La série de romans pour enfants « Les Hardy Boys » met en scène les aventures de deux frères adolescents, Frank et Joe Hardy, qui jouent les détectives amateurs. Ils se retrouvent régulièrement à élucider des crimes et résoudre des mystères, souvent face à des adultes complètement dépassés par les événements. Cette série, imaginée dans les années 1920 par Edward Stratemeyer pour sa maison d’édition, le Stratemeyer Syndicate, a fait ses débuts avec « Le Trésor de la tour », écrit par Leslie MacFarlane sous le pseudonyme de Franklin W. Dixon. Ce premier ouvrage a été publié en 1927, et MacFarlane en signera un total de seize. Par la suite, d’autres auteurs fantômes ont pris le relais, et en 1979, la série comptait 58 titres réalisés par 17 écrivains différents, tous sous le nom de Franklin W. Dixon.

Malgré leur ton apparemment innocent et leur nature « familiale », ces ouvrages de la culture populaire américaine ont été plusieurs fois placés sur des listes de livres interdits, suscitant des débats quant à leur contenu et leur influence. Une des causes principales de cette censure s’explique par le mépris et les objections morales de certains responsables de l’éducation et des bibliothèques envers ce que l’on appelait alors les « séries » destinées aux jeunes lecteurs. Selon les bibliothèques universitaires du Maryland, certaines bibliothèques publiques refusaient même d’acheter ces « livres-séries », les associant à une littérature dite « populaire à bas prix », comparable aux romans de gare, aux journaux à feuilleton ou aux magazines pulp destinés aux adultes.
Par ailleurs, la série a eu son lot de détracteurs, parmi lesquels Franklin K. Mathiews, bibliothécaire en chef pour les Boy Scouts of America. En 1914, il menait une campagne virulente contre les publications du Stratemeyer Syndicate. Dans un article dramatique paru dans le magazine Outlook, il dénonçait les ravages supposés causés chez les jeunes lecteurs, allant jusqu’à proclamer : « J’aimerais pouvoir étiqueter chacun de ces livres : ‘Explosif ! Garantie d’arracher le cerveau de votre garçon.’ » Avec le développement de la télévision à partir du milieu du XXe siècle, l’intérêt pour la lecture de loisir a diminué, mais paradoxalement, les bibliothèques ont commencé à augmenter leurs collections de séries comme celle des Hardy Boys.

Outre leur réputation littéraire mitigée, une autre critique majeure portait sur le contenu même des histoires. Les séries des Hardy Boys et sa cousine, celle de Nancy Drew, éditées par la même maison, ont été pointées du doigt pour leur racisme et leurs préjugés « insidieux ». L’auteur Melanie Rehak souligne dans son ouvrage Girl Sleuth: Nancy Drew and the Women Who Created Her que, avec l’essor du mouvement des droits civiques, la maison d’édition a reçu de nombreuses lettres de protestation exprimant un véritable mécontentement face aux stéréotypes véhiculés par ces livres. Une mère, après que son enfant ait dû faire un exposé sur l’ouvrage The Hidden Harbor Mystery, expliquait ne pas imaginer que ce type de littérature perpétuait encore des peurs liées à des émeutes raciales des années 1930.
