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« On pense souvent que mon métier consiste à dire “non” tout le temps, » affirme Katherine O’Keefe. « C’est absolument faux. Mon boulot est de dire “oui”, mais de façon à ce que tout le monde soit à l’aise sur les tournages. Je ne mêle jamais de mise en scène. » Invitée aux Deauville Industry Encounters, rencontres professionnelles du Festival de Deauville, cette coordinatrice d’intimité très en vue à Hollywood est venue expliquer en quoi consiste exactement sa mission.
Fiche d’identité
- Katherine O’Keefe est intervenue à Deauville pour une conférence lors des rencontres professionnelles du Festival de Deauville.
- Son rôle dépasse la simple prévention de l’inconfort des acteurs : elle clarifie aussi les limites administratives et légales qui régissent ce qui est permis.
- Elle exerce en tant que coordinatrice d’intimité depuis 2018, à la faveur de l’élan provoqué par le mouvement #MeToo.
Une mauvaise expérience
Katherine raconte que l’idée de ce métier lui est venue après avoir elle‑même subi une agression sans consentement à Hollywood. « Je travaillais sur des contrats quand un producteur est soudain arrivé derrière moi pour me masser à pleines mains devant tout le monde. J’étais sidérée et ne savais pas comment réagir. Personne n’a rien dit. » Ce traumatisme, renforcé par la prise de conscience collective portée par #MeToo, l’a poussée à définir un cadre professionnel pour éviter que d’autres vivent la même chose.
Cinq nuances de sexe
Il a fallu tout inventer. Katherine a commencé par catégoriser les scènes intimes en cinq types : romantiques, un peu sexy, chaudes, coquines, et — dit‑elle en souriant — celles où « le sexe est nul ». Son travail consiste à s’entretenir avec les acteurs et les cinéastes pour s’assurer que chacun partage la même vision avant le tournage. Ce protocole de communication est souvent vécu comme libérateur.
« Les problèmes viennent fréquemment d’un manque de communication : chacun s’était fait sa propre idée de la scène dans son coin. Les faire dialoguer entre eux et avec les techniciens est capital. J’ai vu des tournages où l’on avait oublié de dire au responsable des costumes que les acteurs devaient être en sous‑vêtements. » Face à une méfiance initiale de certains réalisateurs, elle observe qu’ils reconnaissent vite que sa présence facilite le travail et permet à tous de se concentrer sur l’aspect artistique du film.
D’autres responsabilités
Le rôle de la coordinatrice d’intimité ne se limite pas à chorégraphier des scènes sexuelles. « Je prends en charge toutes les scènes potentiellement gênantes », explique Katherine, citant par exemple des séquences où des personnages vont aux toilettes. Elle intervient aussi sur les questions légales : « Je sais jusqu’où on peut aller et je peux prévenir en cas de soucis. Pour donner un exemple tout simple, les sexes des protagonistes ne doivent jamais se toucher. »
Un avenir en demi‑teinte
Si l’évolution politique aux États‑Unis pourrait menacer la consolidation de cette profession, Katherine reste relativement confiante. « Nous avons eu la chance d’être homologués par le Syndicat des acteurs, le SAG, juste avant son élection ; on ne peut donc pas nous supprimer si facilement. » Son objectif suivant est de rendre la présence de coordinateurs d’intimité obligatoire sur tous les tournages. « On y était parvenus avec les référents Covid, » plaisante‑t‑elle. « On devrait bien finir par obtenir la même reconnaissance pour nous. Les actrices et les acteurs nous soutiennent à fond. »
