Le grand succès d’Al Green, Let’s Stay Together, demeure l’un des singles les plus emblématiques de l’année 1971 et une ballade d’amour que beaucoup considèrent comme unique. Mais ces sentiments restent-ils d’actualité ? Une analyse visuelle consacrée à l’amour dans la musique a examiné tous les Top 10 des classements depuis 1958 pour vérifier si la chanson d’amour classique est en train de disparaître. Les chercheurs ont toutefois constaté que le genre est toujours populaire, mais il a évolué, incluant davantage de titres célébrant la liberté sexuelle, l’affirmation de soi et d’autres aspects de l’amour. En somme, si le chagrin et l’exploration des facettes plus complexes des relations ont toujours nourri le contenu de la pop, les thèmes liés à la confiance et à la sensualité occupent désormais une place prépondérante dans la chanson d’amour moderne.
Cette ballade demeure une sérénade — l’une des plus douces et des plus séduisantes jamais enregistrées, et elle célèbre l’amour de manière directe. Aujourd’hui encore, elle n’a pas perdu son pouvoir, malgré les décennies qui passent. Voici comment elle est née et comment elle a propulsé Al Green au rang de superstar du soul.

Le chemin vers Let’s Stay Together
Al Green émergea à la fin des années 1960 comme l’un des chanteurs soul et R&B les plus prometteurs de sa génération. Son parcours n’a pas été sans obstacles: membre d’un groupe gospel familial, les Green Brothers, basé à Grand Rapids dans le Michigan, il a été écarté par son père pour avoir été surpris en train d’écouter Jackie Wilson, l’une des légendes du R&B. Néanmoins, Green a ensuite trouvé sa voie dans le genre qui le passionnait le plus.
Son premier essai en tant que leader, Al Green & The Creations — rebaptisé plus tard Soul Mates — obtient un succès R&B avec le single Back Up Train en 1968, mais les sorties suivantes déçoivent. L’année suivante, Green signe en solo et sort Green Is Blues en 1970; cet album le désigne comme la prochaine grande vedette du soul et confirme son potentiel au cours des deux années qui suivent. Toujours accompagné par Willie Mitchell, vice‑président de Hi Records, il publie fin 1970 l’album Al Green Gets Next To You, qui contient le tube Tired of Being Alone. La chanson Let’s Stay Together paraît l’année suivante.

La naissance d’une légende du soul
Pendant les sessions d’enregistrement de Let’s Stay Together, le producteur perfectionniste Willie Mitchell guida Green pour affiner son style vocal intime, abandonnant peu à peu les tonalités plus dures de ses premiers disques afin que sa voix se mêle plus harmonieusement aux cuivres et aux cordes utilisées avec parcimonie tout au long de l’album.
Selon le livre Soul Survivor: A Biography of Al Green, Green n’est pas immédiatement convaincu par les changements imposés par Mitchell; lors d’une séance, il s’éclipsa du studio pour reprendre son souffle, puis revint et céda aux exigences du producteur. Mais ce n’était pas un processus sans friction: Green écrivit les paroles de la chanson dans le studio en seulement quinze minutes.
Le titre éponyme de son quatrième album solo, Let’s Stay Together, fit ses débuts en décembre 1971. Il monta progressivement jusqu’à atteindre le numéro 1 le 12 février 1972 et y resta pendant neuf semaines, restant le plus grand succès de sa carrière.
Dans les années 1980, Green s’éloigna du soul pour se tourner vers le gospel, en accord avec ses convictions religieuses. Cependant, il revint au genre qui l’a fait connaître dans la décennie suivante, revenant sur les charts avec une reprise de Put a Little Love in Your Heart de Jackie DeShannon, en duo avec Annie Lennox, en 1988. Il continua à sortir de la musique profane jusqu’en 2008 et fut intronisé au Rock & Roll Hall of Fame en 1995.
