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Jeanne d’Arc dans le film de Robert Bresson (1962), l’académicienne et éphémère actrice Florence Delay, décédée mardi 1er juillet 2025 à 84 ans, a exprimé dans ses livres une passion jamais démentie pour l’amour courtois, le théâtre et l’Espagne.
Une romancière souvent honorée
Fille de l’académicien Jean Delay, elle fut, en 2000, la quatrième femme à être admise au sein de l’Académie Française, après Marguerite Yourcenar, Jacqueline de Romilly et Hélène Carrère d’Encausse.
Florence Delay a été jurée du prix Femina (1978-1982), membre du comité de lecture de Gallimard (1979-1987), membre du conseil de rédaction de la revue Critique (1978-1995), chroniqueuse dramatique de La Nouvelle Revue française (1978-1985) et membre du comité de lecture de la Comédie-Française (2002-2006).
Passion espagnole
Née à Paris le 19 mars 1941, elle se prit de passion, alors étudiante, pour Federico Garcia Lorca, obtint l’agrégation d’espagnol et s’orienta vers la littérature générale et comparée qu’elle enseigna à la Sorbonne.
Sa passion pour l’espagnol venait de vacances passées, enfant, à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), chez son grand-père Maurice Delay, chirurgien et homme politique qui fut maire de cette ville de 1947 à 1958.
L’écran avant la plume
« Je voulais faire du théâtre […] mais mon père m’a mis un marché en mains : si je choisissais l’agrégation d’espagnol, tradition familiale, il m’offrait un studio. Très bonne décision au fond, car j’ai pu exercer un métier magnifique, l’enseignement. Je remercie mon père », a-t-elle confié.
C’est grâce au cinéma qu’elle fit d’abord parler d’elle : Robert Bresson la rencontra et fut séduit par son visage lumineux au regard clair, auréolé de blondeur, jusqu’à lui donner le rôle-titre dans son film Le procès de Jeanne d’Arc.
« Florence Delay a cette grâce intemporelle, une féminité légère, vibrante, une spontanéité juvénile […] qui sont autant de nuances perceptibles dans les fulgurantes répliques du Procès », a écrit la presse à propos de son jeu. On la verra ensuite dans une poignée de films, dirigée par Chris Marker, Benoît Jacquot ou Michel Deville.
Des prix comme s’il en pleuvait
Elle publie son premier roman, Minuit sur les jeux, en 1973, évoquant un thème, l’amour courtois, qui allait devenir un leitmotiv de ses ouvrages.
Elle obtint le prix Femina en 1983 pour Riche et légère, le prix François Mauriac en 1990 pour Etxemendi, le grand prix du roman de la Ville de Paris en 1999 ainsi que le prix de l’Essai de l’Académie Française pour Dit Nerval, hommage indirect à son père, écrivain et grand psychiatre, fervent lecteur de Gérard de Nerval.
Membre correspondant en France de la Real Academia Española, équivalent espagnol de l’Académie Française, Florence Delay a traduit des textes, entre autres, de Lorca, José Bergamin ou Ramon Gomez de la Serna.
Sur les planches
Elle fut stagiaire de Jean Vilar au Festival d’Avignon et assistante de Georges Wilson au Théâtre National Populaire au début des années 1960. Pour la scène, elle traduisit notamment La Célestine, de Fernando de Rojas, mise en scène par Antoine Vitez en 1989. Elle composa, avec le poète Jacques Roubaud, un cycle de dix pièces intitulé Graal théâtre, parues entre 1977 et 2005.
Son dernier essai original paru, Il n’y a pas de cheval sur le chemin de Damas (2021, Seuil), est une plongée dans l’imagerie chrétienne et littéraire.
Mariée au producteur Maurice Bernart, elle était la sœur de Claude Delay, psychanalyste et auteure de romans et de biographies, notamment sur Coco Chanel, la poétesse russe Marina Tsvetaïeva ou les frères Alberto et Diego Giacometti.
