Thierry Ardisson, l’intervieweur iconique de la télévision française

par Olivier
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Thierry Ardisson, l'intervieweur iconique de la télévision française
France

Portrait de Fabien Randanne Thierry Ardisson, décédé ce lundi à l’âge de 76 ans, a marqué la télévision française par son style d’interview unique et provocateur. « Un bon intervieweur, c’est quelqu’un qui, quand il était petit, aimait bien arracher les ailes des mouches », aimait-il plaisanter. Il expliquait d’ailleurs : « Il faut être un peu sadique. Si vous êtes trop sympa, ça ne marche pas. Il faut avoir envie de titiller, de faire mal, d’appuyer là où ça ne fait pas du bien, sinon, ça ne sert à rien de faire ce job. »

Thierry Ardisson imposait sa patte dès sa première émission, Descente de police (1985, TF1), où il plaçait ses invités dans une ambiance de commissariat et d’interrogatoire, loin de la complaisance conventionnelle. Il fut rapidement reconnu pour son style mêlant agressivité, sous-entendus peu subtils, sensationnalisme et traits d’humour grinçant. Ce style a souvent été imité et parodié, notamment par Les Inconnus avec leur pastiche Trouble Jeu, parodie de son émission Double Jeu diffusée sur La Deux au début des années 1990.

La règle d’or : ne jamais se lier avec les invités

Thierry Ardisson affirmait ne jamais déroger à une règle fondamentale : ne jamais devenir ami avec ses invités. « Quand vous devenez copain avec elles, vous ne pouvez pas les interviewer. J’ai passé toute ma vie à ne pas bouffer avec eux pour garder ma liberté de parole. » Pourtant, en 2003, il lança 93, Faubourg Saint-Honoré, où il invitait chez lui des personnalités à dîner, une expérience qu’il n’avait jamais tentée auparavant ni réitérée ensuite.

Il critiquait la télévision actuelle qu’il comparait à « de la radio filmée », soulignant son propre sens du décor, de la mise en scène et du casting. Parmi ses réussites, l’émission Tout le monde en parle, diffusée de 1998 à 2006 sur France 2, où mélanger des figures aussi opposées qu’un archevêque et une prostituée devenait une marque de fabrique. Ardisson n’hésitait pas non plus à offrir de l’alcool à volonté dans les coulisses, avec la garantie que tout pouvait arriver : comme cet échange délicat où il demanda à Michel Rocard si « sucer, c’est tromper », ou encore l’invitation controversée de Thierry Meyssan pour exposer sa théorie du complot sur le 11-Septembre.

« L’humour-humiliation » et ses détracteurs

Ce style ne faisait pas l’unanimité. Plusieurs personnalités l’ont critiqué vivement. L’an dernier, la chanteuse Lio déclarait : « Thierry Ardisson est un manipulateur, que je ne respecte pas », dénonçant particulièrement la façon dont il traita certains sujets sensibles, notamment lors d’une séquence douloureuse sur la mort de Marie Trintignant. De même, en 2024, Christine Angot s’indignait de la remise de la Légion d’honneur à l’animateur, rappelant la dimension « d’humour-humiliation » qui caractérisait souvent ses interventions.

Laurent Baffie, célèbre pour ses réparties acérées dans l’émission, a lui aussi reconnu avoir dépassé les bornes. En avril, il confessa avoir honte de certaines vannes du passé, notamment celles dirigées envers des chanteuses, qualifiées de « proies faibles ». Ardisson répondit alors avec véhémence, rappelant à Baffie qu’il gagnait alors une importante rémunération et dénonçant les accusations de sexisme qu’il trouvait injustifiées.

Une évolution et une postérité envisagée

Au fil du temps, Thierry Ardisson s’était adouci, notamment grâce à sa compagne Audrey Crespo-Mara qui l’a aidé à abandonner ses vannes sexistes. Il reconnaissait avoir beaucoup changé : « Je ne me force pas à être moins macho, ça me semble naturel. »

Son dernier projet, Hôtel du Temps (2022, France Télévisions), gardait cependant une dimension subversive, utilisant l’intelligence artificielle pour faire revivre virtuellement des célébrités disparues et les interviewer, donnant l’illusion de transcender la mort.

Anticipant sa postérité, il avait lancé en 2020, en collaboration avec l’Institut national de l’audiovisuel, une chaîne YouTube intitulée INA Arditube, compilant et recontextualisant ses interviews les plus marquantes afin que sa voix continue de circuler et d’être discutée.

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