Empathie : Une série qui décomplexe l’hôpital psychiatrique

par Olivier
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Empathie : Une série qui décomplexe l'hôpital psychiatrique
Québec, France
  • La série Empathie suit deux antihéros en vrac, la psychiatre Suzanne et l’agent d’intervention Mortimer, évoluant dans un service de psychiatrie d’un hôpital carcéral québécois.
  • Prix du public à Séries Mania, la série est sur toutes les lèvres depuis son lancement sur Canal+ le 1er septembre.
  • Au Festival de la Fiction de La Rochelle, les deux stars de cette dramédie — la québécoise Florence Longpré, également créatrice de la série, et le français Thomas Ngijol — se sont prêtées à une interview sur Empathie, disponible sur MyCanal.

Un uppercut émotionnel à ne rater sous aucun prétexte ! Qui aurait imaginé qu’une histoire centrée sur deux antihéros en vrac, évoluant dans un service de psychiatrie d’un hôpital carcéral québécois, deviendrait la série feel good de la rentrée ?

Au Festival de la Fiction de La Rochelle, les deux interprètes de cette dramédie complètement barrée et pleine d’humanité — Florence Longpré, créatrice et interprète principale, et Thomas Ngijol — ont évoqué la genèse de la série Empathie et leur approche des personnages.

Cette série est née parce que le manque d’empathie des sociopathes, sur lequel vous vouliez initialement travailler, était incompatible avec votre désir d’empathie dans une fiction ?

Florence Longpré : Ce qui m’intéresse dans l’écriture, dans la création, c’est la rencontre de l’autre, l’existence humaine, les émotions, l’humour… Et mon personnage principal n’en avait pas du tout, c’était vraiment plat ! Mais, je m’étais quand même déjà incrustée dans le bain de la psyché humaine. Ça fait que cette mauvaise idée m’a donné ma vraie idée.

L’empathie est une qualité essentielle pour être un acteur ou un scénariste ?

Thomas Ngijol : Oui, pour être un bon acteur. Le jeu, c’est l’écoute et se mettre à la place de l’autre. Notre métier d’acteur, c’est de reproduire la vie. Si on fait preuve d’empathie envers son partenaire, il se passe quelque chose. Quand on est un peu ébloui par des partenaires de jeu, c’est parce qu’il s’est passé cette sorte d’échange empathique.

Florence Longpré : Il en faut aussi envers son personnage, pour jouer un méchant, il faut se mettre à sa place pour le comprendre. Tous les acteurs n’utilisent pas cette méthode-là. Ça dépend. J’utilise beaucoup cela, je n’ai pas envie de souffrir, mais je me mets à la place de.

Vos personnages, Suzanne et Mortimer, ne manquent-ils pas d’empathie envers eux‑mêmes ?

Florence Longpré : Énormément. Ce sont deux solitudes.

Thomas Ngijol : Oui, c’est sûr ! Ils sont un peu bousillés. Je ne dirai pas qu’ils n’ont pas appris à s’aimer, mais ils ont un peu abandonné des choses en route. Les épreuves de la vie… Je pense que c’est en cela que la série nous parle à tous. Il y a toujours un point de notre vie où on est malheureusement passé par cette étape.

Florence Longpré : Des moments où on a manqué d’empathie pour nous-mêmes. Parfois, de la voir dans le regard de l’autre, d’avoir cet échange, ça nous aide pour nous-mêmes, de voir que quelqu’un d’autre comprend notre situation ou est touché par notre situation.

Thomas Ngijol : C’est ce qui les lie très vite ensemble.

La série souligne notre manque d’empathie envers ceux qui souffrent de troubles mentaux ou sont incarcérés…

Florence Longpré : Ce que je voulais faire, c’est dépeindre ce milieu-là. Une partie de mon écriture est instinctive, une autre partie, dirigée par les psychiatres. Je n’avais pas de message, mais je voulais décomplexer l’hôpital psychiatrique, ça, c’est sûr. Il reste une image très camisole de force encore dans l’imaginaire collectif.

Avez‑vous choisi Thomas Ngijol comme partenaire parce qu’il avait l’empathie nécessaire pour le rôle ?

Florence Longpré : Il y avait tout pour le rôle ! Sans blague, c’était un bon coup de foudre. Thomas a dit une phrase quand on a fait un test, et moi, dans mon cœur, je savais que c’était lui !

Thomas Ngijol : J’ai assez horreur des castings. J’en fais quasiment plus depuis des années parce que je fais de la scène. Non pas parce que je me considère trop bon, mais parce que ceux qui s’intéressent à moi ont beaucoup de matière. En tout cas, les Français ! Eux, ils viennent d’un peu plus loin. Je me suis pris au jeu avec intérêt et envie. J’avais vu les travaux précédents de Florence Longpré et Guillaume Lonergan et quelques extraits d’Empathie…

Florence Longpré : T’as dit oui sur un feeling !

Thomas Ngijol : C’est vrai, j’ai eu un coup de foudre professionnel. C’est des gens que j’ai tout de suite bien aimés. Forcément, je me suis projeté parce que j’allais passer du temps là‑bas. Et tout s’est aligné.

Si le mot « empathie » est beaucoup utilisé, c’est parce qu’on est dans un monde qui en manque. Avez‑vous fait ce constat en choisissant le titre ?

Florence Longpré : Pour être honnête, à l’écriture, ce n’était pas aussi réfléchi. Il ne faut pas que je m’autoanalyse trop, les symboles, je vais les chercher après. Mais, ce que je trouve complètement fou, c’est que la série s’inscrit tellement dans l’air du temps. Le show est sorti en même temps qu’on commençait à avoir des discours anti‑empathiques de Donald Trump, où il nomme ce mot‑là comme si c’était dangereux. Ce n’est pas un gros contrepoids, la série, mais au moins, ça existe !

Thomas Ngijol : Les témoignages des gens sur les réseaux sociaux sont super sains, ils nous disent que ça fait du bien.

Florence Longpré : Et ça fait du bien de se le faire dire aussi !

Thomas Ngijol : Je savais qu’on faisait quelque chose de qualité, mais j’étais loin de m’imaginer tout cela. Je le dis en homme de scène, quand un spectacle se passe bien, c’est le public qui l’indique. Là, c’est vraiment une sensation totalement différente de celle de la scène, quelque chose de pur, de vrai, de bon. Et de nos jours, c’est précieux.

Et pour vous, à titre personnel, c’était quoi l’empathie avant de travailler sur cette série et maintenant ?

Thomas Ngijol : Bizarrement, j’avais commencé à faire ce travail parce que je suis d’un univers, non pas qui en manque, mais qui camoufle beaucoup trop d’émotions. J’ai grandi dans cet univers‑là. Pour mon dernier spectacle, je ne voulais que les gens sortent en disant : « On a ri », je voulais qu’ils sortent bien. Il y a une sorte d’alignement quand on a parlé du projet. J’étais à un moment où je pouvais vraiment le recevoir. Cela a confirmé un process dans ma tête dans lequel je m’étais un peu lancé. J’étais prêt à endosser ce rôle. Je suis comme ça au fond de moi. J’ai été élevé dans ce monde‑là. Ma mère, désormais retraitée, était infirmière.

Florence Longpré : Le truc qui m’a le plus changée par rapport à ce thème‑là, c’est vraiment au niveau médical. J’ai tellement appris de choses en écrivant cette série‑là. On a tout le temps accès aux grands titres : « Il a tué ses enfants. » C’est très voyeur et pas détaillé, en fait. De comprendre la maladie, de comprendre, sans l’excuser, mais vraiment comprendre que ces gens ont la malchance d’avoir une maladie mentale et qu’elle va les pousser à commettre un crime… Le réveil est brutal quand la réalité revient et que ces gens‑là sont traités. Ça me bouleverse encore. J’ai rencontré des vrais patients qui ont vécu ça. Le personnel soignant m’a aussi profondément marquée et changée. Le dévouement des gens qui travaillent dans le milieu psychiatrique.

Thomas Ngijol : Il y a deux corps de métiers de dévotion, l’enseignement et le soin. Ces métiers doivent être extrêmement valorisés. Ils ne le sont, malheureusement, pas toujours. Et si on donne, on reçoit. Je me souviens du discours qu’a fait le directeur d’hôpital lors du départ à la retraite de ma mère. C’était touchant, elle a donné et elle a reçu et ils en étaient tous témoins.

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