Pourquoi n’entendons-nous pas d’accents quand les gens chantent ?
Pourquoi des artistes comme Adele semblent-ils chanter avec un accent américain ? En réalité, ce n’est pas le cas lorsqu’ils parlent. Par exemple, la douceur londonienne du parler d’Adele disparaît lorsqu’elle chante. Si vous écoutiez sa voix sans la reconnaître, il serait difficile d’identifier son origine britannique.
D’autres chanteurs anglais, tels que Mick Jagger, semblent également traverser l’Atlantique en chantant. Bien que certaines voyelles anglaises percent dans ses paroles, il fait tout pour imiter le style de Muddy Waters ou d’autres bluesmen américains. Eric Clapton, Amy Winehouse, et Tom Jones ne semblent pas plus britanniques lorsqu’ils chantent.
Selon les linguistes Rob Drummond et Erin Carrie de l’Université Métropolitaine de Manchester, ce changement d’accent a deux origines. Premièrement, les mécanismes de la chant diffèrent de ceux de la parole. Par exemple, la longueur et la qualité des voyelles changent pour s’ajuster à la hauteur soutenue du chant. En augmentant le flux d’air, nous allongeons inévitablement nos syllabes, rendant l’articulation moins claire. De plus, aux États-Unis, où l’anglais est souvent rhotique (c’est-à-dire que la lettre « r » est prononcée, même à la fin des mots), l’unique façon de maintenir le flux tout en chantant est de supprimer le « r » final. Ainsi, la façon de chanter américaine possède déjà une légère touche transatlantique si vous y prêtez attention.
Il existe une autre raison pour laquelle les chanteurs pop britanniques semblent américains, et elle ne concerne pas la linguistique. « Socialement, » expliquent Drummond et Carrie, « il y a une attente… que la musique populaire soit chantée de cette manière. » L’accent par défaut de la pop est l’américain, car les États-Unis demeurent la capitale de la culture pop mondiale.
Un autre facteur lié, selon plusieurs études, est l’érosion progressive des accents régionaux à travers le monde. À l’ère moderne, la vie est de plus en plus homogène, chacun utilisant le même Internet, regardant les mêmes films et consommant les mêmes produits technologiques. Cela a entraîné une concentration des cultures et des économies dans quelques grandes villes comme New York, Londres, Los Angeles, Séoul et Pékin. Avoir l’air de venir de l’une de ces villes peut donner une impression d’internationalité et de connexion. Par contre, un accent régional, comme le brogue de Clyde ou le twang de l’Arkansas, peut sembler provincial et déconnecté. Les estimations suggèrent que les accents régionaux au Royaume-Uni pourraient même disparaître d’ici 2066.
Cependant, plusieurs artistes britanniques ont fait le choix délibéré de ne pas adopter l’accent américain (ou un style trop neutre) dans leur chant. Alex Turner des Arctic Monkeys possède un accent de Sheffield inimitable, tout comme Billy Bragg et Shane MacGowan. Aucun d’eux ne peut être confondu avec un chanteur américain.
