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Les années 70 furent une période à la fois féconde et turbulente pour l’industrie musicale, où cohabitaient les éclosions les plus audacieuses et des parcours plus fragiles. Cette décennie a offert une pléthore de genres — soft rock, funk, disco, chanson narrative et arena rock — et a vu émerger des artistes capables de marquer durablement les mémoires, même s’ils n’atteignaient qu’un seul sommet. Pour certains, le succès fut éphémère et difficile à répliquer; pour d’autres, des chemins inattendus ont ouvert des horizons insoupçonnés dans les décennies qui suivirent. Le panorama regorge aussi de moments qui ont brisé des carrières naissantes, tandis que des tragédies et des coups d’arrêt ont également frappé certains talents autrefois prometteurs.

À la lumière de ce contexte compétitif, certains artistes ont su rebondir et poursuivre leur art dans des directions inattendues, trouvant un second souffle dans des projets variés. Voici des noms parmi les plus marquants des années 70, célèbres pour un seul tube, et ce qu’ils ont vécu dans les décennies qui ont suivi.
Les Jaggerz
Donnie Iris s’impose comme une figure locale majeure dans la région du Rust Belt, entre Pittsburgh et Cleveland. Présenté au public comme auteur-compositeur mélangeant accroches radio et rock criard, ses débuts sur le devant de la scène passent par les Jaggerz. En 1970, leur single The Rapper grimpe jusqu’à la deuxième place des charts et Iris en rédige seul les paroles, ainsi que deux autres titres du groupe. Le groupe se désagrège en 1975, et Iris poursuit d’autres projets avant d’intégrer Wild Cherry, connu pour le tube planétaire Play That Funky Music. Après cette étape, Iris forme Donnie Iris and the Cruisers, qui enchaîne quelques succès modestes au début des années 80 avec Love Is Like a Rock, My Girl et Ah! Leah!.
David Naughton
Le visage et la voix de David Naughton deviennent familiers sur le territoire américain grâce à la campagne publicitaire Dr Pepper “I’m a Pepper”. Il déambule dans les rues en chantant le jingle et cela l’amène à jouer dans la sitcom Makin’ It (1979), inspirée de l’engouement pour le film Saturday Night Fever. Le générique disco de l’émission est interprété par lui et le morceau est publié en single, atteignant la 5e place du classement pop. La série est toutefois annulée après neuf épisodes. Naughton continue ensuite sa carrière d’acteur dans les années 80, sans produire d’autre single, tout en conservant une activité soutenue à la télévision et au cinéma.
Alan O’Day
Pionnier discret derrière les projecteurs, Alan O’Day écrit des tubes pour de grands noms — la 5th Dimension avec Flashback, Cher avec Train of Thought, Helen Reddy avec Angie Baby, et le retour flamboyant des Righteous Brothers avec Rock and Roll Heaven. Chanteur et guitariste, il sort quelques albums dans les années 70 qui passent relativement inaperçus, jusqu’à ce que son single Undercover Angel atteigne la première place en 1977. Son morceau suivant, Started Out Dancing, Ended Up Making Love, ne rencontre pas le même succès. O’Day revient ensuite à l’écriture, notamment pour la télévision, et collabore à des projets comme Muppet Babies et d’autres productions de l’époque; il meurt en 2013.
Walter Egan
Pendant les années 70, Walter Egan est proche du cœur du circuit, en tant que musicien recherché et auteur de morceaux pour d’autres artistes. Il collabore avec Gram Parsons et Emmylou Harris sur Hearts on Fire et rejoint le groupe qui accompagne Jackson Browne. Repéré par un dirigeant de label, il enregistre deux albums, dont Not Shy (1978) qui donne le hit Magnet and Steel, classé no 8. Le reste de sa discographie ne rencontre pas le même écho commercial et il quitte le devant de la scène en 1983. Dans les années suivantes, Egan poursuit les tournées et les enregistrements de manière plus indépendante, tout en cumulant des gains via les émissions de télévision et, plus tard, en exerçant comme professeur substitut.
Rick Derringer
Rick Derringer connaît son plus grand succès collectif avec les McCoys, qui atteignent le No. 1 en 1965 avec Hang On Sloopy. Dans les années 70, il rejoint l’Edgar Winter Group en tant que guitariste et producteur, supervisant le hit No. 1 Frankenstein (1972). Il profite de cette notoriété pour se lancer en solo et son titre Rock and Roll Hoochie Koo atteint le Top 40 en 1974. Cette période marque les plus hauts sommets de sa carrière vocale et guitare, bien que ses projets solos restent limités. Derringer devient ensuite un musicien de session et producteur prolifique, collaborant avec Todd Rundgren, Kiss et Steely Dan, et il produit les premiers albums de Weird Al Yankovic. Cette collaboration est plus tard source de regrets pour lui.
The Blues Image
Au début des années 70, les chansons évoquant l’espace abondent, utilisant l’exploration cosmique comme métaphore de la vie. Le groupe Blues Image s’impose avec Ride Captain Ride, No. 4 en 1970. Leur single Gas, Lamps, and Clay atteint No. 81, et l’album est constitué d’enregistrements inédits issus d’une période d’activité intense avant que le groupe ne se sépare après quatre années. Chacun des membres poursuit ensuite des trajectoires singulières : Michael Pinera devient guitariste itinérant, Skip Konte rejoint Three Dog Night, Joe Lala se concentre sur le travail en studio, et Denny Correll contribue à l’émergence d’un courant de rock chrétien avec Love Song et Manna, puis en solo.
Tony Burrows
Au début de l’année 1970, Tony Burrows s’impose comme l’un des chanteurs pop les plus sollicités au Royaume‑Uni, travaillant en tant que chanteur de sessions pour des formations éphémères. Successivement massivement présents, Burrows se retrouve crédité sur Love Grows (Where My Rosemary Goes) d’Edison Lighthouse, My Baby Loves Lovin’ par White Plains et Gimme Dat Ding par les Pipkins, avec des classements qui atteignent les places 5, 13 et Top 10. Puis, sous son propre nom, Melanie Makes Me Smile échoue à la 87e place sur le marché américain. Burrows retourne à l’atelier en studio et participe à des projets comme les premiers disques d’Elton John; en 1974, il connaît un nouveau succès éphémère avec The First Class.
Van McCoy
La disco n’est pas seulement un genre musical, c’est une expérience collective. Les routines de danse, dont le Hustle est sans doute la plus célèbre, ont donné naissance à un phénomène consommé par les clubs dans les années 70. Le single The Hustle (1975) de Van McCoy et de la Soul City Symphony s’impose comme No. 1 dans le monde entier. McCoy est musicien, arrangeur, producteur et compositeur actif depuis la fin des années 50, ayant écrit pour des stars telles que Gladys Knight, Jackie Wilson et Betty Everett. Son plus grand succès solo reste The Hustle, alors que ses œuvres suivantes n’atteignent pas le même niveau de succès. En juin 1979, McCoy est victime d’une crise cardiaque et décède peu après à l’âge de 39 ans; sa famille évoque le poids du chagrin et du stress comme facteurs possibles ayant contribué à ce drame.
Ace
Ace est un groupe britannique qui obtient davantage de succès aux États‑Unis qu’au Royaume‑Uni. Le single How Long (1974) atteint la troisième place américaine mais ne dépasse pas la 20e place au Royaume‑Uni. Le texte est interprété comme une chronique d’une relation en défaut, mais Paul Carrack affirme l’avoir écrit à propos du guitariste Terry Comer, présent dans l’entourage du groupe à ses débuts.
Après trois albums sans tubes et plusieurs changements de formation, Ace se sépare en 1977. La plupart des membres quitte l’industrie, mais Carrack persiste. Après une brève étape dans le groupe du chanteur soul écossais Frankie Miller, il rejoint Roxy Music, puis Squeeze et participe au titre emblématique Tempted. Il collabore ensuite avec Eric Clapton et rejoint Mike + the Mechanics, qui donne les hits The Living Years et All I Need Is a Miracle. En 1987, après de multiples essais, Carrack signe son premier et unique Top 10 en solo avec Don’t Shed a Tear.
Silver
Wham Bam (Shang-A-Lang) de Silver est l’un des titres les plus emblématiques et représentatifs du soft rock des années 70. Les couplets se veulent suaves, tandis que les refrains s’embrasent sous des guitares teintées country et des harmonies marquées. Ce morceau figure parmi les temps forts de l’album éponyme Silver, dont la pochette fut conçue par Phil Hartman, futur icône de l’humour. Environ deux ans plus tard, Silver se sépare; Tom Leadon, guitariste, avait auparavant joué avec Mudcrutch et fut l’un des principaux guitaristes lors des tournées Linda Ronstadt. Après avoir quitté Los Angeles pour enseigner la guitare à Nashville, Leadon rejoint Mudcrutch, qui publiera plusieurs albums au XXIe siècle. Le claviériste Brent Mydland devient finalement membre des Grateful Dead en 1979 et joue sur leurs albums et sur des centaines de concerts jusqu’à son décès en 1990.
Terry Jacks
La ballade Seasons in the Sun (1974) est une réussite improbable. Narrée du point de vue d’un homme sur le seuil de la mort et revenant sur sa vie, elle s’inspire d’une œuvre de Jacques Brel traduite par Rod McKuen. Terry Jacks, pressenti par les Beach Boys, décide finalement de l’interpréter lui‑même. Son successeur, If You Go Away, n’obtient pas le même succès. En dehors de la musique, Jacks devient activiste environnemental, fondant Environmental Watch, et mène des actions pour limiter les rejets des usines et contester des cas de pollution.
Shocking Blue
À la fin des années 60 et au début des années 70, plusieurs groupes néerlandais gagnent en audience au Royaume‑Uni et aux États‑Unis, et Shocking Blue est sans doute le plus marquant de cette vague néerlandaise. Le guitariste Robbie van Leeuwen compose les textes et la musique en anglais pour Venus, chanté par Mariska Veres, dont la voix singulière et l’attitude distancée fascinent. Le morceau atteint la No. 3 aux Pays‑Bas et triomphe en Belgique, en France, en Italie, en Espagne et en Allemagne de l’Ouest; Jerry Ross achète les droits américains et le titre atteint la No. 1 aux États‑Unis en février 1970. Par la suite, Shocking Blue ne retrouve pas un nouveau sommet aux États‑Unis. Van Leeuwen dissout le groupe en 1974 et forme Galaxy Linn, tout en produisant quelques singles pour Veres qui demeurent sans grand succès. Veres poursuit des incursions dans le jazz; elle meurt d’un cancer en 2006.
