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On associe souvent le tournant musical à un album, mais certaines chansons marquent aussi le paysage sonore. Les années 1970 ont été une période particulièrement fertile et variée, où l’essor du folk rock, du hard rock, du rock d’arène, du punk et d’autres mouvements a permis à la musique d’évoluer de manière spectaculaire. Voici quatre titres emblématiques des années 70 qui ont laissé une empreinte durable sur la musique.
Led Zeppelin — Stairway to Heaven
Led Zeppelin a opéré une mutation avec son quatrième album, publié en 1971, sans titre officiel. Leur son puissant et blues influencé s’est adouci pour laisser place à des passages folk, des ballades et des expériences sonores, et Stairway to Heaven réunit toutes ces tendances. Jimmy Page recherchait une pièce d’envergure épique, travaillant le morceau des mois durant avant que Robert Plant n’apporte des paroles cryptiques et poétiques. Long et énigmatique, le morceau s’éloignait profondément du rock simple des années 1950 et du rock psychédélique de la fin des années 60.
Bien qu’il n’ait pas été publié à l’origine en single — Led Zeppelin détestait sortir des singles — Stairway to Heaven demeure une révolution en une seule chanson. Critiquement saluée comme l’une des plus grandes chansons de tous les temps, elle a mis en lumière le versant plus doux du hard rock et du rock d’arène lorsque ces styles gagnaient en popularité. C’est l’un des premiers et des plus fondamentaux titres de rock à plusieurs sections, définissant le son du rock des années 70. Parmi les chansons qui ont bénéficié de l’élan laissé par Stairway, on peut citer Layla de Derek and the Dominos, Bohemian Rhapsody de Queen et Free Bird de Lynyrd Skynyrd. La trace de Stairway continue de résonner sur les radios rock classiques.
George Harrison — My Sweet Lord
Juste après la rupture des Beatles en 1970, George Harrison a dominé le classement des albums avec All Things Must Pass. Le premier single extrait du triple album ambitieux, My Sweet Lord, exprimait le désir sincère et personnel de se rapprocher d’une puissance supérieure. Le morceau fut aussi au cœur d’un procès: Bright Tunes affirmait que sa mélodie ressemblait à celle de He’s So Fine des Chiffons. Harrison a été reconnu coupable de contrefaçon, et condamné à payer Bright Tunes 1,6 million de dollars.
Harrison n’a pas publié énormément de musique durant la majeure partie des années 70. « C’est difficile de recommencer à écrire après ce que vous avez traversé », a-t-il confié à Rolling Stone en 1979. « Même aujourd’hui, lorsque j’allume la radio, chaque morceau me semble évoquer autre chose. » Cette affaire a eu un effet durable: elle a introduit l’idée que les musiciens pouvaient être poursuivis pour emprunts à des morceaux préexistants, même sans intention. Des cas similaires ont été évoqués plus tard, notamment l’accusation que Led Zeppelin aurait emprunté des éléments de Stairway to Heaven au Spirit’s Taurus, et le cas de Michael Bolton qui puise dans Love Is a Wonderful Thing des Isley Brothers pour son titre éponyme.
Sugarhill Gang — Rapper’s Delight
Le rap s’épanouissait dans les années 70 lors des fêtes de quartier du Bronx. En 1979, Sylvia Robinson, directrice d’All Platinum Records, puis plus tard Sugar Hill Records, cherchait désespérément un tube qui sauverait l’entreprise, et après une prestation dans un club de Harlem en 1979, elle eut l’idée de sortir un single rap. Elle réunit Wonder Mike, Master Gee et Big Bank Hank pour former le Sugarhill Gang et leur faire enregistrer Rapper’s Delight, une longue suite de récits démontrant leur dexterité lyrique. L’accompagnement musical empruntait le riff de Good Times, le hit disco de Chic, repris en boucle par Chip Shearin, un musicien de session. L’usage n’était pas autorisé, mais les parties se sont resserrées et Chic a obtenu le crédit de co-auteur.
Rapper’s Delight n’était pas le premier morceau rap, mais il fut le premier à devenir un single à succès: il atteignit le Top 40 du palmarès pop et la 4e place du classement R&B. Ce titre marque la naissance du rap ou du hip-hop en tant que phénomène culturel grand public, qui allait continuer à croître et à dominer la musique populaire américaine.
Kraftwerk — Autobahn
En 1975, la radio et les charts pop étaient dominés par le soft rock. Dans ce paysage, une chanson qui s’éloignait de ce courant a trouvé un écho fort et influent. La version single de trois minutes d’Autobahn, raccourcie de l’enregistrement original de 22 minutes de l’album, est presque entièrement instrumentale, à l’exception d’un refrain en allemand. La musique elle-même est étrange, futuriste et captivante, et cherchait à traduire sur le plan musical l’idée de la conduite sur l’autoroute allemande. Autobahn a atteint la 25e place du palmarès pop américain et la 43e sur le palmarès soft rock.
Kraftwerk peut être vu comme un groupe à un seul tube, mais son impact est majeur. Dans Autobahn et dans leurs autres travaux, il a ouvert les perspectives de la musique électronique, démontrant que les synthétiseurs et outils numériques pouvaient produire une grande variété de sons. Sans Kraftwerk pour ouvrir la voie, il est possible que le rock progressif centré sur les claviers, la disco, la musique industrielle ou le synth-pop des années 80 n’auraient pas pris forme.
En somme, ces morceaux des années 70 ont servi de points de bascule, modelant des genres et notre perception de la musique pour les décennies à venir.
