Sommaire
En cette fin juillet 2024, plusieurs quartiers populaires français sont frappés par une vague de violence d’une ampleur exceptionnelle. Des fusillades liées au trafic de stupéfiants ont éclaté à Nîmes, des embuscades ont ciblé les secours à Béziers, tandis que des violences urbaines ont éclaté à Limoges. Ces événements incitent les élus locaux à rechercher des solutions pour protéger leurs habitants, notamment dans des villes moyennes jusque-là relativement préservées de ce type de délinquance grave.
Les moyens à disposition restent toutefois limités, ce qui pousse de nombreux maires à instaurer des couvre-feux pour les mineurs, malgré des résultats souvent mitigés. À Nîmes, où une guerre sanglante oppose depuis plusieurs mois les narcotrafiquants, un couvre-feu s’applique de 21h à 6h dans les quartiers les plus sensibles de la ville, pour une durée initiale de 15 jours. La mairie présente cette mesure comme une précaution destinée à protéger les moins de 16 ans, afin d’éviter qu’ils soient exposés aux violences et de contenir les tensions. Deux années plus tôt, un enfant de 10 ans avait été tué par balle dans le quartier très populaire de Pissevin, et une récente fusillade avait blessé six personnes dont quatre mineurs dans le quartier de Valdegour. Par ailleurs, un message inquiétant circule sur les réseaux sociaux, menaçant de violence toute personne s’aventurant dans Pissevin, même les plus jeunes enfants.
Une mesure d’urgence aux résultats limités
Pour Mélissa Gil, représentante dans le Gard du syndicat Alliance police, ce couvre-feu est une solution temporaire. « Cette mesure n’est prévue que pour 15 jours. Une fois les renforts policiers partis, les fusillades reprendront comme avant. On protège les enfants durant ces deux semaines pour qu’ils ne deviennent pas victimes, mais cette mesure ne résout pas le problème à sa source, elle ne fait que le repousser. »
Elle souligne le besoin urgent de renforts permanents, notamment d’agents expérimentés et d’officiers de police judiciaire, car démanteler un réseau de trafiquants nécessite des enquêtes longues et approfondies.
Des couvre-feux symboliques face à une complexité accrue
Dans d’autres communes, des couvre-feux pour mineurs ont également été instaurés. Par exemple, à Triel-sur-Seine dans les Yvelines, cette mesure a été décidée début juillet après une recrudescence d’incivilités commises par des jeunes. Selon le sociologue Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS, ces décisions relèvent d’une réaction politique face à des événements incontrôlables, avec une volonté d’envoyer des signaux de fermeté pour rassurer la population, notamment en période électorale.
Il insiste cependant sur les limites pratiques de ces couvre-feux : « Les moyens pour les faire appliquer manquent souvent et ces mesures restent pour beaucoup avant tout symboliques. »
Une efficacité difficile à mesurer
Sur l’efficacité réelle des couvre-feux, Sebastian Roché souligne qu’aucune étude approfondie en France ne permet de se prononcer avec certitude. À l’étranger, les résultats sont mitigés. Il note qu’ »on ne remarque pas de différences significatives dans la délinquance juvénile entre les villes qui imposent un couvre-feu et celles qui ne le font pas. » Plusieurs facteurs complexifient l’application de ces mesures : certains parents n’ont plus d’autorité sur des adolescents en rupture sociale ou scolaire, et les forces de l’ordre manquent de ressources pour une surveillance rigoureuse.
À Limoges, où un couvre-feu s’applique aux moins de 13 ans pendant les vacances scolaires, les affrontements récents entre forces de l’ordre et groupes armés, confrontés à des lanceurs de mortiers, cocktails Molotov et battes de baseball, montrent les limites de cette politique. De même, à Béziers, malgré l’interdiction de circulation nocturne pour les mineurs de moins de 15 ans, des violences sévères ont éclaté dans un quartier gangrené par le trafic de drogue.
Ces exemples illustrent combien les couvre-feux, bien qu’emblématiques, peinent à endiguer efficacement la délinquance juvénile et la violence urbaine.
