Selon une étude de 1993 publiée dans le Journal of Injury and Violence Research, près de la moitié des membres de la Yakuza ont été ritualistiquement amputés d’une partie de leur doigt, et 15 % d’entre eux ont subi cette procédure à plusieurs reprises.

Cette pratique, nommée yubitsume ou « raccourcissement du doigt », remonte à plus d’un siècle. Elle trouverait son origine chez les bakuto, les proto-Yakuza spécialisés dans les jeux d’argent au Japon des XVIIIe et XIXe siècles. Lorsqu’un joueur se retrouvait fortement endetté, une tranche de son petit doigt était amputée comme une forme de paiement alternative.
Dans son ouvrage The Naked Man, Desmond Morris décrit ce rituel que le journal mentionné présente ainsi : « Un petit morceau de tissu propre est posé sur une surface plane. L’offenseur place sa main gauche, paume vers le bas, sur le tissu puis utilise un tanto, un couteau aiguisé, pour amputer son petit doigt à la première phalange (DIP). La partie amputée est alors enveloppée dans le tissu et remise au chef de sa famille Yakuza, qui supervise la cérémonie. »
Pour paraphraser l’expression culte des cowboys dans Blazing Saddles, cet acte est d’une rigueur extrême.
Quand on pointe un doigt, 2,5 autres se retournent vers soi

Outre la douleur et la stigmatisation visible liée à cet arrachement, la perte du petit doigt engendrait des désavantages pratiques. Le maniement du sabre, arme emblématique de l’époque, devenait difficile, puisque son préhension repose fortement sur la force exercée par ce doigt. En s’infligeant cette mutilation, l’individu se rendait volontairement vulnérable.
Au fil du temps, lorsque les bakuto ont laissé place à la Yakuza, certaines de ces traditions ont perduré, notamment les tatouages couvrant tout le corps, les jeux d’argent illégaux, et bien sûr le yubitsume.
Selon les témoignages des initiés, ce rituel constitue une pénitence empreinte d’honneur. Il sert à présenter des excuses pour une faute commise et à manifester son respect envers ses supérieurs. De manière plus inquiétante, ce rite condamne celui qui s’y soumet à réduire son nombre de phalanges en cas de récidive, devenant ainsi une promesse funeste, presque traumatisante, de perdre à jamais la capacité de jouer du ukulélé, métaphore de sa destitution dans la hiérarchie.
