Pourquoi les récits post-apocalyptiques nous fascinent

par Olivier
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Pourquoi les récits post-apocalyptiques nous fascinent
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Une rentrée saturée de fictions post-apocalyptiques

Bunker de luxe, catastrophes technologiques, virus zombie : les plateformes de streaming multiplient les univers de Post-apocalypse. Sur Netflix, les producteurs de La Casa de Papel proposent El Refugio atomico, une satire sociale située dans un bunker de luxe abritant des riches après une apocalypse. Sur Disney+, Marvel Zombies transpose l’univers Marvel dans un monde ravagé par un virus zombie. Et sur HBO/Max, la deuxième saison de Dune Prophecy explore les origines du Bene Gesserit, dix mille ans avant le film, dans un monde ayant survécu à des catastrophes technologiques. À cela s’ajoutent d’autres suites et préquelles : The Testaments (suite de The Handmaid’s Tale), Alien Earth (préquel d’Alien) ou la saison 3 d’Alice in Borderland.

Pourquoi ces récits nous fascinent

Le filon de la science‑fiction, teinté de dystopie et de Post-apocalypse, ne se tarit pas. « Le premier enjeu qui apparaît, c’est le rôle de catharsis », explique Fleur Hopkins‑Loféron, historienne spécialiste des imaginaires scientifiques. Ces fictions brassent de grands récits fondateurs de notre culture populaire et mobilisent des peurs partagées à l’échelle humaine : la disparition, la mort.

Ces récits trouvent un écho particulier aujourd’hui, dans un contexte de pandémies, de réchauffement climatique dû aux activités humaines, d’effritement des liens sociaux et de conflits armés, avec la crainte d’une nouvelle guerre mondiale. « Ces récits réapparaissent frontalement dans nos imaginaires, car on fait le constat assez dramatique que notre monde traverse une forme d’effondrement anxiogène », ajoute la chercheuse indépendante.

S’armer intellectuellement face au pire

Ces dernières années, la fiction a exploré la catastrophe nucléaire (Fallout), le patriarcat nationaliste (The Handmaid’s Tale), les craintes technologiques (Black Mirror), la pandémie et l’effondrement social (The Last of Us, Station Eleven). Selon Fleur Hopkins‑Loféron, la littérature de l’imaginaire — horreur, fantasy, science‑fiction — a la capacité d’outiller notre esprit critique, de nous habituer à la possibilité d’une catastrophe et de nous armer intellectuellement contre ce qui paraît impossible.

Certaines séries sont particulièrement glaçantes. Black Mirror montre des personnages transformés par l’usage de la technologie dans des épisodes d’un réalisme troublant — le plus célèbre étant celui sur le crédit social, devenu réalité en Chine. La saison 7 illustre, par exemple, une avancée technologique réparant le cerveau via un abonnement mensuel dont les tarifs augmentent à chaque version. Un épisode « montre que nous ne sommes que des produits du capitalisme, devenus des data », commente la chercheuse, soulignant la tendance de la science‑fiction à repérer les signaux faibles fondés sur des connaissances scientifiques et technologiques. Les scénaristes imaginent les conséquences possibles de ruptures géopolitiques, technologiques ou médicales, et popularisent ainsi des peurs liées à la technologie devenue compagne plutôt que simple outil.

Le merveilleux‑scientifique et l’anticipation au tournant du XXe siècle

Au tournant du XXe siècle, des récits de fin du monde s’inspiraient déjà des avancées technologiques pour interroger ces métamorphoses. C’est l’époque du « merveilleux‑scientifique », défini par des auteurs français comme Maurice Renard, Guy de Téramond ou Jean de La Hire. Ce courant, qualifié de « roman d’hypothèses », donne une place centrale à la méthode scientifique dans la fiction, rappelle un article de Libération.

Parmi les thèmes récurrents, la peur d’un basculement de la civilisation vers un âge antérieur ou préhistorique revient fréquemment : le fer qui disparaît, l’électricité absorbée par des forces étrangères, un déluge sur Paris, ou la machine qui se retourne contre son créateur et entraîne la chute des humains. Ces motifs traduisent une angoisse propre au début du XXe siècle, mais toujours actuelle dans les fictions contemporaines.

La fin d’un monde comme révélation et possibilité

Faut‑il craindre l’Apocalypse ? « La grande question en germe dans ces fictions, c’est toujours quel monde on veut rebâtir », observe Fleur Hopkins‑Loféron. Le mot apocalypse, au sens premier, signifie révélation : la fin d’un monde annonce la construction d’une nouvelle ère et interroge les structures de la société.

On se demande alors si l’on rebâtira un monde masculiniste et patriarcal, avec des sociétés de classes et une exploitation accrue des ressources, ou si l’on basculera vers des utopies — par exemple des villes solarpunk et un rapport renouvelé au vivre‑ensemble et au vivant. Un courant de la science‑fiction dite positive s’est emparé de cette perspective face à la domination apparente de la dystopie dans l’imaginaire collectif.

Même dans les fictions post‑apocalyptiques, l’espoir demeure. Dans The Last of Us, Fallout ou Silo, les protagonistes retrouvent de l’espoir par leur curiosité : ils sortent du jardin d’Éden métaphorique, sortent de l’état de non‑conscience pour redécouvrir le monde extérieur, confrontent leurs traumatismes, nouent des liens et reforment des sociétés. Ces récits peuvent aussi nous inspirer si les cataclysmes venaient à se multiplier dans l’avenir, alors que l’horloge de l’Apocalypse continue d’alimenter les inquiétudes.

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