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Il fut un temps où, avant l’ère des smartphones omniprésents, téléphoner nécessitait de porter à l’oreille un véritable « parpaing », comme le DynaTAC 8000X de Motorola. Pourtant, à l’aube des années 2000, une entreprise finlandaise allait révolutionner ce paysage : Nokia. La série Made in Finland, diffusée sur Arte, revient en six épisodes d’environ 50 minutes chacun sur les débuts mouvementés de cette firme nordique dans l’univers de la téléphonie.
Une série inattendue
Les passionnés de technologie ont déjà vu plusieurs films ou séries consacrés aux géants qui ont façonné les nouvelles technologies ces quarante dernières années : The Social Network sur la naissance de Facebook, WeCrashed sur la débâcle de WeWork, ou encore The Playlist sur l’essor de Spotify. Made in Finland apparaît comme une mini-série surprenante, centrée sur la Finlande, terre devenue synonyme de Nokia dans le domaine high-tech.
Le récit débute en 1988, lors d’un effondrement boursier suivi du suicide du patron fantasque Kari Kairano. Fondée en 1865, cette entreprise avait multiplié les activités (de la fabrication de papier hygiénique à la télévision), contraignant Nokia à se réinventer en se lançant dans la téléphonie, autour d’un projet top secret.
De l’analogique au numérique
Contrairement aux mythes hollywoodiens des garages californiens, la révolution Nokia démarre à Salo, une ville finlandaise de 50 000 habitants nichée au cœur d’un parc naturel. Là, des ingénieurs et passionnés développent le H300, l’ancêtre du Nokia 101. Leur objectif : passer de la téléphonie analogique au numérique, en créant un téléphone plus petit, moins coûteux et plus simple que les modèles encombrants comme le DynaTAC de Motorola (1983) ou le Cityman, quasi-clone lancé par Nokia en 1987.
Les similitudes avec Motorola valurent à Nokia des intimidations juridiques, largement abordées dans trois des six épisodes. On y voit des représentants arrogants du service juridique de Motorola venir défier les salariés de Nokia, avant de finir dans un bar au son du tube « Boy, boys, boys » de Sabrina. Le réalisme de ce passage reste cependant à confirmer.
Les prémices du tsunami Nokia
Focalisée sur l’humain, la série suit notamment un ingénieur fictif, Risto Salminen, une responsable juridique bienveillante et les dirigeants confrontés à la tourmente. Made in Finland révèle moins un documentaire technique que l’avant-propos d’une ascension fulgurante. Il s’agit en réalité de raconter les débuts d’un futur géant qui dominera près de 50% du marché mondial de la téléphonie en 2007.
Ce sera aussi l’époque des mobiles emblématiques que Nokia a gravés dans le silicium, comme le mythique Nokia 3210, premier téléphone à intégrer la saisie prédictive T9, ou le célèbre 3310, dont l’autonomie de 11 jours et le jeu iconique Snake ont conquis le monde avec 126 millions d’exemplaires vendus.
La série n’aborde pas encore la chute de Nokia face à l’arrivée de l’iPhone en 2008 et des smartphones Android, dont Nokia ne sut anticiper la montée, ce qui conduisit la firme à vendre sa division mobile à Microsoft en 2014. Les Windows Phones, incapables de concurrencer Apple et Google, disparurent finalement en 2019.
Une série attachante et sincère
Ne couvrant que deux années (1988-1990), Made in Finland s’apparente à une œuvre pleine de candeur et d’affection pour les hommes et femmes de Nokia. Elle dépeint une entreprise en quête d’identité, hésitante, vulnérable, mais aussi au cœur de stratégies audacieuses et du jeu impitoyable de la finance. C’est une fresque humaine chaleureuse et simple valorisant les artisans d’un futur succès mondial.
Après le revers des Windows Phones, plusieurs anciens de Nokia, Microsoft et HTC ont fondé en Finlande la société HMD (Human Mobile Devices), qui possédait la licence mondiale exclusive pour exploiter la marque Nokia dans la téléphonie. Cette concession a permis à Nokia de rester présent sur certains marchés, comme l’Inde, le Kenya ou le Moyen-Orient, souvent avec des téléphones basiques.
Cependant, en raison du manque de succès, HMD a cessé d’utiliser la marque Nokia en 2023 pour développer des produits sous sa propre identité, telle que la gamme Skyline, qui reste à ce jour marginale sur le marché mondial.
