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C’est le jour de la dernière chance. Comme chaque année, le dernier samedi avant Noël voit les magasins, centres commerciaux et rues commerçantes envahis par des foules en quête des derniers cadeaux à déposer au pied du sapin. Pour les commerçants, cette journée — souvent qualifiée de « super samedi » — est exceptionnelle ; pour les clients, elle se transforme parfois en parcours du combattant.
Il faut souvent braver la cohue, affronter des rayons bondés, patienter dans des files interminables à la caisse, risquer de manquer de papier cadeau ou de constater la rupture de stock du produit désiré. Pourtant, cette journée reste chaque année celle de la plus forte fréquentation : pourquoi tant de Français attendent-ils les achats de Noël dernière minute ? Voici des éléments de réponse recueillis auprès de lecteurs et lectrices.
La pression entraîne la procrastination
« Tous les ans, je me dis que l’année suivante, je m’y prendrai à l’avance. Et tous les ans, je me retrouve à suer pour trouver des cadeaux », confie Ameline, déjà munie d’une longue liste pour ce samedi. Beaucoup partagent cette habitude tenace de repousser l’échéance.
« C’est une forme de procrastination que l’on retrouve beaucoup chez le consommateur », explique Annie Banikema-Sow, professeure en sciences de gestion et spécialiste des comportements de consommation à l’université d’Évry. Selon elle, cette procrastination est souvent une réponse à une contrainte sociale forte.
Les cadeaux de Noël ayant pris une place centrale dans nos pratiques sociales, ils suscitent parfois des réactions négatives. « Il y a du monde partout, une chaleur étouffante, du bruit, et de la frustration », raconte Antoine, qui malgré une expérience « douloureuse, physiquement et mentalement », revient chaque année faire ses achats le dernier samedi au centre commercial de la Part-Dieu à Lyon. Pourquoi ? « Si j’anticipe trop l’achat, je n’ai pas l’impression d’acheter des cadeaux de Noël mais des cadeaux tout court. Surtout, je n’ai pas d’idée sur ce que je souhaite acheter et pour qui. Alors je déambule en attendant une épiphanie. »
Compliqué de trouver des idées tous les ans pour les mêmes personnes
« Cette pression, la peur de se tromper, de ne pas proposer le bon cadeau fait que souvent on retarde l’échéance jusqu’au dernier moment et jusqu’à se retrouver dos au mur. On se dit : je vais attendre d’avoir la bonne idée », poursuit Annie Banikema-Sow, qui pointe le manque d’inspiration comme cause fréquente de la procrastination.
Sophia illustre bien ce point : « C’est compliqué de trouver des idées tous les ans pour les mêmes personnes. Au bout d’un moment, on a souvent fait le tour et pour moi c’est une angoisse de trouver un truc original. Parce que si je fais un truc banal, la personne va penser que je n’ai pas d’intérêt à son égard. »
Parmi les lecteurs, ceux qui bouclent leurs achats longtemps à l’avance sont souvent ceux qui considèrent la corvée achevée au plus vite, tandis que d’autres préfèrent le défi des achats de Noël dernière minute.
L’attente des primes et des salaires
Pour certains, le report des achats obéit à une contrainte financière pragmatique. J.-C. raconte : « On le fait au dernier moment parce qu’on doit attendre la prime de Noël pour pouvoir se permettre de faire des achats. Nous on ne s’en fait même pas à part un petit truc comme une bûche s’il reste quelque chose après les cadeaux pour les enfants. Sans ça, ils n’en auraient pas. »
« On considère souvent que tout le monde a les moyens de fêter Noël, or ce n’est pas toujours le cas », rappelle la spécialiste. L’incertitude sur le budget disponible peut totalement conditionner la configuration des fêtes. Plusieurs lecteurs confient également attendre le salaire de décembre, parfois versé plus tôt que d’habitude, pour compléter leurs achats.
Un rituel, une effervescence, une fièvre
Mais tous ne subissent pas cette ruée : certains la choisissent et l’apprécient. « Il y a une forme de rituel dans cette effervescence. On peut apprécier cette « fièvre ». D’ailleurs regardez bien les gens, même stressés, même bousculés, beaucoup montrent de la joie », observe Annie Banikema-Sow. Selon elle, la répétition annuelle crée une communion, une cohésion : un événement partagé.
« Je n’aime pas faire les magasins. Mais avec l’effervescence, je suis beaucoup plus dans l’esprit. J’ai l’impression d’être dans un film américain. Et tant pis pour la foule, c’est pénible, mais j’aime cette énergie collective », confie Mathys. Billie partage ce sentiment : chaque année avec son ami, elle attend le dernier samedi : « J’habite à Paris et je me dis que j’ai du choix et donc que je finirai bien par trouver. Ça fait un peu expédition mais ça nous fait toujours une bonne journée avec des anecdotes à raconter. Je trouve ça excitant. »
Certains transforment même l’expérience en moment convivial, comme Magali : « Avec mes trois meilleures amies, on se donne rendez-vous le matin en prenant un café et on programme notre journée. Chacune part ensuite de son côté avec sa liste, on se retrouve pour manger à midi, on fait un premier point et l’après-midi on repart pour tout finir. Ça se termine vers 19 ou 20 heures pour l’apéro avec le bilan de la journée et un petit cadeau qu’on s’offre après un tirage au sort. Pour nous, c’est le vrai démarrage de Noël. »
