Sommaire
Fiche d’identité
- Dans Classe moyenne, deux familles s’affrontent dans une magnifique villa tandis qu’un futur avocat compte les points.
- Patrons et domestique s’enferrent dans un combat réjouissant entre leurs droits et leurs devoirs réciproques.
- Laure Calamy, Élodie Bouchez, Laurent Lafitte et Ramzy Bédia prennent joyeusement part à cette comédie décapante.
Une comédie grinçante
Que voilà une comédie grinçante à souhait. Classe moyenne, film d’Antony Cordier découvert à la Quinzaine des cinéastes, confronte deux familles dans le décor de rêve d’une superbe villa. Les patrons — incarnés par Laurent Lafitte, Élodie Bouchez et Noée Abita — et les domestiques — joués par Ramzy Bédia, Laure Calamy et Mahia Zrouki — voient leurs rapports se dégrader à vitesse grand V. Entre les deux camps, un jeune aspirant avocat, campé par Sami Outalbali, tente de tempérer les passions.
« Le titre est un jeu de mots qui évoque à la fois classe sociale et le fait que les protagonistes ne se conduisent pas vraiment de façon très honorable », explique Antony Cordier. Le réalisateur, déjà auteur de Gaspard va au mariage, continue à décrire des familles dysfonctionnelles françaises avec un humour grinçant qu’il maîtrise à la perfection dans cette fantaisie à la méchanceté revigorante.
Une classe de rêve
« La classe moyenne pour moi, c’est la classe rêvée, insiste le cinéaste. Celle qui détient d’argent pour s’offrir les choses qu’on souhaite, sans pour autant exploiter les autres. Je pense que c’est ce que veulent bien des gens : un toit sur la tête, de quoi manger et une forêt pas loin pour pouvoir se promener. »
La famille du couple joué par Laurent Lafitte et Élodie Bouchez est nettement plus aisée que cette description. Le père est avocat d’affaires et la mère une actrice vieillissante qui cherche à faire reconnaître son talent ; ils sont riches au point d’offrir un téléphone dernier cri à la fille de leurs employés. Ces derniers prennent ce geste comme une nouvelle humiliation.
« Je n’ai pas voulu tomber dans la caricature des riches, déclare le réalisateur. Lui est un homme de son temps. Il se montre odieux mais fait la cuisine. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est déconstruit mais ce n’est pas un beauf total. » Les gags autour de ses « petits farcis » provençaux se révèlent tordants tant ils dévoilent cet homme imbuvable.
Transfuge de classe
Le gardien et sa famille en ont plus qu’assez d’être malmenés par des employeurs passant d’une gentillesse condescendante à des insultes inacceptables. Le ton monte, les tensions aussi : la villégiature se transforme en bataille rangée. La rancœur qui se développe entre les deux camps puise dans des ressentiments profonds.
« Je suis issu d’un milieu modeste, confie Antony Cordier. Je comprends le point de vue de chaque protagoniste comme le fait d’être un transfuge de classe à l’image de l’étudiant en droit. » Ce dernier essaie de ménager les deux partis au risque de se mettre en danger par excès de naïveté. Il n’est pas évident de jouer les messagers quand on cherche à rester populaire des deux côtés.
« Il comprend aussi bien le langage des prolos que celui des riches dont il rêve de faire partie, dit le cinéaste. C’est un gars qui a la prétention d’être bilingue ce qui le place dans une situation inconfortable. » On est très loin d’un monde binaire ; Antony Cordier se montre plus subtil pour confronter les forces en présence.
Plus « Splendid » que « Nul »
Il y avait longtemps que le cinéma français n’avait pas livré une comédie de mœurs aussi vacharde, à la fois hilarante et militante. « Je crois que la mode est un peu passée avec l’avènement de groupes comiques comme Les Nuls et les Robins des bois dont l’humour était davantage basé sur l’absurde que sur la satire sociale », analyse Antony Cordier. Il se sent pour sa part plus proche de l’esprit du Splendid.
« J’aime l’idée d’un rire féroce qui prend en compte le monde qui nous entoure sans ménager personne, » martèle le réalisateur. Il pratique ce qu’il prêche. « Il y a quelque chose d’effroyable dans ce monde, c’est que tout le monde a ses raisons », écrivait Jean Renoir dans La Règle du jeu. Antony Cordier illustre cette maxime avec talent dans Classe moyenne.
