Au parc animalier de Branféré, une expérience inédite s’est engagée : analyser les réactions des animaux face à des concerts en live. Plutôt que de diffuser des enregistrements sonores, l’initiative consiste à faire venir des musiciens pour jouer et chanter en direct devant les pensionnaires. Cette démarche vise à comprendre si la musique apaise, effraie ou modifie de quelque manière que ce soit le comportement animal. « On est un peu dans l’inconnu », reconnaît Alexandre Petry, directeur scientifique du parc et éthologue.
Un guitariste-chanteur nommé Plumes a inauguré cette expérience devant plusieurs espèces. Assis à la lisière d’un enclos, il a interprété « Ho Hey » du groupe The Lumineers. Une girafe zébrée a rapidement porté son attention sur lui, captivée par les accords, tandis qu’un okapi est resté spectateur quelques instants avant de s’éloigner. Plus tard, les siamangs, connus pour leur chant vigoureux, ont manifesté une agitation inhabituelle et ont même rejeté un « cadeau » devant le musicien, un signe difficile à interpréter sans précautions.
Cette étude est menée en collaboration avec des chercheurs de l’université de Nanterre, sous un protocole rigoureux. Le suivi comporte des enregistrements vidéo des comportements cinq minutes avant, pendant sept minutes, puis cinq minutes après chaque prestation. Tom Daune, directeur du parc, évoque « une première en Europe » dans ce domaine.
Le musicien Plumes est un habitué des concerts dédiés aux animaux. Depuis près de trois ans, il parcourt le territoire français pour jouer devant des vaches, chevaux, girafes, mais aussi d’autres espèces telles que les lémuriens. Il confie que l’interaction avec les animaux reste aléatoire : parfois immédiate, d’autres fois il faut patienter, mais chaque rencontre musicale est « un moment fort ». Sélectionnant uniquement des chansons d’amour, douces et porteuses d’émotions, il a pu observer la curiosité de grues couronnées et de grues du paradis lors d’une interprétation de « Perfect » d’Ed Sheeran, tandis que les wallabies restaient plus prudents, influencés par leur instinct.
Depuis la popularité grandissante de ses vidéos sur les réseaux sociaux, Plumes compte désormais près de 500 000 abonnés sur Instagram, témoignant de l’engouement pour ces concerts atypiques.
D’autres musiciens viendront prochainement jouer de la guitare et de la harpe, selon le même protocole scientifique. L’objectif est de mieux comprendre la musicalité dans le règne animal, certaines espèces ayant leurs propres rythmes et formes de chant. « L’éthologie est une science qui prend du temps », rappelle Alexandre Petry, soulignant la nécessité de patience et d’observation rigoureuse pour tirer des conclusions pertinentes.
Branféré a une tradition d’expérimentation scientifique depuis son ouverture en 1985, mais c’est la première fois que la musique live y est intégrée comme objet d’étude. Dans cette optique, le choix de morceaux comme « Don’t worry, be happy » de Bobby McFerrin semble parfaitement adapté : « Ne t’inquiète pas, et sois heureux », un message qui peut s’appliquer à toutes les espèces.
