Un roman de gare désormais sur du papier bible : Sherlock Holmes est le premier détective entré en mai dans la plus prestigieuse des collections littéraires françaises, La Pléiade. Réunis, tous les récits « possèdent une qualité de ton, une épaisseur mythologique et une ouverture au champ de l’imaginaire qui vont s’amplifiant au fil des relectures », écrit Alain Morvan dans la préface de ces deux somptueux volumes.
Cette richesse narrative stimule l’imagination des scénaristes. Dès 2010, la série Sherlock a réinventé les aventures du célèbre détective dans un Londres contemporain, incarné par Benedict Cumberbatch. De 2012 à 2019, Elementary a transplanté le fin limier à New York avec Jonny Lee Miller, et opéré un gender swap pour le rôle de Watson, interprété par Lucy Liu.
Le locataire du 221B Baker Street s’est invité en juin au Festival de Télévision de Monte‑Carlo avec deux nouvelles séries : Sherlock & Daughter et Watson. Comment ces projets revisitent-ils le mythe ? Pourquoi Sherlock Holmes fascine‑t‑il toujours autant les créateurs de fiction ?
Un « Watson » à la sauce « Dr House »
Avec Watson, disponible depuis lundi sur Paramount+, Hollywood reprend l’univers créé par Sir Arthur Conan Doyle pour le tordre et le renouveler. « Dans cette version, c’est Watson qui endosse le rôle de Sherlock Holmes », plaisante Morris Chestnut, qui tient le rôle‑titre.
La série, créée par Craig Sweeny, se déroule un an après la mort de Sherlock Holmes aux mains de son pire ennemi, Moriarty, et transpose l’action à Pittsburgh, aux États‑Unis, de nos jours. « Watson doit faire face à sa vie après Sherlock », souligne Morris Chestnut, également producteur exécutif.
Devenu médecin à la tête d’une clinique, Watson applique les méthodes de déduction et d’investigation héritées du détective disparu pour résoudre des cas médicaux complexes à la manière de Dr House, entouré d’une équipe de jeunes médecins brillants. Il ne s’agit plus de résoudre un crime, mais de sauver des vies : « Il est médecin, mais nous devions rendre hommage à Sherlock Holmes, qui était détective. Nous ne nous contentons pas de résoudre les cas médicaux à l’intérieur de l’hôpital. Nous sortons pour recueillir des indices », explique l’acteur.
La vie de Watson se complique lorsqu’il comprend que Moriarty, que l’on croyait mort avec Sherlock, pourrait être bien vivant. Débute alors une bataille d’esprits à la manière des romans, alors que l’ombre de Sherlock plane toujours : « Il est possible que vous voyiez Watson et Sherlock faire équipe dans la série », sourit Morris Chestnut.
Pour l’acteur, les récits de Conan Doyle offrent un terrain de jeu inépuisable : « Les histoires de Sherlock Holmes sont toujours aussi attrayantes parce qu’elles sont riches en intrigues et en personnages. Ces histoires peuvent prendre tellement de directions différentes. Vous pouvez explorer tellement de pistes différentes avec tous ces personnages riches. C’est pourquoi nous pouvons faire autant d’itérations tout en restant intéressants et captivants. L’histoire originale est tellement riche ! »
« Sherlock & Daughter » dévoile un Sherlock père
Après l’apparition d’une sœur dans Enola Holmes sur Netflix, Sherlock revient cette fois avec une fille présumée dans Sherlock & Daughter, une série encore inédite en France. « L’essentiel réside dans le fait que Sherlock Holmes est un personnage dépourvu d’émotions. Nous nous sommes donc demandé : qu’est‑ce qui fait de Sherlock, Sherlock ? Est‑il né comme un cerveau dans un bocal, dépourvu d’émotions, ou a‑t‑il vécu quelque chose qui a terriblement mal tourné et passé le reste de sa vie à se dire : “Maintenant, tenons‑nous en à la logique, jusqu’à ce qu’on frappe à la porte” », explique Brendan Foley, créateur de la série.
L’action revient aux sources, à Londres en 1895. « Les versions modernes sont géniales. Avec le showrunner, nous sommes amateurs des histoires originales. Nous voulions rester fidèles à ce personnage, donc fidèles à l’époque. On ne peut répéter indéfiniment la même chose. On espère que cela plaira au public plus âgé, et on a ajouté un personnage plus jeune pour le public plus jeune », précise le scénariste.
David Thewlis incarne le fin limier. Alors qu’il patauge sur une affaire, il va recevoir l’aide inattendue d’Amelia (Blu Hunt), une Américaine qui prétend être sa fille. « Les relations père‑fille sont très intéressantes, mais très peu exploitées alors qu’on peut citer probablement une dizaine de séries sur les relations mère‑fille ou père‑fils », note Brendan Foley.
Malgré des origines et des tempéraments opposés, Amelia s’impose vite comme une alliée indispensable. « J’aimais l’idée du poisson hors de l’eau. Amelia vient d’un autre pays, d’une culture différente. Elle débarque à Londres dans les années 1890 et fait face à beaucoup de racisme, et ce que nous appellerions du sexisme, qui à l’époque était simplement considéré comme normal », ajoute le scénariste.
Ce duo improbable devra déjouer un complot international, élucider le mystère entourant la mort de la mère d’Amelia et découvrir si la jeune prodige est réellement la fille du légendaire Sherlock. « Sherlock suscite un énorme intérêt. Il s’agit d’une histoire que tout le monde connaît et qui intéresse tout le monde, parce que Sherlock voit des choses que les autres ne voient pas et parce qu’on sait qu’il y aura un mystère à résoudre », estime la scénariste Shelly Goldstein.
« Sherlock continue de fasciner. Lorsque nous avons lancé le projet sur le marché, nous avons immédiatement constaté qu’il suscitait un engouement et un intérêt immédiats. Mais c’est une arme à double tranchant. Dès que vous prononcez le mot “Sherlock”, vous captez l’attention du public… mais celui‑ci est vraiment prêt à vous critiquer si vous n’avez pas bien fait les choses ! »
