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L’essentiel
- Loin des difficultés économiques observées ailleurs en Europe, le Portugal affiche en 2025 des finances publiques remarquables : excédent budgétaire pour la deuxième année consécutive et dette en recul. Le gouvernement envisage de baisser les impôts et d’augmenter les retraites.
- Ce bilan positif repose cependant sur une austérité passée extrêmement sévère et sur une économie structurellement fragile, largement soutenue par des apports étrangers.
- Faible productivité, défi démographique, main-d’œuvre peu qualifiée… si la situation actuelle paraît favorable, les perspectives à moyen terme restent incertaines.
Nous sommes en 2025 après Jésus-Christ. Toute l’Europe traverse un marasme économique… Toute ? Non : un petit pays, le Portugal, parvient à afficher un excédent budgétaire qui attire l’attention. Si le pays fait l’actualité, c’est autant pour la sortie d’un nouvel album d’Astérix qui s’y rend que pour l’état impeccable de ses comptes publics.
Pour la deuxième année consécutive, le Portugal dégage plus de recettes que de dépenses. La dette publique, qui culminait à 93,6 % du PIB l’année précédente, devrait tomber à 90,2 % en 2025, puis à 87,8 % l’an prochain. Fort de ces résultats, Lisbonne prévoit des baisses d’impôts et des revalorisations de pensions.
Une potion magique fortement épicée
Mais ce tableau flatteur masque un traitement douloureux. Pour parvenir à ces chiffres, le Portugal a appliqué des mesures d’austérité drastiques : réduction du nombre de fonctionnaires, suppression du 13e et 14e mois, augmentation de la TVA, privatisations massives, recul de l’âge de départ à la retraite, baisse du salaire minimum…
Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au Bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE), rappelle l’ampleur des coupes : « du jour au lendemain, le salaire des fonctionnaires a baissé de 30 % ; les départs à la retraite n’ont pas été remplacés ; pas d’indexation des salaires ni des retraites ; très peu d’aides publiques face à l’inflation… Il y a eu une baisse des dépenses très forte, trop forte même, puisqu’elle a eu un aspect récessif. Un tel traitement n’est pas souhaitable en France. »
Anne Bucher, spécialiste en macroéconomie européenne, nuance encore la « magie » : « Comme l’Espagne ou la Grèce, ces « miracles » économiques reposent sur une crise majeure des années 2000-2010. Sur cette base, des politiques très restrictives d’offre et d’austérité ont été mises en place. »
Le trop fort pari de l’étranger
Le redressement portugais a aussi beaucoup reposé sur les investissements étrangers et l’arrivée de nouveaux résidents. Le régime des visas investisseur (golden visa) a permis à des non‑Européens d’obtenir un titre de séjour en échange d’un investissement significatif dans la recherche, des fonds, la création d’entreprise ou le patrimoine.
La part des investissements directs étrangers (IDE) est passée de 32 % du PIB en 2008 à 69 % en 2024. Une fiscalité incitative a aussi été employée pour attirer des professions qualifiées.
« Le Portugal se repose énormément sur l’arrivée d’étrangers, qui ont investi dans le pays en tant que force qualifiée », observe Anne Bucher. La population étrangère titulaire d’un permis de séjour a quadruplé depuis 2017 et représente désormais 15 % de la population totale. « Ce n’est pas sans effet pervers ». Cette mobilité a contribué à une flambée des prix de l’immobilier, provoquant une crise du logement pour les locaux : en dix ans, les prix ont augmenté de 124 %, contre 53 % en moyenne dans le reste de l’Union européenne, selon Eurostat.
Un pays qui reste structurellement très faible
Les faiblesses structurelles persistent : main-d’œuvre locale peu qualifiée, capacités administratives limitées, défi démographique majeur et productivité modeste, énumère Anne Bucher. Les défis futurs exigent des réformes : maintenir une trajectoire de consolidation budgétaire, réformer les retraites et agir pour la démographie.
Anne-Sophie Alsif reconnaît qu’« il y a eu une bonne méthode, quoique un peu rude, sur le court terme. Mais le pays doit encore énormément investir, se réindustrialiser, augmenter sa productivité ». L’enjeu est également de dépendre moins des visiteurs et des capitaux étrangers.
Une récente étude de la faculté d’économie de l’université de Porto indique que le Portugal devrait attirer et retenir davantage d’immigrés pour assurer une croissance annuelle de 3 % ou plus. Astérix et Obélix ne seront pas de trop.
