L’Histoire Sombre des Chippendales : Entre Arson et Meurtres

par Zoé
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L'Histoire Sombre des Chippendales : Entre Arson et Meurtres
États-Unis

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Danseur posant sur scène chez Chippendales

Les Chippendales se sont imposés comme une véritable institution américaine, au même titre que le jazzercise ou les Oreos frits. Le simple nom évoque instantanément l’image d’hommes huilés, exhibant leurs pectoraux sculptés, portant un nœud papillon et peu d’autres vêtements, déhanchés devant un public de femmes en délire. Cette image est si forte que, plus de quarante ans après sa création, Chippendales demeure une entreprise à plusieurs millions de dollars.

Mais se limiter à cette vision festive, c’est passer à côté d’une histoire bien plus complexe où s’entremêlent l’essor du féminisme, le rêve américain des immigrants et une avidité dévorante. Loin d’être une simple survivance kitsch des années 1970, lorsque fréquenter un club de strip-tease était considéré comme audacieux pour les femmes, Chippendales cache une histoire ténébreuse mêlant incendies criminels, tueurs à gages et décisions commerciales déraisonnables. Tous ces éléments sont nourris par la jalousie, l’insécurité et une soif de pouvoir démesurée.

Le fondateur des Chippendales, un immigrant travailleur

Station-service Mobil en Californie

Les Chippendales sont une création typiquement américaine, mais l’homme à l’origine de cette entreprise est un immigrant venu d’Inde. Selon un reportage de Los Angeles Magazine, Somen « Steve » Banerjee est arrivé aux États-Unis à la recherche du rêve américain. Il a commencé modestement, occupant un poste de concierge avant de gravir les échelons pour devenir propriétaire de plusieurs stations-service Mobil à Los Angeles.

En 1975, Banerjee décide d’élargir son empire commercial. Avec son partenaire Bruce Nahin, il achète une boîte de nuit locale à Los Angeles, qu’ils nomment Destiny II. Banerjee rêvait de posséder un club « chic », un lieu où il pourrait se sentir important et influent.

Cependant, comme le rapporte Eagles Vine, cette aventure ne se déroule pas comme prévu. Le club Destiny II peine à attirer une clientèle suffisante pour être rentable. Pour redresser la situation, Nahin et Banerjee tentent plusieurs stratégies audacieuses :

  • organiser des parties de backgammon,
  • proposer des spectacles dîner-théâtre,
  • introduire des soirées de catch,
  • et même présenter des spectacles de magie.

Malgré tous ces efforts, le club reste en difficulté. Pourtant, Banerjee ne recule pas face aux défis. En dernier recours, ils lancent un spectacle de strip-tease masculin, ce qui propulse immédiatement Destiny II vers un succès inattendu et durable.

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Lorsqu’on cherche des conseils en affaires, il est généralement sage d’éviter les individus à haut risque de basculer dans la violence meurtrière. Pourtant, Steve Banerjee, fondateur des Chippendales, n’a pas suivi cette règle.

Parmi les clients réguliers du club Destiny II, cofondé par Banerjee et Bruce Nahin, se trouvait un personnage trouble nommé Paul Snider, qui se faisait appeler lui-même « le proxénète juif ». Snider a acquis une certaine notoriété grâce à son épouse, Dorothy Stratten, mannequin Playboy. Il a contribué au lancement de sa carrière en photographiant Stratten et en la promouvant comme modèle nue, mais l’a aussi gravement maltraitée avant de la tuer puis de se suicider en 1980.

En 1979, Snider et Stratten ont joué un rôle clé dans la création des Chippendales. C’est Snider qui a suggéré à Banerjee l’idée d’un spectacle exclusivement masculin où les danseurs se déshabillaient, et Stratten a imaginé la tenue iconique composée de nœuds papillon et de manchettes seuls, sans autre vêtement. Cette idée a trouvé un écho parfait au moment du mouvement de libération des femmes et de la diffusion grand public de la culture érotique, avec la sortie en salles de films suggestifs et médiatisés.

Le nom « Chippendales » provient d’un designer de mobilier du XVIIIe siècle, choisi par Banerjee car il évoquait à ses yeux une image de « pure élégance ».

Dorothy Stratten posant pour une photo en 1979

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Chippendales dansent avec des membres du public

En 1979, Los Angeles était déjà une ville d’une diversité culturelle exceptionnelle, chaque quartier célébrant des origines ethniques variées. Ce contexte faisait de la ville une destination idéale pour un immigrant ambitieux comme Steve Banerjee. Pourtant, contre toute attente, lorsqu’il lança le célèbre spectacle masculin Chippendales, la diversité ethnique ne se reflétait pas sur scène.

Selon l’historienne et podcasteuse Natalia Petrzela, citée par un magazine spécialisé, les danseurs engagés aux débuts du club étaient presque exclusivement blancs. Banerjee désirait bâtir un établissement « élégant », et dans son esprit, cette élégance correspondait à un casting entièrement blanc. Ainsi, Chippendales représentait une sorte d’« île blanche » au cœur d’une des agglomérations les plus métissées des États-Unis, avec des danseurs blancs devant un public également majoritairement blanc.

Avec le temps, la renommée de la marque s’est étendue à l’échelle nationale, poussant même à intégrer quelques danseurs noirs — généralement un seul à la fois — pour ne pas altérer la composition essentiellement blanche du groupe principal.

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Danseurs Chippendales

Plus on découvre l’histoire des Chippendales, plus on réalise que Steve Banerjee, son cofondateur, n’était pas exactement un homme d’affaires modèle. Pourtant, son idée d’un spectacle entièrement masculin a propulsé son club au sommet du succès. Chaque soir, des centaines de femmes faisaient la queue, prêtes à payer cher pour admirer sur scène ces danseurs musclés et huilés, comme le relatait le New York Post.

Ce triomphe a naturellement suscité la concurrence, certains établissements locaux tentant de reproduire la recette Chippendales. Face à ces rivaux qui grignotaient son chiffre d’affaires, Banerjee aurait pu chercher à innover ou améliorer son concept. Mais, tel que l’ont rapporté des agences comme l’Associated Press, il a préféré recourir à une méthode radicale : il a engagé des personnes pour incendier au moins deux clubs concurrents, Moody’s Disco à Santa Monica et le Red Onion Restaurant à Marina Del Rey.

Ces tentatives d’incendie criminel furent toutefois infructueuses. Comme l’explique Think Magazine, les établissements rivaux n’ont subi que des dégâts mineurs. Par ailleurs, alors que la renommée des Chippendales grandissait, les imitateurs se multipliaient à travers tout le pays, rendant la stratégie de l’arson inefficace.

Selon le Los Angeles Times, Banerjee semblait initialement échapper aux poursuites liées à ces actes d’incendie, mais il fut finalement inculpé et reconnut sa culpabilité.

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Chippendales dancers posing for photo

Nick De Noia, producteur de télévision accompli, a été engagé par Steve Banerjee en 1981 pour rehausser les chorégraphies et les productions scéniques des Chippendales. Rapidement, il surpassa le fondateur dans tous les domaines.

Selon Los Angeles Magazine, De Noia a imaginé des concepts et costumes innovants qui ont véritablement propulsé le club sous les projecteurs. Parmi ses idées marquantes figuraient des routines inspirées de Frankenstein, de super-héros, ainsi que le fameux « Unknown Flasher » arborant un simple chapeau en papier.

Comme le rapporte The New York Post, De Noia persuada Banerjee de céder certains aspects lucratifs de l’entreprise, ce qui lui permit de gérer une version du club sur la côte Est ainsi qu’une production itinérante, presque en autonomie complète, tout en conservant la majeure partie des profits.

Plus encore, De Noia devint rapidement la figure emblématique des Chippendales. À mesure que la renommée et la valeur de la marque grandissaient, c’était lui que l’on voyait sur des émissions télévisées telles que The Sally Jessy Raphael Show et Donahue. Cette popularité attisa la jalousie de Banerjee, qui estimait que sa contribution en tant que cofondateur était oubliée. Il ressentait aussi que De Noia s’attribuait le mérite de son idée, tandis que les médias le laissaient faire.

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Publicité française pour les Chippendales

Le succès des Chippendales fut immédiat, devenant rapidement un véritable phénomène culturel grâce à son concept novateur. Alors que la sexualité commençait à s’imposer dans la culture populaire et que les femmes cherchaient un espace sûr pour exprimer leurs fantasmes, un club mettant en scène des hommes séduisants, huilés et se déhanchant sur scène fit sensation.

Toutefois, pour dépasser cette vague initiale, Steve Banerjee comprit qu’il devait améliorer la qualité des spectacles. En 1981, il engagea Nick De Noia, un producteur de télévision lauréat d’un Emmy Award, afin de professionnaliser les performances des Chippendales. Dès le départ, les tensions entre Banerjee et De Noia furent palpables, chacun revendiquant la direction du projet.

La jalousie de Banerjee envers De Noia s’intensifia, surtout lorsque ce dernier reçut une reconnaissance publique importante, certains associant même à tort De Noia la fondation du club. La situation dégénéra lorsque De Noia proposa de créer une version des Chippendales sur la côte Est. Sur un simple bout de serviette, il rédigea un accord lui conférant le contrôle total de cette nouvelle entreprise ainsi que 50 % des revenus générés. Banerjee signa, sans réaliser que cet accord octroyait à De Noia un contrôle permanent sur cette branche.

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Danseurs des Chippendales

Steve Banerjee, le fondateur des Chippendales, a aggravé son ressentiment de jalousie et de colère par une gestion désastreuse de ses finances. En effet, sa mauvaise tenue financière fut un facteur clé de ses nombreux ennuis.

Comme le rapporte Le New York Post, les difficultés de Banerjee ont commencé lorsqu’il ne payait tout simplement pas ses impôts. À mesure que ses arriérés s’accumulaient, il enchaînait les erreurs fatales. Par exemple, exploiter la marque Chippendales pour lancer une gamme de produits dérivés était une idée brillante, tout comme la création d’un calendrier sexy mettant en scène les danseurs à demi-nus dans des poses suggestives, qui aurait dû être un succès garanti. Pourtant, Banerjee a géré ce projet de manière catastrophique, produisant un calendrier où chaque mois comptait 31 jours. Cette erreur a engendré un coût de réimpression avoisinant les 70 000 dollars, soit près de 200 000 dollars actuels.

Sa jalousie envers Nick De Noia, son partenaire, a également provoqué de lourdes conséquences. Banerjee avait engagé De Noia pour améliorer les prestations, mais il fut profondément irrité lorsque celui-ci gagna en notoriété à la télévision, salué comme le génie derrière le succès du club. De Noia avait créé une version itinérante du show qui rencontrait un franc succès. Selon Eagles Vine, Banerjee décida alors de lancer une tournée concurrente sur la côte Ouest. Cependant, De Noia le poursuivit en justice car Banerjee lui avait cédé les droits légaux liés à cette idée. Ce procès porta un nouveau coup fatal aux finances déjà fragiles de Banerjee.

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Danseur Chippendales

Face à des désaccords internes, la plupart des professionnels privilégient des solutions légales : procès ou négociations via leurs avocats, un processus long mais qui garantit la sécurité de tous. Steve Banerjee, en revanche, a choisi une voie bien plus radicale lorsqu’il s’estime lésé par Nick De Noia, son partenaire dans l’affaire Chippendales : il engage un tueur à gages.

En 1981, Banerjee recrute De Noia pour rehausser la qualité du spectacle. Fort d’une expérience télévisuelle, celui-ci révolutionne rapidement la mise en scène et la qualité des performances. Mais De Noia manipule Banerjee, le poussant à céder le contrôle d’une des branches les plus lucratives de l’entreprise, et ce de façon permanente. Jaloux de la célébrité publique de De Noia, Banerjee estime être le véritable fondateur méritant l’attention.

Cette jalousie grandissante pousse Banerjee, en 1987, à embaucher Ray Colon pour éliminer De Noia. Colon sous-traite cette mission à Louie, un toxicomane local, qui se fait passer pour un coursier avant d’entrer dans le bureau de De Noia et de lui tirer une balle en plein visage.

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Danseurs Chippendales posant pour des photos

À l’image d’un Michael Corleone maladroit qui tenterait de régler toutes les affaires de la famille, Steve Banerjee ne planifiait pas un, mais deux meurtres en 1987.

En 1979, Banerjee avait acheté avec son associé Bruce Nahin le club qui allait devenir célèbre sous le nom des Chippendales. En 1987, Nahin restait copropriétaire de cette entreprise florissante. Après avoir engagé Nick De Noia pour améliorer la mise en scène des spectacles de strip-tease, Banerjee devint de plus en plus jaloux de la reconnaissance que recevait De Noia. Sa colère grandissait également quand il constatait que De Noia empochait la majeure partie des bénéfices.

Selon un reportage de Los Angeles Magazine, Banerjee finit par engager un tueur à gages pour éliminer De Noia en 1987. Fidèle à sa volonté d’efficacité, il envisagea également de régler deux problèmes d’un coup : il planifiait aussi l’assassinat de Bruce Nahin. L’objectif était clair, s’approprier pleinement l’empire Chippendales en éliminant son partenaire et cofondateur.

Heureusement, le destin joua en faveur de Nahin. D’après l’historienne Genevieve Carlton, Nahin devait se rendre à New York pour une rencontre avec De Noia. Cependant, un imprévu familial l’obligea à modifier ses plans à la dernière minute. Ce changement lui a finalement sauvé la vie, évitant ainsi qu’il ne devienne la victime d’un complot meurtrier.

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Danseurs des Chippendales

Steve Banerjee, propriétaire des Chippendales, a failli échapper à toute condamnation après avoir engagé Ray Colon pour assassiner Nick De Noia en 1987.

Malgré son incompétence aussi bien dans ses affaires que dans ses activités criminelles, Banerjee a presque réussi à faire disparaître toute trace de ce meurtre. L’enquête policière s’est rapidement enlisé : un an après le crime, l’affaire semblait au point mort. Colon, le tueur à gages, avait sous-traité le meurtre à un malfrat local qui s’était fait passer pour un coursier afin de pénétrer dans les bureaux de De Noia.

Personne parmi les employés n’a pu réellement voir le tueur, ce qui n’est guère surprenant puisque le son des coups de feu décourage tout esprit curieux. Le manque de témoins a donc empêché toute avancée notable dans l’enquête.

Sans suspects ni témoins, la police a ensuite tenté d’identifier un mobile, mais n’a jamais réussi à établir un lien concret entre Banerjee, la victime ou une autre personne impliquée.

Au final, en 1988, Banerjee semblait avoir obtenu ce qu’il voulait : Nick De Noia n’était plus un obstacle. Sa famille a vendu ses parts dans les Chippendales à Banerjee pour 1,3 million de dollars, une somme dérisoire, estimée à environ un dixième de la vraie valeur de l’entreprise à l’époque.

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Danseurs Chippendales

En 1988, Steve Banerjee imagine une méthode radicale pour se frayer un chemin vers le succès : éliminer ses concurrents par la violence. Il engage un tueur à gages pour assassiner Nick De Noia, son associé dans l’aventure Chippendales. Étonnamment, malgré l’évidence, les autorités ne parviennent pas à établir un lien direct entre Banerjee et ce meurtre, tandis que la famille de De Noia lui cède ses parts dans l’entreprise à un prix dérisoire.

Fort de cette expérience, Banerjee pense que les assassinats pourraient être un moyen efficace de régler ses problèmes commerciaux. Le succès grandissant des Chippendales attire de nombreux imitateurs. Au début des années 1990, un groupe d’anciens danseurs accompagnés de Read Scot, un ancien maître de cérémonie, créent un spectacle concurrent, baptisé « Adonis : The Men of Hollywood ».

Cette concurrence provoque la colère de Banerjee, qui décide une fois de plus de recourir à la violence. Il engage un tueur surnommé Strawberry, qu’il convainc d’utiliser un poison au cyanure qu’il a lui-même préparé. Mais Strawberry, pris de remords, contacte une connaissance au sein de la Drug Enforcement Agency (DEA), qui le met en relation avec le FBI.

Cette opération d’infiltration permet aux agents fédéraux de rassembler des preuves suffisamment solides pour inculper Banerjee pour tentative de meurtre, incendie criminel et racket. Parmi les éléments accablants figure une conversation enregistrée dans laquelle Banerjee se vante de pouvoir s’enfuir en Inde en cas de problème aux États-Unis.

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Cellule de prison vide

Accusé d’incendie criminel, de tentative de meurtre et d’autres crimes graves, Steve Banerjee, cofondateur des Chippendales, voyait les murs se refermer peu à peu autour de lui. Selon le Los Angeles Times, le FBI avait relevé que Banerjee envisageait de fuir en Inde s’il en avait l’opportunité. Conscient qu’il était sur le point de tout perdre, il élabora une dernière manœuvre astucieuse.

Comme le rapporte The New York Post, il plaida coupable et organisa la transmission de tous ses biens — y compris sa part dans les Chippendales — à son épouse, Irene. Cette dernière entama alors une procédure de divorce et envisagea de revendre la célèbre troupe, ce qui aurait laissé Banerjee sans rien.

Avec le FBI s’opposant à sa libération sous caution, Banerjee perdait toute chance de fuir en Inde pour recréer une nouvelle vie sous un autre nom et, selon Oxygen, le désespoir s’empara de lui.

Le jour précédent son jugement, Banerjee commença un geste tragique : il transforma ses draps en une corde improvisée et mit fin à ses jours dans sa cellule. Les autorités, bien que reconnaissant son état dépressif, n’avaient pas anticipé qu’il passerait à l’acte.

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