxal — à la fois secret et profondément présent dans sa poésie — éclaire d’un jour insolite la sensibilité qui irrigue une grande partie de son écriture.
Le sort effroyable des demi-sœurs de Wilde

En prolongeant le récit de la vie d’Oscar Wilde, on tombe sur un épisode méconnu et tragique. Outre sa sœur Isola, Wilde avait deux demi-sœurs, Emily et Mary, nées hors mariage et élevées par des membres de la famille pour éviter un scandale social. Cette dissimulation explique en partie pourquoi Oscar aurait pu ignorer leur existence.
En 1871, alors que Wilde avait 17 ans, Emily et Mary assistèrent à une fête d’Halloween dans une maison en Irlande. Vers la fin de la soirée, l’hôte invita l’une des filles à danser une dernière valse ; les bougies disposées pour éclairer la pièce enflammèrent accidentellement la robe de la jeune femme. Sa sœur se précipita pour la secourir et sa propre robe prit feu à son tour.
On parvint à maîtriser les flammes, mais les deux jeunes femmes subirent de graves brûlures. Des recherches historiques indiquent qu’elles succombèrent peu de temps après leurs blessures. Pour étouffer le scandale, le rapport du coroner aurait anonymisé leurs noms, rendant difficile la connexion officielle avec la famille Wilde et confiant leur souvenir aux traditions orales locales.
- Personnes concernées : Emily et Mary, demi-sœurs d’Oscar Wilde.
- Date : 1871, lors d’une fête d’Halloween en Irlande.
- Cause : robes enflammées par des bougies, blessures mortelles peu après.
- Conséquence : anonymisation dans les documents officiels et disparition de l’affaire des archives publiques.
Ce drame, longtemps occulté, jette une lumière crue sur les contraintes sociales de l’époque et sur les silences qui entourèrent certains épisodes de la vie d’Oscar Wilde.
Un triangle amoureux déchirant

Dans la continuité des coulisses artistiques de son époque, Oscar Wilde a grandi au cœur des salons littéraires tenus par sa mère, Jane. Poétesse reconnue, elle recevait régulièrement des écrivains et artistes, offrant un terrain fertile où le jeune Wilde aiguisa son esprit et ses talents littéraires. Ces rencontres informelles jouèrent un rôle crucial dans sa formation sociale et esthétique.
C’est au cours de ces rassemblements qu’il rencontra Florence Anne Lemon Balcombe, une jeune femme dont il dira qu’elle était « exquisément jolie » et qu’elle avait « le plus parfaitement beau visage » — malgré son manque d’argent. Lors d’un séjour chez les Wilde en Irlande, les deux jeunes gens se lient et entament une brève relation qui laissera une marque durable sur Wilde.
Le destin voulut cependant qu’un autre habitué des salons — un écrivain de la même génération — entre en scène. Selon les récits biographiques, lorsque Wilde part pour ses études à Oxford, cet homme fait la cour à Florence pendant un séjour chez les Wilde à Noël, puis s’engage avec elle peu après. La révélation de ces fiançailles plongea Wilde dans une profonde détresse, même si, avec le temps, il parvint à rétablir des rapports cordiaux avec l’époux.
- Contexte : les salons de Jane Wilde comme creuset intellectuel.
- Rencontre : Florence Anne Lemon Balcombe, décrite comme d’une beauté rare.
- Conséquence : un engagement inattendu qui brisa le cœur d’Oscar Wilde.
Ce petit épisode intime éclaire un aspect méconnu de la vie d’Oscar Wilde, montrant comment les cercles sociaux de l’époque pouvaient sceller des destins personnels et influencer le parcours émotionnel d’un écrivain célèbre. La suite de sa vie littéraire et sentimentale portera encore la trace de ces premières blessures.
Le mariage d’Oscar Wilde se refroidit
Poursuivant le fil de sa vie privée, Oscar Wilde avait d’abord trouvé l’amour auprès de Constance Lloyd, une femme remarquable et elle-même auteure. Ils se sont mariés en 1884 et, au départ, le couple semblait heureux : Constance aurait répondu à la demande en mariage par ces mots — « Tant que je vivrai, tu seras mon amant » — entraînant même Wilde à encourager ses amis à se marier.
Ils formaient un duo très en vue à Londres, partageant un goût prononcé pour la mode et la décoration intérieure. Le couple eut deux fils, Cyril et Vyvyan, mais la naissance de Vyvyan fut particulièrement éprouvante pour Constance. Après cet épisode, leur relation se refroidit progressivement et Constance passa de plus en plus de temps à l’extérieur du foyer.
Parallèlement, la présence de jeunes hommes chez les Wilde changea la dynamique familiale : Robbie Ross, d’abord accueilli, devint bientôt l’un des amants de Wilde. Plus tard, Alfred « Bosie » Douglas entra et sortit de leur vie selon les tensions du moment, et il fallut du temps pour savoir quand exactement Constance prit pleinement conscience des infidélités.
- Début heureux et complicité artistique et esthétique.
- Naissance difficile de Vyvyan, point de basculement émotionnel.
- Apparition de relations intimes entre Wilde et d’autres hommes, notamment Robbie Ross et Bosie.
- Refroidissement progressif du mariage, prélude aux événements dramatiques à venir.
Ce lent éloignement au sein du couple ne resta pas sans conséquences : il prépara le terrain d’une rupture intime qui, combinée aux scandales publics, conduisit finalement à la chute personnelle et professionnelle d’Oscar Wilde.
Il aurait pu éviter la prison

Dans une tournure d’événements décisive, Oscar Wilde rencontra Lord Alfred « Bosie » Douglas, fils du marquis de Queensberry, en 1891. Ils devinrent rapidement amants et Douglas introduisit Wilde à un milieu de prostitués homosexuels, une habitude qui se généralisa dans la vie de l’écrivain.
Le père de Douglas, homme conservateur et virulent, multiplia les confrontations au sujet de cette relation. Il finit par déposer une carte au club de l’auteur portant l’inscription destinée à être vue de tous : « For Oscar Wilde, posing somdomite » (sic), une accusation grave et publique.
Face à cette attaque, Wilde disposait pourtant d’alternatives. Des historiens notent qu’il aurait pu se réfugier en France, où l’homosexualité n’était pas illégale, et attendre que la tempête médiatique retombe. Au lieu de cela, soucieux de son image publique et poussé par Douglas, il choisit de poursuivre le marquis pour diffamation.
- Le procès en diffamation tourna en faveur du marquis.
- Les preuves présentées lors du procès furent aussitôt utilisées pour accuser Wilde d’indécence grave, une infraction souvent employée contre les homosexuels.
- Quelques mois plus tard, Oscar Wilde se retrouva en prison.
- Cinq ans après ces événements, il était mort.
Ce choix judiciaire se révéla une erreur catastrophique : la seule façon pour le marquis de gagner était de prouver ses allégations — une tâche rendue d’autant plus facile que Wilde n’avait jamais fait preuve d’une grande discrétion et que le comportement de Bosie était tout sauf réservé. Tout cela, tragiquement, aurait pu être évité si Wilde avait simplement pris la fuite ou fait une pause.
L’homme qui a détruit Oscar Wilde était odieux

Poursuivons avec l’un des épisodes les plus amers de la vie d’Oscar Wilde. Célèbre pour son esprit et ses écrits, Wilde fut également emprisonné en 1895 pour « indécence grave » à l’âge de 41 ans. Cette condamnation découlait de sa relation avec Lord Alfred « Bosie » Douglas, à une époque où la loi de 1885 criminalisait les relations homosexuelles en Angleterre.
Le rôle de Douglas dans la chute de Wilde fut loin d’être héroïque. Selon le biographe Douglas Murray, Douglas encouragea Wilde à intenter un procès en diffamation qui précipita ensuite la poursuite contre lui, puis ne le soutint pas lorsque les conséquences tombèrent. Pire encore, il passa les années suivantes à dénigrer publiquement son ancien amant.
Plusieurs éléments donnent la mesure de sa conduite :
- Il poussa Wilde à des actions juridiques dont il ne mesurait pas l’issue catastrophique.
- Après l’emprisonnement de Wilde, Douglas s’employa à ternir sa réputation et à l’attaquer publiquement.
- Il écrivit aussi des textes marqués par l’antisémitisme, ce qui renforce l’image d’un personnage rancunier et intolérant.
La lettre que Wilde rédigea en prison, De Profundis, ne présente pas Douglas sous un jour flatteur, et la rancune de celui-ci semble s’en être nourrie pendant des années. Ainsi, si une passion interdite devait anéantir une existence, on aurait pu espérer que l’objet de cet amour fût au moins digne de compassion — ce ne fut pas le cas.
Pour enchaîner avec la suite du récit, explorons maintenant d’autres épisodes surprenants et tragiques qui ont jalonné la vie d’Oscar Wilde.
Sa femme est morte tragiquement

Poursuivant le récit des épreuves qui ont jalonné la vie d’Oscar Wilde, la situation familiale se délite rapidement après les révélations publiques sur son comportement. Constance Lloyd, d’abord tolérante envers certaines liaisons — souvent avec des artistes ou des connaissances communes — voit la rupture s’accentuer après le procès de 1895 pour « gross indecency ».
Face au scandale, elle prend des mesures radicales pour protéger leurs fils et leur vie privée :
- Elle change son nom et celui de ses enfants pour « Holland ».
- Elle obtient la garde des enfants et les emmène en Suisse, où ils ne reverront plus leur père.
Cependant, Constance ne coupe pas totalement les liens. Comme le relate Franny Moyle, elle rend visite à Wilde en prison, salue ses œuvres ultérieures et refuse de divorcer (source).
Les dernières années de Constance sont marquées par une douleur chronique restée jusque-là inexpliquée. À 39 ans, elle meurt des suites d’une opération ratée, probablement destinée à réparer un prolapsus vésical. Un article publié en 2015 dans The Lancet avance que ses symptômes correspondent très vraisemblablement à une sclérose en plaques (étude).
Ce décès vient s’ajouter aux pertes qui assombriront les dernières années d’Oscar Wilde : deux ans plus tard, il se rendra à Gênes pour déposer des fleurs sur la tombe de Constance, marquant un ultime geste de mémoire.
Un pseudonyme révélateur et mélancolique

En prolongeant ce portrait d’Oscar Wilde, on découvre que sa relation à la célébrité était presque professionnelle. Selon l’analyse de David M. Friedman, citée par HuffPost, Wilde a contribué à façonner une forme précoce de « culture de la célébrité » lors de sa tournée de conférences en 1882. Une fois la renommée atteinte, son activité littéraire ralentit nettement, au profit d’une vie publique faite de réceptions et d’apparitions.
Après son arrestation pour « indécence grossière » en 1895 et son passage en prison, l’élan qui animait Wilde sembla s’étioler. Lors de ses errances à Paris et ailleurs après sa libération, il adopta un nom d’emprunt : Sebastian Melmoth, signe d’un retrait et d’une métamorphose identitaire. Ce choix n’était pas anodin : il portait un lourd sens littéraire et biographique.
- Le pseudonyme renvoie à un roman de 1820 de Charles Maturin, son grand-oncle (photo ci‑dessus).
- Dans ce récit, un homme vend son âme pour gagner 150 années supplémentaires de vie, mais se retrouve condamné à errer sans répit.
- En adoptant ce nom, Oscar Wilde se rattache à une lignée familiale et à une image de destin tragique — un exil intérieur plus qu’une simple dissimulation.
Ce choix de nom illustre combien la trajectoire d’Oscar Wilde mêlait notoriété, héritage littéraire et mélancolie personnelle, et prépare ainsi la suite du récit sur les conséquences humaines et artistiques de sa chute.
Douglas le trahit une seconde fois

Poursuivant le destin tragique d’Oscar Wilde, Lord Alfred « Bosie » Douglas joue un rôle décisif dans sa chute. Il pousse Wilde à poursuivre en diffamation le marquis de Queensberry, qui l’accuse d’homosexualité à une époque où cela était illégal en Angleterre, puis manque de le soutenir au moment du procès.
La situation se complique encore lorsque, en 1897, Wilde retrouve Douglas à Rouen puis emménage avec lui dans une villa louée à Naples. Malgré les aides financières épisodiques de l’entourage — la femme de Wilde et la mère de Douglas — les deux hommes vivent dans la plus grande précarité et sont même expulsés d’un hôtel après la protestation des autres clients.
- La femme de Wilde menace de couper ses subsides ; malgré tout, Wilde refuse d’abandonner Bosie.
- Douglas finit par quitter Naples, et la mère de Douglas envoie à Wilde 200 £ en lui ordonnant de rester éloigné.
- Ce départ et cette ultime trahison achèvent d’isoler Wilde, déjà ruiné et vulnérable.
Il est facile d’entrevoir comment cette dernière trahison a précipité la désolation finale d’Oscar Wilde, qui mourra deux ans plus tard, seul et appauvri.
À la fin de sa vie, il était seul et brisé

Poursuivant le portrait de son destin, Oscar Wilde n’était pas seulement un écrivain brillant : il était aussi un convive recherché, célèbre pour son esprit et sa compagnie. Même durant son emprisonnement et immédiatement après sa libération, il produisit deux œuvres marquantes qui témoignent de sa lucidité et de son tourment intérieur.
- De Profundis : une longue lettre où il revient sur sa relation avec Lord Alfred Douglas et sur une sorte d’éveil spirituel survenu pendant sa détention.
- The Ballad of Reading Gaol : un poème inspiré par l’exécution qu’il a vue, explorant la prison, la violence et la condition humaine.
Pourtant, ses dernières années à Paris furent bien différentes de la vie mondaine qui avait fait sa renommée. Isolé, il sombra dans l’alcool et vécut dans des hôtels modestes, hanté par la séparation d’avec ses enfants et par la ruine de sa carrière professionnelle.
Il avoua avoir perdu la joie d’écrire, une perte cruelle pour un auteur de son calibre. Malgré tout, même alité dans ses derniers jours, il conserva son humour caustique : ses mots d’adieu rapportés plus tard reflètent ce mélange d’ironie et de tragédie qui caractérisa toute son existence.
Ses derniers mots, rendus célèbres par leur ironie, furent rapportés ainsi : « Mon papier peint et moi nous faisons un duel à mort. L’un de nous deux doit disparaître. » Ces instants, à la fois poignants et étranges, soulignent la chute d’un génie dont la vie resta marquée par l’amour, la trahison et la solitude.
Oscar Wilde est mort dans d’atroces souffrances

Poursuivant le récit de sa chute, il est paradoxal que, pour un homme dont l’esthétique et l’amour de la beauté guidaient la vie, la fin ait été dépourvue de toute noblesse. Oscar Wilde, défenseur de l’art pour l’art, avait autrefois façonné avec son épouse Constance Lloyd un cadre domestique souvent décrit comme une véritable « maison belle ».
La rumeur voulait depuis longtemps qu’il soit mort de la syphilis, alimentée par son mode de vie jugé décadent et ses liaisons. Pourtant, les derniers moments de Wilde furent marqués par la solitude et la pauvreté : il erra dans des hôtels modestes, tandis qu’une infection de l’oreille qui le tourmentait depuis des années semble s’être aggravée.
Selon l’analyse de spécialistes, la cause la plus vraisemblable de sa mort est une méningite consécutive à cette infection auriculaire, et non la syphilis — absence d’autres symptômes compatibles et aucun antécédent familial en ce sens ayant été relevés. Ses derniers jours auraient été traversés par une douleur intense, loin de la beauté qu’il avait tant célébrée.
Cette fin misérable contraste cruellement avec l’héritage littéraire et esthétique d’Oscar Wilde, rappelant combien la réalité peut parfois démentir le mythe.
- Condition finale : solitude et précarité matérielle.
- Problème de santé majeur : infection de l’oreille ayant pu conduire à une méningite.
- Rumeur infirmée : l’hypothèse de la syphilis est peu étayée par les faits connus.
ManoSolo13241324 / Wikimedia Commons

