Sommaire
Fiche d’identité
- Des dispositifs nationaux existent pour initier les tout‑petits au plaisir du cinéma pour enfants.
- Des échanges et des analyses aident les enfants à mieux comprendre les images qui leur sont montrées.
- Des manifestations comme « Mon premier festival », qui se déroule du 22 au 28 octobre, prolongent ce travail d’éducation.
Le cinéma ne s’adresse pas qu’aux grands : dès 3 ans, les élèves de maternelle participent à des séances adaptées. Ils découvrent des œuvres comme Kirikou de Michel Ocelot, Les aventures de La Petite taupe ou Le Kid de Charlie Chaplin, dans un cadre pensé pour eux.
Face aux inquiétudes régulières sur l’exposition précoce aux écrans, Sophie Hamon, déléguée générale de l’association Enfance et cinéma, rappelle qu’il faut distinguer les écrans du quotidien et des séances collectives et accompagnées : « il existe une grande différence entre les écrans du quotidien et des séances où les enfants sont accompagnés et où ils ne sont donc pas passifs face aux images qu’on leur montre ». L’association organise notamment Mon premier festival, qui met en pratique ce principe.
Des programmes soigneusement sélectionnés
Initier les plus jeunes au cinéma pour enfants commence par un choix rigoureux des films, suivi systématiquement d’échanges. Margaux Leroux, responsable jeune public dans une salle de Chilly‑Mazarin (91), souligne que « les écrans de cinéma ne sont pas cités dans l’arrêté ministériel qui encadre l’usage des écrans à l’école. Car nous ne laissons pas les enfants seuls devant l’écran ».
Pour Enfance et cinéma, cette approche collective est essentielle : « Au cinéma, on est dans le collectif, dans le partage », explique Sophie Hamon. Regarder ensemble, dans le noir, vivre des émotions et rester concentré sont autant d’apprentissages. Après la projection, les enfants sont encouragés à s’exprimer immédiatement ou lors d’ateliers ultérieurs. Ce dispositif est appliqué depuis vingt ans et se retrouve au cœur de la 21e édition de Mon premier festival, qui se tiendra du 22 au 28 octobre au Forum des Images à Paris.
Les éducateurs prennent en compte la brièveté de l’attention des tout‑petits. « Un enfant de 4 ans a vingt minutes d’attention par jour non cumulées », explique Sara, enseignante en région parisienne : cela se traduit par des périodes très courtes d’écoute et d’attention. D’où la sélection de bouquets de courts métrages spécialement pensés pour les classes maternelles. L’objectif n’est pas d’occuper les enfants, mais de mener un réel travail pédagogique. Beaucoup d’élèves sont certes exposés à de nombreuses images, mais sans accompagnement : « Je suis souvent sidérée de voir à quoi mes élèves ont déjà été exposés sans la moindre explication, un vrai gloubi‑boulga d’images. Travailler sur ce qu’ils ont vu et compris est très important. »
Des discussions passionnantes
Après la projection, des temps de parole permettent aux enfants de formuler leurs impressions. Camille Lacôte, animatrice en philosophie pour enfants, accompagne ces échanges : « Mon rôle est de distribuer la parole, de les pousser à la réflexion sur des thèmes qui peuvent les faire réfléchir. Ce sont eux qui travaillent mais je leur donne un petit coup de pouce. »
Un court métrage comme Beurk !, d’Hugo Glavier, Marcel Barelli et Anna Lund Konnerup — césarisé en 2025 —, a servi de point de départ pour évoquer la différence entre amour et amitié : aime‑t‑on de la même façon ses parents, un ami ou un amoureux ? D’autres thématiques — solidarité, différence, vivre ensemble — nourrissent des discussions approfondies.
Les projections ont lieu en classe mais aussi en dehors du temps scolaire, parfois en présence des parents. « C’est passionnant de participer avec ma fille Léa », raconte Frédéric : « Elle a cinq ans et elle adore déjà commenter les films. C’est un bon moment de partage car il est aussi intéressant d’entendre les réactions des autres enfants. »
Ces séances offrent parfois des moments cocasses. Camille Lacôte se souvient d’une discussion sur l’amitié et l’amour où une fillette a évoqué les « aventures » de son père, présent dans la salle : « Le monsieur a été un peu gêné puis il a fini par en rire. » Ces rencontres intergénérationnelles permettent aux parents de découvrir les réflexions de leurs enfants et de repartir avec des idées pour poursuivre le dialogue à la maison.
Le bonheur de se rendre dans une salle obscure
Le dispositif est largement déployé : 60 % des élèves parisiens en bénéficient, et l’initiative est accessible sur l’ensemble du territoire. « Certains viennent pour la première fois dans une salle de cinéma », explique Alexis Gonçalves, directeur du Rex à Abbeville, dans la Somme. On leur explique le fonctionnement de la projection et les règles de tenue en salle.
Au‑delà des films, les enfants découvrent la sortie elle‑même : le trajet à pied, le côté festif, la dimension collective d’une séance. « On y va à pied. C’est une vraie sortie. Avec un côté festif. C’est important pour eux », conclut Sarah.
