Cette variété ne vous fera pas planer mais pourrait isoler les murs de votre maison ou agrémenter un plat. Quelques champs de chanvre ont poussé en Gironde cette année, observés par des cultivateurs en apprentissage. Plusieurs agriculteurs se sont rendus à Chamadelle, dans le Libournais, pour voir ces parcelles et se renseigner sur une culture encore confidentielle au pays du vin. Alors qu’on arrache des milliers d’hectares de vignes dans le vignoble bordelais, beaucoup cherchent des voies de diversification : le chanvre dans la viticulture suscite l’intérêt.
« Je pensais que la chaleur aurait fait plus de dégâts », confie Jérôme Grugier, agriculteur à Chamadelle, au milieu de sa parcelle plantée de chanvre. Membre de l’association chanvre du Libournais, créée en 2024, il souligne que la plante demande peu d’eau, qu’elle subit peu d’attaques de nuisibles et qu’elle contribue à « décompacter les sols ». Autant d’atouts qui en font une candidate intéressante pour des exploitations en transition.
150 hectares d’ici cinq ans
Pour des raisons sanitaires, la culture du chanvre est soumise à une rotation tous les cinq ans. « Moi qui fais des vignes, de l’élevage et des céréales pour les animaux, ça me permet de faire une rotation, c’est très intéressant », explique Jérôme. Une quinzaine d’agriculteurs ont rejoint l’association et récoltent actuellement les 10 hectares plantés, répartis en deux variétés, grâce à une moissonneuse achetée en commun.
L’association vise 25 hectares l’année prochaine et une centaine dans les cinq ans à venir. Pour l’installation d’une chanvrière ou unité de défibrage, il faut atteindre 100 à 150 hectares, précise Annabel Garçon, la technicienne de la chambre d’agriculture qui accompagne le projet. Si le projet attire l’attention, c’est parce que les débouchés existent : deux tiers des débouchés concernent les fibres, utilisées comme isolant dans le bâtiment, et le tiers restant porte sur les graines, qui trouvent des applications alimentaires.
Une ivresse pour le chanvre ?
« Les marchés sont là et c’est très motivant pour notre groupe », explique Fabienne Krier, présidente de l’association. Le magasin local de matériaux d’isolation ne parvient pas à honorer son carnet de commandes, se réjouit-elle, ce qui signifie qu’une fois la matière disponible, la demande suivra.
Reste que des défis subsistent : identifier les variétés les mieux adaptées aux sols girondins, affiner la date de récolte et adapter le matériel aux spécificités du chanvre. Chaque membre de l’association, après avoir reçu des subventions, a aussi investi personnellement pour acquérir des machines de récolte.
« L’agriculture est en train de prendre un virage, on est tous obligés d’essayer de rebondir sur d’autres cultures », estime Fabienne Krier, également éleveuse. « Il faut être prêts à s’engager, à faire partie d’une aventure humaine », ajoute Annabel Garçon. Sans être une plante miracle, le chanvre pourrait intégrer l’arsenal des solutions girondines pour répondre à la crise viticole.
