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Une pétition lancée le 8 juin relance le débat sur l’atténuation des peines mineurs. Le père de Benoît, un adolescent de 17 ans poignardé le 31 mai par un mineur de 16 ans à Dax, dans les Landes, demande que « l’excuse de minorité ne soit pas retenue » contre le suspect et qu’il soit jugé comme un majeur. Cette demande n’est pas isolée et suscite de nombreuses interrogations concernant ce dispositif légal.
Peut-on vraiment parler d’« excuse de minorité » ?
Le terme d’« excuse de minorité » est souvent utilisé à tort. Christophe Daadouch, juriste spécialiste en droit des mineurs, insiste sur le fait que ce n’est pas une expression légale. Selon lui, « dans l’article 121-7 du code de la justice pénale des mineurs, on parle d’atténuation des peines ». Cette expression est fréquemment employée à des fins instrumentales dans les débats publics, notamment par certains courants politiques d’extrême droite.
Pourquoi existe-t-il une atténuation des peines pour les mineurs ?
La justice prend en compte l’âge des individus au moment des faits. Jusqu’à 16 ans, l’atténuation des peines est systématique et « ne souffre d’aucune dérogation », rappelle le juriste. Cette disposition, établie par l’ordonnance de 1945, s’inscrit dans une logique de « pari éducatif », même lorsque des faits graves sont commis. Les peines encourues par les mineurs sont réduites de moitié : « Le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs ne peuvent prononcer une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue », selon l’article L121-5 du code.
Christophe Daadouch souligne l’importance de réduire la réponse pénale face aux mineurs, qui ne sont pas forcément éduqués ni construits éducativement. Il rappelle aussi que des environnements délétères peuvent être à l’origine des actes commis. L’objectif est ainsi de permettre à ces jeunes, après leur peine, de se réinsérer dans la société.
Si cette mesure est souvent difficile à accepter pour les victimes, elle vise avant tout la réintégration des mineurs, même lorsqu’ils ont commis des crimes graves.
Dans quels cas l’atténuation des peines peut-elle ne pas s’appliquer ?
Entre 16 et 18 ans, le parquet ou la partie civile peuvent demander la suppression de l’atténuation des peines pour que le mineur soit jugé comme un majeur. Cette levée de l’atténuation est cependant « exceptionnelle » et la demande doit être justifiée en précisant la gravité des faits (préméditation, barbarie) ainsi que la personnalité et la situation du mineur, conformément à l’article L121-7 du code.
La décision finale appartient à la juridiction compétente, avec possibilité de recours par les parents de l’auteur.
Un exemple emblématique est l’affaire Moulinas en 2011, où un adolescent de 16 ans a violé, tué puis brûlé le corps d’une camarade à Chambon-sur-Lignon. L’atténuation des peines a été supprimée en raison de la gravité extrême des faits et du comportement désinvolte de l’adolescent à l’audience, dépourvu de remords. Condamné à la perpétuité en 2013, il faut noter que la loi a depuis été modifiée : il n’y a plus de perpétuité réelle pour les mineurs, la peine maximum étant désormais de trente ans de réclusion.
« L’image de la justice, c’est la balance : il faut que la réponse pénale soit suffisamment compréhensible pour les victimes, sinon elles risquent de se faire justice elles-mêmes. En même temps, il faut que les personnes puissent reprendre leur place dans la société après avoir purgé leur peine », commente Christophe Daadouch, qui ajoute : « Si on ajuste les peines uniquement selon le ressenti des victimes, même la peine de mort ne suffirait pas. »
Dans la même logique que l’atténuation des peines, le droit à l’oubli est davantage garanti pour les mineurs : leur casier judiciaire s’efface plus facilement que celui des majeurs, facilitant ainsi leur réinsertion.
La loi Attal et les évolutions législatives à venir
La loi Attal sur la délinquance des mineurs doit prochainement être examinée par le Conseil constitutionnel. Elle propose de supprimer le terme « exceptionnel » pour assouplir la suppression de l’atténuation des peines. Ce texte envisage également, à l’instar des propositions antérieures, que l’atténuation soit automatiquement levée en cas de récidive, renforçant ainsi la réponse judiciaire face à certains comportements répétitifs chez les mineurs.
