L’IA s’invite dans l’industrie musicale avec Velvet Sundown

par Olivier
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L'IA s'invite dans l'industrie musicale avec Velvet Sundown
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Pour l’été 2025, personne ne prévoyait un retour du rock, jusqu’à l’arrivée de The Velvet Sundown. Ce groupe, inconnu au départ, a rapidement séduit un million d’abonnés sur Spotify. Mais l’étonnement vient du fait que rien dans leurs riffs ou mélodies ne semble exceptionnel. En réalité, The Velvet Sundown n’existe pas : tout a été créé par intelligence artificielle, une réalité que le groupe a confirmée récemment.

Cette révélation souligne une tendance croissante : la musique générée par l’intelligence artificielle gagne du terrain. En 2023, un faux duo entre Drake et The Weeknd avait aussi été largement écouté, tandis que Céline Dion avait mis en garde ses fans contre des chansons fabriquées à partir de sa voix via l’IA. Plus récemment, Deezer a annoncé qu’elle allait identifier et signaler les contenus issus de l’IA, une initiative importante puisque près de 20 % des morceaux mis en ligne quotidiennement sur la plateforme sont désormais générés par ces technologies.

L’IA représente presque 20 % du nouveau contenu sur Deezer

Depuis plusieurs années, Deezer travaille sur la reconnaissance automatisée des musiques. Aurélien Hérault, directeur de l’innovation, explique que depuis 2012, des algorithmes sont utilisés pour classifier les titres. Face à l’essor des créations IA, ces systèmes permettent aujourd’hui d’identifier spécifiquement les morceaux générés par intelligence artificielle. Alors qu’en janvier 2025, 10 % des nouveautés provenaient de l’IA, cette part a presque doublé quelques mois plus tard.

Andrew Frelon, expert en sécurité et politiques sur les plateformes web, a lui-même tenté de publier des musiques générées par IA. Anonyme par choix, il s’est même glissé dans l’affaire The Velvet Sundown, usurpant leur identité pour tromper plusieurs journalistes américains. Il décrit une méthode consistant à produire rapidement des albums de « beats chill » avec des outils IA et des visuels créés via Midjourney, puis à acheter des écoutes via des comptes fictifs. Une fois un seuil dépassé, l’algorithme intègre ces morceaux dans des playlists, générant ainsi un trafic organique.

Andrew souligne cependant que ce modèle n’est pas viable sur le long terme, car les revenus générés ne compensent pas les écoutes factices. Il suppose que The Velvet Sundown a utilisé cette technique à plus grande échelle pour atteindre son succès.

Cette méthode est d’une facilité déconcertante. En testant Suno, une IA musicale populaire, il suffit d’un prompt bref et d’une trentaine de secondes pour obtenir deux titres comparables au niveau de production de The Velvet Sundown. Emilie Ruiz, maître de conférences en management de l’innovation, résume parfaitement : « personne n’est à l’abri de sortir un tube ».

« Troller le système » ou arnaquer quelques dollars

Selon Emilie Ruiz, ces technologies auront un impact profond sur l’industrie musicale. L’intelligence artificielle transforme les compétences attendues, où le talent artistique devient aussi une capacité à provoquer le buzz. La qualité musicale importe moins que l’exposition offerte par les algorithmes, qui peuvent propulser des morceaux sans grand engagement du public. La musique tend à devenir un produit de consommation rapide, écouté puis oublié. En plus des mélodies, l’IA influence désormais les pochettes d’album et la communication sur les réseaux sociaux, modifiant ainsi l’ensemble de la chaîne de valeur.

Quant aux motivations des créateurs de musiques IA, Andrew Frelon estime qu’elles sont souvent financières. Il explique que la fraude est très répandue, avec des acteurs réalisant des dizaines voire des milliers d’opérations parallèles, surtout dans des pays où la conversion en dollar américain est avantageuse et l’emploi traditionnel limité. Sur Deezer, 70 % des contenus IA sont liés à des activités suspectes de spam. Emilie Ruiz nuance toutefois : pour certains, c’est un business lucratif, mais pour d’autres, un simple moyen de « troller » le système.

Reconstruire le modèle économique

Les réactions des professionnels de la création sont partagées. Certains expérimente l’IA sans la voir comme une menace, soulignant que toute innovation apporte défis et opportunités. Emilie Ruiz rapporte que de nombreux artistes souhaitent être reconnus pour leur savoir-faire, et déplorent que l’IA permette à quiconque de créer un morceau viral facilement. Deezer adopte une position neutre : « Nous cherchons à maintenir un marché équitable », affirme Aurélien Hérault, qui voit dans l’enjeu une occasion de repenser le modèle économique de la musique.

Deezer, par souci de transparence, affiche désormais les musiques identifiées comme créées par intelligence artificielle. « Il faut davantage d’éducation sur ce sujet », souligne le directeur de l’innovation, précisant que cette démarche pourrait évoluer dans les années à venir. Après la lutte contre les violences sexistes et les préoccupations écologiques, l’intelligence artificielle s’impose comme le prochain défi majeur de l’industrie musicale.

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