Divertissement
Si vous êtes amateur de téléréalité, il y a de fortes chances que vous ayez déjà regardé Ink Master. Ce show, centré sur le tatouage, reprend les codes classiques du genre : un défi à relever dans un temps limité, une compétition entre les meilleurs artistes, un animateur célèbre – ici, le guitariste de Jane’s Addiction et passionné de liner, Dave Navarro – et une récompense conséquente de 100 000 dollars, accompagnée d’une publication dans le magazine Inked. Lancée en 2012, la série cumule treize saisons et a donné naissance à trois spin-offs notables, dont Ink Master: Redemption, qui permet à des participants insatisfaits de faire réparer leurs tatouages ratés, et Ink Master: Angels, où un jury exclusivement féminin prend les commandes.
Accompagné des tatoueurs Chris Nuñez et Oliver Peck, et souvent d’invités spéciaux, Navarro parcourt le pays pour dénicher les tatouages les plus impressionnants et les faire découvrir aux téléspectateurs. Cependant, comme dans beaucoup d’émissions « non scénarisées », la réalité telle qu’elle est montrée est bien souvent différente des coulisses. Le montage et la mise en scène contribuent à transformer les vraies interactions en une dramaturgie construite, où la tension et les rivalités sont amplifiées, voire inventées.
Un ancien « toile humaine » a révélé que les participants terminent souvent leurs tatouages plusieurs heures avant que le chronomètre ne sonne, contrairement à la frénésie de dernière minute montrée à l’écran. De plus, la tension et l’hostilité ne seraient que des constructions destinées à maximiser le temps d’antenne, tandis que les juges n’assistent que très rarement aux sessions en direct, se contentant de courtes apparitions pour ensuite condenser leur présence dans le montage final.
Cette mise en scène a aussi ses revers, notamment lorsque certains candidats se retrouvent avec des tatouages loin d’être réussis. Si, dans l’émission, chaque participant doit accepter son œuvre, il n’en reste pas moins douloureux d’hériter d’une erreur indélébile sur la peau. Parmi les pires tatouages recensés, on trouve des détails maladroits – une représentation avec deux pieds droits, un portrait ridiculement détaillé d’une personne âgée, ou encore une faute d’orthographe sur un verset biblique. Certaines créations ont même divisé, soulevant des débats sur leur valeur artistique.
Les controverses n’ont pas manqué au fil des saisons, reflétant parfois des choix audacieux ou maladroits du programme. Par exemple, lors de la troisième saison, les participants furent invités à tatouer des détenus en prison avec des motifs traditionnels à aiguille unique. Heureusement, aucun symbole choquant n’a été réalisé.
L’émission a surtout été critiquée pour son traitement des femmes. Ce n’est qu’à la huitième saison qu’une femme, Ryan Ashley, a remporté la compétition. Le plateau ne leur apparaissait pas non plus toujours comme un espace sécurisé, témoignant d’incidents graves, notamment une plainte pour harcèlement sexuel qui a abouti à un procès après le licenciement de l’employée plaignante. Parmi les épisodes controversés, certains candidats se sont retrouvés entièrement nus, créant des situations inconfortables.
L’affaire la plus marquante impliqua le juge Oliver Peck, qui fut écarté du programme à la suite de la divulgation d’anciennes photos le montrant en blackface, acte lourd de connotations racistes. Son départ brutal contribua à l’arrêt de l’émission en 2020, conjointement à une réorientation des chaînes vers des contenus plus originaux et à une volonté de se distancier de productions jugées problématiques.
Malgré cette fin abrupte, des signaux laissent entrevoir un possible retour du show, notamment via des plateformes de streaming, promettant ainsi de nouvelles saisons où, on l’espère, les tatouages resteront au cœur de la compétition mais avec moins de polémiques et une meilleure prise en compte des divers protagonistes.