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Chaque année, le 8 mars met en lumière la Journée internationale des droits des femmes. Cette journée vise à faire un état des lieux sur les droits des femmes à l’échelle mondiale, à souligner les luttes féministes et à rappeler les avancées encore nécessaires.
Au sein du monde professionnel, les femmes sont encore victimes de nombreuses discriminations telles que le temps partiel contraint, les inégalités salariales et le sexisme. Pour fuir cette atmosphère toxique, certaines choisissent de travailler dans un cadre de non-mixité, s’entourant uniquement de collaboratrices féminines ou intégrant des réseaux de soutien entre entrepreneuses.
Une approche engagée
Dans les locaux des Epaulettes, « on travaille depuis le début en non-mixité » féminine, déclare avec fierté Celisiane Rosius, la fondatrice de cette start-up. Initialement active dans le mentoring digital, elle a observé que les profils des entrepreneurs qu’elle soutenait se ressemblent souvent : « Pour caricaturer, ce sont des hommes blancs de plus de 50 ans. » En 2019, elle décide de faire évoluer les choses et fonde sa propre structure pour « faire du digital un levier pour l’égalité entre les femmes et les hommes ». Son engagement est clair : former des femmes et ne travailler qu’avec des formatrices de même sexe. Aujourd’hui, les Epaulettes sont dirigées par une équipe exclusivement féminine qui dispense des ateliers avec quinze intervenantes.
Ce cadre de travail féminin favorise l’organisation au sein de l’entreprise. Comme l’explique Celisiane Rosius, « on s’est organisé naturellement en semaine de quatre jours. Celles qui doivent récupérer leurs enfants peuvent ainsi partir à 15h30 sur cinq jours. Le congé menstruel n’a pas non plus posé problème. »
Des relations authentiques
Sabine Thouvenin, cofondatrice d’une marque de vêtements de sport pour femmes, travaille également dans un environnement exclusivement féminin « sans vraiment l’avoir choisi ». Elle souligne que cette situation est « très agréable ». Avec son amie et associée, elles partagent une compréhension sur des évènements de vie impactants tels que l’endométriose, un sujet qui peut perturber les journées de travail. Elle fait également état de la convivialité qu’elles ressentent lorsqu’elles collaborent avec des photographes, « il n’y a pas de chichi, les relations sont plus naturelles, moins cadrées ». Cela se reflète également dans leurs échanges avec les gérantes de clubs de pole dance, souvent des femmes, où les discussions s’établissent de manière franche et directe, loin des négociations traditionnelles.
Favoriser l’entraide entre femmes
L’entraide entre entrepreneuses est une notion centrale au sein du réseau Les Premières. En Martinique, cet incubateur a soutenu 80 femmes depuis janvier 2022 dans leur volonté de devenir actrices de leur destin et de leur territoire. En plus d’offrir des formations sur la prise de parole en milieu masculin, le réseau aborde également des problématiques liées à l’accès au crédit. Selon Béatrice Pelage-Valère, sa présidente, « même en remplissant tous les critères, il faut que le dossier soit trois fois plus solide que pour un homme », soulignant les inégalités qui persistent.
Les femmes qui s’engagent dans l’entrepreneuriat remettent en question certaines normes. Celisiane Rosius évoque les difficultés qu’elle rencontre à justifier sa volonté de travailler en non-mixité, précisant que « 80 % des hommes lui posent cette question, alors que les femmes, jamais ». D’ailleurs, il est rare que l’on interroge un groupe d’hommes sur l’absence de femmes parmi eux.
Créer un espace d’écoute
Selon Béatrice Pelage-Valère, de nombreuses femmes qui rejoignent ces réseaux ont été déçues par des structures mixtes, car elles n’ont pas trouvé l’écoute nécessaire à leurs préoccupations. Se rassembler dans un cadre non-mixte leur permet d’être mieux entendues et, par conséquent, plus efficaces. À Marseille, les Epaulettes ont également observé l’importance de l’écoute chez les femmes qu’elles soutiennent. « Nous organisons des évènements chaque mois, en dehors des formations. Au début, ce n’était pas prévu en non-mixité, mais après avoir eu un homme inscrit sur 40 à 60 participantes, les femmes se sont senties plus inhibées, nous avons donc décidé de restreindre ces évènements », explique Celisiane Rosius en utilisant l’expression de « safe place » dans ce cadre professionnel.
Collaborer avec des femmes photographes ou stylistes contribue aussi à créer un écosystème bienveillant, facilitant l’abaissement des tabous pour les clientes de Sabine Thouvenin, qui se changent devant elles lors des essayages des vêtements.
Les limites de la non-mixité
Cependant, travailler en non-mixité peut comporter quelques inconvénients. Celisiane Rosius met en garde contre le risque de « s’enfermer dans un modèle où l’on est moins challengées ». À propos de son expérience dans le domaine du pole dance, Sabine Thouvenin mentionne la présence résiduelle de compétitions malsaines entre femmes, héritées de leur éducation. Plus philosophiquement, Béatrice Pelage-Valère souligne que « les femmes se mettent parfois des freins elles-mêmes ». Elle avance que les femmes n’ont pas peur de l’échec, mais plutôt de la réussite, synonyme de prise de place dans un monde qui ne leur en accorde pas encore totalement. Elles doivent donc se battre pour cette place, ce que certaines ne sont pas prêtes à faire. Cependant, c’est précisément là que les réseaux féminins jouent un rôle important : « Quand nous vacillons, d’autres femmes sont présentes pour nous soutenir, jusqu’à ce que le tour d’une autre’arrive à affronter des défis similaires, favorisant ainsi la réussite collective. »