Les groupes grunge originaires de Seattle ont connu une série de tragédies, souvent liées à une même constante dans la scène rock des années 1990 : la dépendance aux drogues. Kurt Cobain, figure emblématique de Nirvana, a mis fin à ses jours après une lutte acharnée contre son addiction à l’héroïne. Andrew Wood, leader de Mother Love Bone, est décédé alors que la vague grunge commençait à s’imposer en 1990. Des années plus tard, Chris Cornell de Soundgarden succombait également à ses démons personnels. Alice In Chains, de son côté, porte le sombre héritage de plusieurs pertes, toutes liées à l’ombre de la toxicomanie.
La disparition la plus célèbre du groupe reste celle du chanteur d’origine, Layne Staley, mort à 34 ans en 2002 d’une overdose mélangée de cocaïne et d’héroïne, un « speedball ». Cette perte a marqué la musique grunge et le rock en général presque autant que celle de Cobain. Pourtant, une autre figure du groupe a également péri dans des circonstances similaires, moins médiatisée sans doute à cause de son départ préalable du groupe ou de l’aura écrasante des voix principales dans une formation.
Mike Starr, bassiste originel d’Alice In Chains, est mort tragiquement, et son histoire mérite d’être racontée.
Mike Starr était membre du groupe depuis sa création en 1987 et fut témoin de son ascension fulgurante. Leur album de 1990, Facelift, les propulsa sur le devant de la scène, tandis que Dirt en 1992 cimenta leur statut incontournable du mouvement grunge, avec cinq singles à succès. Cependant, cette période fut aussi marquée par le chaos au sein du groupe.
Selon les chroniques, le problème de drogue de Layne Staley était déjà bien sérieux, causant plusieurs annulations de concerts lors de la tournée de Dirt. Mike Starr lui-même n’était pas épargné. Contrairement à Staley, le groupe ne ferma pas les yeux sur les difficultés de Starr et le renvoya en 1993, en plein milieu de la tournée.
Officiellement, le groupe n’a jamais attribué ce renvoi à la toxicomanie. Selon Staley, Starr aurait été écarté pour une « différence de priorités » : Starr avait envie de rentrer chez lui tandis que le groupe voulait continuer à tourner, comme c’est son métier. Aujourd’hui, avec le recul et la disparition des protagonistes, il est difficile de déterminer la vérité. Toujours est-il qu’il paraît paradoxal que Staley, lui-même en proie à la dépendance, ait pu rejeter un membre pour des raisons similaires.
Le départ d’Alice In Chains ne remit pas Mike Starr sur de bons rails. Moins d’un an après son éviction, il fut arrêté pour vol de bagages dans un aéroport de Houston. Sa lutte contre l’addiction continua, avec un passage remarqué à la troisième saison d’une émission de télé-réalité consacrée à la réhabilitation des célébrités.
Ce séjour à la télévision en 2010 fut bénéfique : le médecin responsable de l’émission souligna dans la presse que la rémission de Starr semblait prometteuse à sa sortie. Pourtant, Starr retourna vivre dans l’Utah, contre l’avis des professionnels, et rejoua dans un nouveau groupe, Days of the New. Le 8 mars 2011, il fut retrouvé mort dans sa résidence de Salt Lake City par son compagnon de scène, Travis Meeks. Après une longue bataille contre ses addictions, sa mort fut attribuée à une overdose de médicaments prescrits.
Le médecin du show a affirmé avoir conseillé Starr de ne pas recourir à un traitement médical classique pour ses douleurs dorsales, redoutant les risques liés aux substances prescrites. Il reprocha aux praticiens leur méconnaissance de l’addiction, qui conduit trop souvent à des prescriptions dangereuses.
Si la responsabilité médicale peut être questionnée, la véritable source du drame reste la maladie qu’est la dépendance, une épreuve terrible que Mike Starr et bien d’autres musiciens du grunge n’ont pas su surmonter.