
David Lynch est sans doute l’un des scénaristes et réalisateurs les plus uniques, visionnaires et inspirés de notre époque, reconnu autant pour ses idées que pour son apparence distincte. Son univers surréaliste et troublant se déploie à travers des séries cultes comme Twin Peaks et Twin Peaks: The Return, ainsi que des films marquants tels que Eraserhead (1977), Blue Velvet (1986), Mulholland Drive (2001) ou encore Inland Empire (2006). Lynch s’appuie également sur des courts-métrages énigmatiques comme Rabbits (2002) pour explorer ses obsessions artistiques : cigarettes, café en abondance, jazz fusion downtempo, méditation transcendantale et photographie nue artistique.
Bien que Lynch parle volontiers de ses méthodes créatives, notamment l’importance d’un espace propice à la création, ses sources d’inspiration restent souvent mystérieuses. Par exemple, Twin Peaks puise ses racines dans un meurtre non résolu datant de 1908, analysé dans le livre Blonde, Beautiful and Dead. Pour Eraserhead, Lynch refuse toute interprétation extérieure et affirme que personne n’a encore offert « son interprétation ».
En revanche, le film Lost Highway (1999) provient en partie d’une inspiration plus concrète et littérale que nombre de ses autres œuvres.

Lors de la sortie de Lost Highway, Lynch a évoqué dans une interview la genèse du film. Bien qu’il ait eu du mal à détailler précisément le processus, il a expliqué que son partenaire de scénarisation, Barry Gilford, et lui avaient échangé des idées très différentes, au point qu’ils ne les appréciaient pas mutuellement. Finalement, ce dialogue créatif houleux a conduit à l’écriture du scénario. L’une des scènes clés, celle de l’homme mystérieux rencontré lors d’une fête – un personnage qui déclare être « chez lui » -, est devenue un moment central d’où se sont déroulées la trame noire et les événements inquiétants du film.
Un autre entretien approfondi révèle que certaines idées ont germé pendant le tournage de 1992, alors que Lynch travaillait sur Twin Peaks : Fire Walk with Me. Toutefois, le noyau narratif ne provient pas d’un rêve, mais d’un fait réel reproduit dans le film vers la quatrième minute. Le personnage incarné par Bill Pullman, Fred Madison, fume une cigarette chez lui avant de répondre à l’interphone. C’est la première phrase de dialogue du film : « Dick Laurent est mort. » Ce moment est tiré d’une expérience authentique : Lynch lui-même, répondant à son interphone, est allé regarder par la fenêtre et n’a vu personne. Cette intrusion tangible du réel dans la fiction contribue à l’aura singulière de Lost Highway, mêlant le palpable et l’inquiétant.
